Chronique du jour : DECODAGES
Le message pour 2011 : démocratie et projet économique


Par Abdelmadjid Bouzidi
abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr
On ne peut pas dire que chez nous l’année 2011 commence sous de bons auspices. Colère de la jeunesse, émeutes, mort d’hommes. On aurait aimé aborder la nouvelle année sur un tout autre tableau : ouverture démocratique, instauration des libertés, perspectives prometteuses pour la jeunesse… Hélas ! Mais quand donc ce cher pays, ce peuple valeureux pourront-ils souffler un peu, retrouver le sourire, renouer avec l’expérience ?
Quand donc les gouvernants prendront-ils la juste mesure des souffrances de la société ? Quand commenceront-ils à croire en leurs propres jeunes, à les entendre, à les écouter …? Au plan économique, l’année 2010 s’est pourtant terminée sur des résultats acceptables, notamment au plan financier. Il n’est pas utile de rappeler une nouvelle fois ces résultats. Un constat par contre que personne ne conteste : les ressources financières sont bien là, mais pas le projet. Et ce déficit explique aussi pour sa part la perte de perspective et d’espoir dont souffrent les Algériens. Nous avons déjà eu à l’écrire : le projet économique dont a besoin l’Algérie ne peut pas être réduit aux programmes d’équipements quelles que soient leur ampleur et leur utilité. Ceux-ci sont certes nécessaires mais ils ne peuvent pas remplacer une stratégie multi-sectorielle d’investissements productifs créateurs d’emploi, producteurs d’offre et vecteur d’autonomie et de diminution de la dépendance vis-à-vis de l’extérieur. On peut aussi ajouter que les politiques économiques élaborées pour lutter contre la crise et qui sont mises en œuvre chez nous depuis une décennie relèvent d’une politique de Gribouille. Elles peuvent à la limite réparer des «pannes» mais elles restent totalement insuffisantes pour remettre l’économie sur un sentier de croissance robuste et durable.
Que doit-on faire de l’économie algérienne ?
La question est sérieuse. Aucune nouvelle structure mise en place (tel le fonds d’investissement BAD, par exemple), aucune mesure de loi de finances, aucune privatisation de banques ou d’entreprises n’ont d’intérêt tant que l’on n’a pas une idée claire de ce que l’on veut faire de l’économie algérienne. Nous l’avons maintes fois écrit : l’économie algérienne a besoin de politiques structurelles adossées à une ambition clairement affichée. La conjoncture financière actuelle favorable, s’il en est, doit être sérieusement mise à profit pour aller à l’élaboration de ce projet que tout le monde attend de ces politiques structurelles. Il n’y a pas de doute : sérieusement construits et clairement affichés, ce projet et ces politiques structurelles remobiliseront les Algériens, feront rêver notre jeunesse, lui fixeront un cap et donneront un sens à ce combat qu’elle attend toujours de mener pour l’essor de son pays.
La construction du projet économique pour l’Algérie exige d’abord, pour être crédible et efficace, un contexte d’ouverture démocratique, un dialogue, une concertation.
L’Algérien soulève des montagnes lorsqu’il est considéré, écouté, valorisé. Il est exécrable, prédateur, excessif dans ses colères que déclenche en lui la hogra.
La concertation absolument nécessaire pour remobiliser la société et la mettre en ordre de bataille devrait s’organiser autour de quatre grands dossiers, des dossiers-pivots qui irradient toute l’économie.
1) Les hydrocarbures

Il est grand temps, maintenant que l’on a échappé à la fameuse loi sur les hydrocarbures qui a failli dépouiller le pays de sa principale, pour ne pas dire son unique source d’accumulation, il est donc grand temps à présent de redéfinir la place et le statut des hydrocarbures dans l’économie et sortir définitivement de la démarche qui a prévalu jusqu’à maintenant et qui a déstabilise ce secteur stratégique en permettant à chaque ministre de l’Energie d’avoir sa propre politique de l’énergie. Doit-on rappeler que, pourtant, une structure de concertation de haut niveau existe bel et bien : le Conseil national de l’énergie, dont les missions consistent précisément à débattre des choix et des grandes orientations à suivre dans ce secteur ! Il suffit de le remettre en fonctionnement ! Il y a dans le domaine de l’énergie deux objectifs à poursuivre qu’il faut rendre compatibles.
A/ Assurer le financement de la nouvelle stratégie économique nationale. Il faut pour cela :
a1/ Définir cette nouvelle stratégie économique.
a2/ En déduire les besoins en ressources financières à mobiliser pour sa réalisation.
a3/ Déterminer la place du curseur de production et d’exportation des hydrocarbures.
Le second objectif à atteindre consiste à déterminer nos besoins énergétiques sur le long terme et en déduire une politique de préservation de l’énergie fossile et de développement des énergies renouvelables.
2/ Le second chantier d’élaboration du projet concerne la nécessité de renouer avec notre ambition industrielle. Quelle stratégie industrielle mettre en œuvre en sachant qu’elle devra se réaliser dans un contexte différent de celui des années 70. Quels objectifs poursuivre et quelles sont les nouvelles contraintes nationales et mondiales ? La question n’est pas simple et demande une réflexion profonde et sérieuse. Surtout que l’avenir de l’Algérie se joue dans l’industrie : refaire les erreurs d’une insuffisante maturation, ne pas tenir compte des évolutions que vit l’industrie mondiale et du rythme rapide de ces évolutions, c’est forcément aller dans le mur. Notons, par exemple, les liens entre les chantiers I et II et l’impérieuse nécessité de penser la politique des hydrocarbures dont nous avons rappelé les deux principales articulations, en liaison avec la nouvelle stratégie industrielle à mettre en œuvre. Tant du point de vue des ressources financières à mobiliser que de celui des besoins en énergie à satisfaire, l’industrie sollicite le secteur des hydrocarbures. A quels niveaux ? La politique énergétique a besoin de connaître les choix qui seront faits dans le secteur industriel, de même qu’elle influe sur ces choix.
3/ Le défi de la sécurité agroalimentaire
Quelle politique agricole mettre en œuvre pour améliorer la production agroalimentaire nationale ou au moins améliorer l’équilibre de la balance agricole du pays ? Comment mettre en application la révolution agricole que l’Algérie attend toujours ? Nous retrouvons ici un autre lien à respecter dans la démarche globale : quelle industrie pour quelle agriculture ? Peut-on élaborer une stratégie industrielle sans connaître les choix qui seront faits en matière agricole ?
Or, la loi d’orientation agricole a été adoptée par le Parlement et la démarche industrielle semble se mettre en marche en déconnexion de cette loi ! Il serait curieux de tester la cohérence de l’une par rapport à l’autre ! Ainsi, il y a au moins trois secteurs stratégiques, déjà en eux-mêmes, mais plus décisifs encore dans leur interrelation qui ont besoin d’être mis en cohérence. Il n’est pas possible de poursuivre sur les démarches sectorielles actuelles déconnectées les unes des autres. Un travail de mise en cohérence est indispensable. Et ce travail est urgent.
4/ Le quatrième chantier à ouvrir, de première importance lorsqu’on veut penser à l’après-pétrole, concerne le nouveau paradigme de croissance actuellement en œuvre dans les économies développées : l’économie fondée sur la connaissance. La compétitivité et la performance économiques reposent de plus en plus sur la connaissance, le savoir, le savoir-faire et non plus seulement sur le capital et le travail. L’immatériel est aujourd’hui un facteur de production stratégique.
L’Algérie doit faire sien ce nouveau paradigme-système éducatif et de formation, technologies de l’information et de la communication, innovation et recherche, climat des affaires favorables à l’investissement : c’est dans tous ces domaines que se jouent nos chances d’intégrer, par le haut, la mondialisation de l’économie et de tirer profit de la densification des échanges économiques internationaux.
Pour conclure, énergie, industrie, agriculture, économie fondée sur la connaissance : c’est là que se joue l’après-pétrole. Les institutions existent dans le pays, les compétences aussi, la conjoncture économique et surtout financière est favorable. Il reste la mise à feu. L’Algérie de 2020 économie émergente ? Elle est à portée de main.
A. B.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable