Actualités : EXPRESSION DE LA CONTESTATION SOCIALE
L’émeute, le choix fatal


Les jeunes Algériens ont l’émeute à fleur de geste. Au cours de l’année 2010, ils en ont produit plus de 10 000, soit une moyenne de 800 émeutes par mois. Enorme. Quasiment, toutes les revendications sociales ont été exprimées dans et par l’émeute.
Sofiane Aït-Iflis - Alger (Le Soir) - Mais d’où vient-il que l’Algérien a souvent recours à la contestation violente pour formuler et faire valoir ses demandes ? Ce n’est certainement pas par réflexe inné. Assurément, il y recourt parce que les modes et les cadres d’expressions pacifiques des revendications se trouvent verrouillés. Les marches, les rassemblements, voire même les grèves étant interdits, du moins rarement autorisés, l’Algérien, le jeune chômeur, tout comme le père de famille qui fait face aux difficultés économiques, se retrouve contraint d’agir de la sorte pour se faire entendre. L’émeute, qui tend à structurer un comportement social chez l’Algérien, du fait de sa récurrence, apparaît comme la conséquence directe de la barricade que les choix politiques autoritaires ont dressée devant le dialogue social. C’est en d’autres termes ce qui arrive lorsqu’une société étouffe parce qu’empêchée de se doter d’instruments organisationnels les plus à même de plaider ses causes. L’opposition politique étant brimée, les syndicats autonomes déconsidérés, il est normal que les revendications politiques, sociales et économiques s’expriment sur d’autres modes et giclent comme des éruptions volcaniques. Et l’on ne s’étonne pas que les soulèvements populaires soient un brin anarchiques, faute d’encadrement conséquents, voire une totale absence d’encadrement. Ce rôle est dévolu aux syndicats, associations et partis politiques. Or, ces derniers se trouvent eux-mêmes gênés, sinon interdits d’activités publiques. L’on a vu de quelle manière les pouvoirs publics s’étaient comportés avec les mouvements de grève qui avaient essaimé dans de nombreux secteurs d’activité au cours de l’année 2010. A chaque fois qu’un avis de débrayage est formulé, la justice s’en trouvait appelée, via des référés d’heure en heure, à la rescousse. Cette dernière a rarement déçu les autorités. Elle a souvent déclaré les grèves illégales. Les partis politiques de l’opposition ne peuvent, eux, organiser une manifestation de rue. Notamment à Alger où, depuis le 18 juin 2001, les marches et rassemblements sont interdits. Aussi si l’Algérie produit l’émeute, la responsabilité incombe au pouvoir politique qui gère la société par l’interdit, qui a réglé sa gouvernance sur mode répressif.
S. A. I.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable