Actualités : Tunisie, une mobilisation au quotidien

De Tunis, Hassane Zerrouky
Le gouvernement de transition de Mohamed Ghannouchi est face à une équation qui semble a priori insoluble. Mardi, la manifestation de soutien à un gouvernement d’union nationale a tourné court. Les quelques centaines de manifestants, brandissant des pancartes «oui à la révolution, non au chaos», n’ont pas fait le poids face aux milliers de personnes rassemblées devant le théâtre de Tunis, scandant «RCD dehors», «le peuple veut le départ du gouvernement», qui ont vite fait de prendre le dessus et de chasser les intrus.
Au cours de la même journée, le gouvernement a annoncé le versement d’une allocation mensuelle de 150 dinars (78 euros) aux chômeurs diplômés, ainsi qu'une couverture sociale et un tarif réduit dans les transports publics, à condition qu'ils acceptent un emploi à mi-temps dans les services publics. Quant au remaniement ministériel, suite à la démission de cinq ministres dont trois syndicalistes, qui devait être annoncé mercredi, il n’a pas plus convaincu que les regrets du Premier ministre Mohamed Ghannouchi à la télévision publique affirmant que lui aussi avait peur de Ben Ali. Hier encore, via la télévision publique, le gouvernement de transition n’a pas tout à fait renoncé à reprendre le contrôle de la situation. Les appels au calme et au retour à la normale, en attendant les élections, se sont multipliés. Il faut dire que le face-à-face entre une grande partie de la population et les autorités de transition inquiète. D’autant que la mobilisation populaire ne semble pas donner des signes d’essoufflement. La place de la Casbah, devant le siège du gouvernement, ne désemplit pas. Aux centaines de personnes qui campent de jour comme de nuit sous des tentes bédouines sont venus s’ajouter des groupes venant de l’intérieur du pays dans le cadre de «la caravane de la liberté». Mardi, ils étaient plusieurs milliers. «Non au gouvernement francophile », «Oui pour un gouvernement que choisira le peuple», «Pour un gouvernement de salut national», «Pour une Tunisie libre et démocratique», lit-on en arabe sur des affichettes collées au mur ou brandies par les manifestants, qui scandant à tue-tête «RCD bara ! bara !» (dehors en arabe). Sur une autre affichette, le visage d’un jeune, Abdelhamid Souiyi, avec inscrit en-dessous en arabe : «Quand relâcherez- vous nos enfants ?» Une chose est sûre, tout se passe dans le calme, avec une discipline exemplaire. Pas de mots de trop, pas de casse comme en Algérie. Les cafés, les magasins, les supermarchés et les boutiques de marque sont ouverts et connaissent la même affluence. Et les islamistes ? Pour l’heure, on ne les voit pas beaucoup. Du moins, ils se font discrets. Personne n’est en mesure de dire quel est leur poids réel. En plus du mouvement Ennahda, qui affirme accepter le jeu démocratique, il y a le Parti de la libération islamique et les salafistes, nouveaux venus sur la scène politique tunisienne. Quoi qu’il en soit, les mots d’ordre scandés par la foule sont de nature démocratique. Sans doute les islamistes sont-ils en train de prendre la mesure d’un mouvement populaire dans lequel ils n’ont joué aucun rôle. C’est l’UGTT qui a été le fer de lance de cette contestation populaire à l’échelle du pays. Ce sont ses cadres syndicaux et ses militants de base qui encadrent le mouvement de contestation dans la plupart des régions. Ce qui fait que pour l’heure, la centrale syndicale tunisienne apparaît comme la seule force organisée à l’échelle nationale, avec laquelle il faudra compter. Une chose est sûre, on assiste à un réveil d’une société longtemps privée de parole. En plus de ceux qui occupent la rue, des artistes, des intellectuels, des journalistes radio-télés et de la presse écrite sont en assemblées générales permanentes, débattant de ce que devrait être le futur de la Tunisie.
H. Z.

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