Société : CHASSE AU PETIT GIBIER EN ALGÉRIE
La passion méconnue


Ils sont avocats, médecins, politiciens, agriculteurs, hommes d’affaires ou simples fonctionnaires. Ils sont jeunes et moins jeunes. Tout les sépare mais une passion les fédère. Il s’agit de la chasse au gibier. Près de 20 000 chasseurs sont membres de la Fédération nationale des chasseurs. Comment pratiquent-ils leur passion ? Quel statut a leur sport ? Et combien coûte sa pratique ? La chasse à l’info a été lancée…
Un sport réglementé
Contact avec la nature, montée d’adrénaline, l’exhalation de pourchasser… les mots ne manquent pas pour ceux qui pratiquent la chasse au petit gibier et au sanglier ! Pour eux, rien de plus exaltant que de passer une journée avec une équipe de chasseurs, dans une ambiance fort sympathique, loin du stress quotidien. Mahmoud, médecin, résume en une phrase cette sensation : «C’est plus qu’un sport ou un loisir, la chasse au petit gibier et au sanglier, c’est tout un univers. Quand je chasse avec les amis, je me sens heureux et vivant.» Une sensation que tous les chasseurs rencontrés partagent. De différentes couches sociales et d’âges différents, ils ont cette même passion pour un sport méconnu. La loi n° 04-07 du 27 joumada ethania 1425 correspondant au 14 août 2004 relative à la chasse encadre tout ce qui a trait à ce sport. «Cette loi nous permet de nous adonner à notre passion en toute légalité et nous donne un statut. C’est un pas important», souligne le président de la toute jeune Fédération de chasse de Bougara, regroupant neufs associations régionales. «Nous comptons déjà 180 membres détenteurs de permis de chasse. La chasse n’est, ainsi, pas gelée comme le pensent certains. Nous la pratiquons dans un cadre réglementé», a ajouté le président de ladite fédération, M. Lekhal. Les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse varient en fonction des espèces, les périodes de chasse sont fixées chaque année par l'administration, sur avis du Conseil supérieur de la chasse et du patrimoine cynégétique. En règle générale, elle est ouverte le mois de septembre et fermée en février ; elle n'est permise que les jours fériés et les vendredis. Et dans certains cas particuliers, la battue administrative peut être autorisée pour réguler les espèces pullulantes, comme le sanglier. «Les autorités concernées font appel à nous régulièrement pour faire des battues de sangliers», souligne fièrement Mahmoud, la cinquantaine. Et de relever : «Nous avons un rôle important dans la société que beaucoup méconnaissent.» «La pratique de la chasse, outre le fait qu'elle constitue une source de subsistance, joue un rôle essentiel dans les domaines socio-économique et environnemental et participe activement aussi bien à la gestion durable et rationnelle du patrimoine faunistique, qu'à la préservation de ses habitats», note, pour sa part, un fonctionnaire de la Direction générale des forêts. Il signalera que les principales espèces de gibiers en Algérie sont scindées en deux : oiseaux (caille des blés, perdrix gambra, faisan commun et canard colvert) et mammifères (sanglier, lièvre brun et lapin de garenne.)
Un secteur touristique
Tout en évitant tout amalgame avec la chasse à l’outarde, les chasseurs rencontrés estiment que ce sport est un vrai vivier touristique. Rencontré lors d’un Salon régional sur la chasse au petit gibier, ce forestier notera qu’avant la décennie noire, nombres de touristes venaient pratiquer la chasse au petit gibier. La loi de 2004 encadre également cet aspect. L'exercice de la chasse touristique est autorisée par l'intermédiaire d'une agence touristique aux étrangers résidents ou non, devant être titulaires d'un permis de chasse et d'une licence de chasser en cours de validité et être couvert d'une police d'assurance. Selon l’article 17 de ladite loi, «les agences de tourisme sont tenues de veiller au respect de la législation et de la réglementation en matière de chasse par leurs clients étrangers. Elles ne peuvent, à cet égard, décliner la responsabilité qui leur est conférée par les dispositions de la présente loi et de ses textes d’application, du fait des agissements de leurs clients.» Et selon l’article 18, «les produits de chasse touristique faisant l’objet de transformation, et/ou de conditionnement et/ou d’exportation ne peuvent dépasser le nombre autorisé par la loi et selon des modalités précisées par voie réglementaire.» Les agences de tourisme en Algérie proposent, à titre d’exemple, des chasses touristiques organisées par groupe de 4 à 12 personnes, aussi bien pour le perdreau que pour les battues de sangliers. Une autorisation d'importation temporaire de l'arme de chasse ainsi que de la licence de chasse auprès des administrations concernées, sous réserve que toutes les conditions soient remplies (passeport en cours de validité, visa selon le pays d'origine du chasseur) est obtenue par l’agence pour le touriste. Ainsi, seul le fusil de chasse classique à canons lisses de type superposé ou juxtaposé de calibres 12, 16 ou 20 mm est autorisé. Les armes à canon rayé et automatiques de plus de trois coups ne sont pas admises en Algérie. Une seule arme par chasseur est tolérée en importation temporaire à l'occasion des séjours organisés. Cette arme doit être obligatoirement réexportée à l'issue du séjour. La quantité de cartouches autorisée pour la durée du séjour est fixée à soixante par fusil. Le port des armes et munitions doit se faire conformément à la réglementation en vigueur qui recommande notamment l'utilisation d'un étui rigide approprié. Cependant, pratiquer cette passion a un coût et qui n’est pas des moindres.
Un sport au coût exorbitant
L'exercice de la chasse est accordée à tout citoyen algérien ayant un permis de chasse et une licence de chasse en cours de validité, membre d'une association de chasseurs et couvert d'une police d'assurance. Cependant, ces aspects ne concernent que les points administratifs. Pour un bon chasseur, l’attirail adéquat s’impose. Et cela a un prix. Il faut compter la tenue estimée au bas prix à 20 000 DA, le fusil dont la fourchette varie entre 200 000 à 600 000 DA et les cartouches cédées entre 40 et 200 DA. Et pour faire une «bonne partie», le sloughi s’impose. Ce chien de chasse est vendu, non dressé, entre 15 000 et 20 000 DA. «Il faut savoir que les outils de chasse, tels que les fusils et les cartouches, sont indisponibles sur le marché. La plupart des chasseurs se procurent, notamment, les cartouches chez les trabendistes. Ce qui est très dangereux», confie un jeune chasseur, pour qui ça vaut la peine de prendre des risques pour ce sport. Un sport qui est transmis de génération en génération, tel un témoin. Comme c’est le cas pour le Dr I. Abdellah, neurochirurgien, qui pratique la chasse depuis l’âge de 8 ans. «C’est une passion qui se transmet de père en fils. Mon grand-père a eu son permis de chasse en 1918 en Kabylie, à Ath-Yenni. Et depuis, cela est devenu une passion familiale. Mon père, à son tour, m’a prodigué beaucoup de conseils pour bien chasser, fabriquer les cartouches et les accessoires nécessaires », confie, fièrement ce maître-assistant. Et d’expliquer la passion de la chasse : «La chasse nous permet de nous relaxer, d’être en contact avec la nature, cela nous donne un certain confort physique et quand on fait une bonne partie de chasse, cela procure une satisfaction personnelle. Nous n’avons pas raté le gibier, le sloughi nous a bien appuis. Que demander de plus ?» Ultime appel de ce passionné de la chasse, rejoint par tant d’autres, est la restitution des armes confisquées par les autorités en 1993. «Il s’agit de deux fusils de chasse qui appartenaient à mon défunt père et nous ne les avons pas encore récupérés. Je me demande jusqu’à quand leur confiscation se poursuivra ?» regrette-t-il.
M. O.

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