Culture : PLUME EN DÉLIRE DE SAÏD HILMI
Histoire de mots, histoire d’une vie


Voleur de mots, de plume, de feuille blanche, de photos… Eh oui ! Saïd Hilmi a osé pareil délit. Il vient de pénétrer par effraction dans la maison des écrivains, un livre autobiographique au poing.
Il ne manquait plus que ça ! D’autant que le gentleman cambrioleur (un Arsène Lupin encore plus fantaisiste) ne se prend pas du tout la tête en commettant pareil sacrilège. Cette intrusion dans les «belles lettres», naturellement celle du comédien, est donc une parodie, une sorte de mise en scène d’une pièce théâtrale à laquelle est convié le grand public (des lecteurs). Le titre de l’ouvrage ( Plume en délire, ou encore Koulech khortien sous-titre) annonce, déjà, cette légèreté, cette leçon d’humilité des gens sérieux qui ne cherchent pas à se prendre au sérieux. Mais alors, un truc satyrique ? De l’auto-dérision ? «Non, il s’agit plutôt de l’histoire d’une vie, avec beaucoup d’éléments autobiographiques», nous dit Saïd Hilmi sur le ton de quelqu’un redevenu sérieux. «Toute vie, heureuse ou triste, est quand même vécue. Elle est belle», souligne-t-il d’un regard amusé. Surtout que son livre, au fond, se veut d’abord mémoire vivante. Un témoignage s’étalant sur plus d’un demi-siècle, dans lequel il fait évoluer et (re) vivre une foultitude de personnages, dont lui-même et tous ses amis artistes encore vivants ou disparus. Le lecteur pourra découvrir dans cet ouvrage beaucoup de témoignages sur la vie de tous ces artistes, leur quotidien, des anecdotes avec Hadj M’hamed El-Anka, Slimane Azem, Rouiched… Saïd Hilmi y raconte des choses belles, mais aussi très tristes. Un livre sur la vie. Le livre de sa vie qui lui permet, cette fois encore, de donner le meilleur de lui-même. Et pour mieux se raconter et raconter ses compagnons de route, il a étoffé son ouvrage de belles photos légendées (chacune est elle aussi une histoire, une vie, un clin d’œil malicieux à un silence bruyant). «Nous avons tous pris et assumé nos responsabilités, on n’attend pas qu’on nous sollicite», rappelle Saïd Hilmi au sujet de tous se amis artistes auxquels il rend ici le plus beau des hommages. Quant à la dérision et la tendre férocité qui caractérisent son style d’écriture, cela permet d’atténuer la souffrance, d’exorciser le mal, mais aussi de mettre à nu certaines vérités. Ici, la plume en délire laisse alors couler une encre qui dévoile des vérités parfois aveuglantes, voire dérangeantes. Et qui mieux qu’un «comique» peut révéler et asséner ces vérités sur un ton mordant et plein de dérision ? Saïd Hilmi (ou Saïd Brahimi si vous préférez) a commis pareil livre d’abord dans le souci de toujours répondre présent dans la création artistique algérienne. C’est pourquoi, nous a-t-il répété, il n’est ni romancier ni écrivain. «A un moment, précise- t-il, je m’adresse dans le livre à tous les romanciers algériens vivants ou disparus, tels Rachid Mimouni, Mohammed Dib, Rachid Boudjedra, Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri… et je leur dis : je ne peux vous citer tous. Veuillez m’excuser d’agresser votre honorable métier. Je ne suis pas romancier, je ne suis pas écrivain, je ne suis que votre fervent lecteur. J’en appelle donc à votre noblesse, à la sagesse de vos lettres, peut-être je serais alors pardonné d’avoir osé.» Toute prétention mise à part, Saïd Hilmi n’oublie pas qu’il vient «d’une planète qui s’appelle la planète du savoir» (une anecdote sur sa rencontre avec Mostefa Lacheraf). Au final, l’humour truculent de l’écrivain malgré lui éclate dans cette mordante confidence : «Je suis l’unique voleur que l’Etat n’a pas arrêté. Un voleur de lettres (de belles lettres) et de stylos. J’espère qu’ils vont me donner le temps d’en dérober encore.» Pour dire aussi que Saïd Hilmi a été à bonne école, et même la meilleure : celle de la vie. «La faculté de la rue, quand on fait attention, c’est comme une bibliothèque. C’est un temple du savoir», lance-t-il sentencieux. Alors, prenez-en de la graine amis lecteurs, cet ouvrage est riche de leçons, d’enseignements, d’amour et de tendresse. Par exemple, «aux candidats à la harga je dis : n’allez pas mourir à l’âge des fleurs, il fera beau tôt ou tard». Mais oui, le 15 mai prochain Saïd Hilmi fêtera ses 72 printemps. La saison des fleurs, du bourgeonnement, de la vie qui éclot. «Le plus beau des cadeaux que je puisse espérer, c’est de voir toute cette vie foisonner autour de moi toute cette jeunesse», nous dit-il avec émotion. Avant cela, son cadeau à lui ce sera ce livre, Plume en délire, qu’il pourra enfin offrir aux lecteurs. «Il sortira dans trois mois aux éditions Dalimen. Tout a été finalisé, il ne reste que les dernières retouches», précise Saïd Hilmi. A noter qu’il s’agit en fait d’un assez vieux projet d’écriture que le comédien s’est donné le temps de mûrir et de peaufiner. Une prochaine sortie dans les librairies que nous attendons avec impatience...
Hocine T.

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