Actualités : ORAN
Une centaine d’arrestations depuis le début des émeutes


Après trois jours à jouer au chat et à la souris avec les forces de l’ordre, les jeunes émeutiers des différents quartiers de la ville d’Oran semblaient s’être terrés ce samedi matin chez eux et un calme sournois régnait sur tous les lieux que nous avons visités.
En passant par Ras-El- Aïn, Taureau, Planteurs, Cheklaoua, Pitti, El-Hamri, Victor Hugo … hormis des fourgons de police, n’étaient présents que les éboueurs s’affairant à ramasser les ordures de la veille dans ces quartiers. En effet, la veille, nul n’a osé s’y aventurer tant la tension était grande et ce, jusqu’à plus de deux heures du matin. L’on saura de source sûre que depuis le début de ces manifestations ce sont plus d’une centaine d’arrestations, qui ont été effectuées. Dans ces quartiers, les rues étaient désertes et les jeunes s’y faisaient discrets. Aux Planteurs, nous nous rapprochons d’un groupe de jeunes qui nous ont vite demandé de les laisser tranquilles. «Nous avons passé une mauvaise nuit et nous en avons ras le bol que dans la presse, on nous traite de casseurs irresponsables. Nous sommes pour la plupart des chômeurs et certains même illettrés. Nous n’avons pas d’autres moyens d’exprimer notre désarroi autrement que par la colère. Personnellement, je me vois mal tenir une pancarte et manifester, comme ils disent, «pacifiquement. » C’est justement cet esprit pacifique qui nous a amenés à subir le diktat et la hogra toute notre vie. » Un autre jeune, à peine 16 ans, dira :«Partez, ne revenez qu’après le coucher du soleil. Nous ne sommes pas dupes pour manifester en plein jour. En plus, nous devons préparer nos munitions ». Ces mots lâchés, le jeune est vite bousculé par ses amis qui le traiteront d’idiot de nous avoir parlé de munitions. Nous avons préféré les laisser à leur colère qui commençait à resurgir. A Ras-El-Aïn, même méfiance, mais nous réussissons tout de même à entamer une discussion avec deux jeunes rencontrés dans une épicerie. Ils nous montrent l’une des dernières trouvailles qui leur sert pour riposter contre les forces de l’ordre : un pistolet à eau qu’ils remplissent d’essence ; ils transforment donc l’objet, en apparence anodin, en une arme redoutable. Nous nous garderons de décrire cette technique dans le détail, pour ne pas contribuer à en informer ceux qui auront l’idée de l’appliquer. Autres armes utilisées : des couteaux, des sabres, des barres de fer, mais aussi des sortes de crochets en fer, qui leur servent à soulever les rideaux des magasins sans grande difficulté. Pour sa part, l’épicier chez qui nous avons rencontré ces jeunes dira, au sujet de la casse : «Je suis pour ! Car ces jeunes n'ont pas à porter de pancartes, ils ont déjà du mal à porter leur mal-vie et leur misère. C'est à vous les intellos et autres partis politiques de faire ça à la manière pacifique comme vous dites ! ». Parmi les points sensibles qu’évoquent ces jeunes en colère, bien audelà de l’augmentation des prix, la hogra notamment à travers l’exclusion sociale, le chômage, la mal-vie et la misère galopante. Ils ne comprennent pas pourquoi l’Etat s’acharne sur les pauvres ? Par acharnement, ils désignent : l’éradication des bidonvilles, la résorption de l’habitat précaire, la lutte contre le commerce illicite, les poursuites judiciaires contre les harragas… Pour ces jeunes, il s’agit de moyens qui leur permettent de se débrouiller quelques misérables moyens pour survivre. Il ne voient en les autorités que les bulldozers ou matraques rasant tout sur leur passage les réduisant à néant, sans leur laisser une chance de s’en sortir. C’est pour toutes ces raisons que l’émeute est considérée par ces jeunes comme un moyen d’exprimer leur mécontentement contre plus hautes autorités de l’Etat. En début d’après-midi, la vie semblait reprendre son cours normal, même si la méfiance était toujours de mise. Chacun avait la certitude que l’émeute était loin d’être finie et tous appréhendaient les heures à venir. Vers 15h, une centaine de jeunes, visiblement des étudiants, ont investi la place d’Armes où ils se sont réunis sur les marches du théâtre régional d’Oran, brandissant le drapeau algérien et une pancarte où était inscrit : «Djazaïrouna» (Notre Algérie). Sans plus tarder, la police les encadrent, leur retirant la pancarte en question et les dispersant dans le calme. Apparemment, il s’agissait d’un appel à manifester pacifiquement lancé sur Internet par des réseaux sociaux auquel ces jeunes ont voulu répondre.
Amel B.

L’émeute reprend
Vers 15h50, un mouvement de panique indescriptible s’est emparé du boulevard Mata, de la rue Mostaganem, puis du centre-ville. Des automobilistes roulaient en sens inverse prenant même le risque de renverser des piétons qui, eux, courraient, affolés, dans tous les sens. Des femmes hurlaient de peur d’être coincées parmi les manifestants, notamment celles accompagnées de leurs enfants. Les policiers présents se sont vite mis en position de défense, relayés par les sirènes des voitures de police qui raisonnaient de partout, ce qui n’a pas du tout rassuré les passants, déjà paniqués par la rumeur. Tous les commerces ont vite baissé rideau et les rues furent en quelques minutes désertées. L’on saura que des émeutes ont éclaté à la ville-nouvelle et que les manifestants, apparemment très en colère, tentaient de regagner le centre-ville, ce qui explique le mouvement de panique des citoyens. Une fois parvenus à la ville-nouvelle, on saura que ce sont de fausses rumeurs d’émeutes qui ont créé la panique, relayées par des voleurs. Ces derniers profitent de ces événements pour voler vêtements et portables. Les bijoutiers, nous dit-on, ont pour la plupart fermé leurs magasins car étant les premières cibles. Vers 17 heures, l’émeute, la vraie cette fois-ci, a repris dans différents quartiers de la ville d’Oran.
A. B.

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