LE SOIR NUMÉRIQUE & SAT : LA DERNIERE
L'ŒIL EN COIN
Caméléons de la dernière heure


Par Mourad Nini
«Qui a l’habitude de marcher pieds nus, oublie ses chaussures. » L’expression est bien de chez nous et peut aller comme un gant (…) aux premiers pas que font nos voisins tunisiens vers la liberté d’expression. C’est du moins ce que nous inspire le feuilleton médiatico-politique de l’après-Ben Ali sur ses anciennes chaînes, privées ou publiques…
De l’écran noir pour Hannibal TV (dimanche en après-midi puis revirement le lendemain) au jeu du «je t’aime moi non plus», de sa consœur Nessma TV, on a en effet vite fait le tour de l’hôpital qui se fout de la charité ou de la poêle qui se moque du chaudron ! Quand le boss d’Hannibal, le milliardaire Larbi Nasra et son fils sont incarcérés et accusés de «haute trahison et complot contre la sécurité de l’Etat, l’agence officielle TAP en fait ses choux gras et l’on ne donne pas cher de l’avenir de cette chaîne lancée en février 2005 (avant Nessma TV) de ses millions d’euros investis et de ses employés. Le lendemain, abracadabra, Larbi Nasra est libéré, il remercie ceux qui l’ont gardé en détention provisoire, et la révolution née pour dégommer les autoritarismes d’Etat version Ben Ali peut reprendre en avançant ou en reculant… Les relations très étroites qu’avaient Hannibal et son staff dirigeant avec la belle-famille du président déchu n’étant pas l’apanage du seul Larbi Nasra et ses proches, ça doit sentir le roussi et la chasse aux sorcières chez Nessma des frères Karoui, dont le principal actionnaire Tarek Ben Ammar s’est drôlement illustré sur le «grand journal» le Canal+ tel un paladin défenseur de la veuve et de l’orphelin maghrébins, le sémillant producteur et ami d’El Cavaleri Berlusconi s’en est pris à l’ingérence médiatique française dans les affaires tunisiennes et s’est fendu de drôles d’affirmations sur l’audimat de sa chère Nessma en Algérie. Ses chiffres (invérifiables, bien sûr) et sa fanfaronnade à propos de Nessma (seule chaîne du monde arabe à statut privé…) donnent à penser qu’il est loin le chemin de la repentance pour ce laudateur franco- tunisien de Bouirguiba et Ben Ali réunis. En bonne place sur la pétition appelant Ben Ali à la réélection de 2014 (pétition datée du 8 août de l’an dernier) le Tarek en question s’avère être un drôle de caméléon, et Canal+ qui connaît la chanson aura signifié via son Jean Michel Apathie (chroniqueur au Vitriol) une sorte d’oraison funèbre à la liberté d’expression balbutiante d’une Tunisie décidément en proie à tous les appétits mesquins et… incertains.
Le pas de côté de Sarko
Et pour ne pas quitter nos voisins tunisiens et le produit phare de la maison qui les caractérise aux yeux des Français — un tourisme bon marché —, notons que Sarkozy s’est lui aussi illustré par de drôles de pas de côté en conférence de presse à l’Elysée. Venu parler G20 et régulation du capitalisme au corps diplomatique, le Sarko, qui adore passer ses vacances au Maroc et en Egypte avec sa Carla, ne pouvait faire l’impasse sur la problématique tunisienne, sur la bavure diplomatique de Michèle Alliot-Marie et sur la réserve dont a fait preuve son pays alors que le compteur des tués et des blessés s’affolait au soir du 14 janvier en Tunisie. La longue conférence de presse, retransmise en direct sur les principales chaînes info et reprise en longueur et en largeur par les JT et autres plateaux spécialisés qui suivront, n’aura en fait que confirmer l’éternelle duplicité qu’a Paris pour Tunis, Alger ou Tataouine-lesbains… sans tomber dans l’autoflagellation, le locataire de l’Elysée reconnaîtra loin d’un mea-culpa nécessaire «qu’il y avait une désespérance, une souffrance, un étouffé dont il nous faut le reconnaître, nous n’avions pas pris la juste mesure». Mesure au kilomètre, hectomètre, décamètre, centimètre ou millimètre des visas accordés ? On ne le saura jamais ou plutôt si, car à une journaliste qui lui demandait s’il était prêt à accueillir notre Boutef en cas d’un même chaudron sociopolitique, le Sarko laissera passer des rires dans la salle, fera un pas de côté (une pirouette diplomatique, en fait) et martèlera une nouvelle fois sa pseudo non-ingérence, revendiquera sa pseudo-réserve et… ce recul, «spécialement sur l’Algérie», avant d’enchaîner sur la côte d’Ivoire et ses déboires. On l’aura donc compris le Sarkozy : il veut garder le produit maison de la Tunisie intact (même avec un changement de packaging), ne plus porter la casquette ou le képi du côlon, rester bon ami avec l’Arabe d’à côté et brandir le panneau marketing des droits de l’homme sans avoir à en payer les frais… L’ambiguïté de son illustre prédécesseur de 1958 et le «Je vous ai compris » servi toujours entre petits-fours et discours à l’ancienne. Heureusement que pour la nouveauté basanée et toute frisée, il y a eu un bon petit Jamel Debbouze qui fait son pied-de-nez à tout ce charivari médiatico-politique.
Debbouze, de la honte à l’amour
Avant de recevoir sur son canapé rouge Dany Boon et ses acolytes loufoques du dernier film Rien à déclarer, Michel Drucker recevait donc Jamel Debbouze, le Franco-marocain bon teint. Un «Vivement dimanche» qui restera dans les annales de la télé car le petit frisé aura presque tout déballé, presque tout balancé. De la honte, d’être «rebeu à l’amour qu’il partage avec Melissa Theriau (M6) et leur premier fils prénommé Léon, Jamel avoue avoir évolué de film en film, de spectacle en spectacle. Fini le temps des tabous, il dit tout ! «Musulman prati… quement», il brocarde la religion, la politique, les dogmes identitaires, les discours à l’ancienne. Le vin, le porc, les barbus qui n’ont jamais lu le Coran, Sarkozy, la gauche, la droite, le racisme ordinaire, etc. Tout passe dans la moulinette de cette petite tête de linotte qui en étonnera bien d’autres. D’ailleurs, Claire Chazal, qui le recevait dimanche dernier en JT, doit encore rire de son «Vive la France !» lancée en fin d’interview commencée par un jeu de cache-cache de dessous de table. Quant à Michel Drucker, habitué aux invités Bcbg, il se souviendra longtemps du duo Debbouze-Gad Elmaleh, de Florence Foresti, de Malik Bentalha, du chanteur Stomac et de Leïla Cherif venus squatter le canapé rouge de France 2, canapé où s’était assis tout le gratin du «politiquement correct», genre Chirac, Jospin, Hollande ou Raffarin… Une consécration donc pour le petit Debbouze devenu grand sans être forcément caméléon, version Tarek Ben Amar, Larbi Nasra, etc. de la voisine Tunisie. Une consécration qui pourrait gagner les States et la cérémonie des Oscars, prévue le 27 février depuis Los Angeles et sur Canal +. Le Hors-la-loi de Rachid Bouchareb a déjà brûlé la politesse au Des hommes et des dieux, de Xavier Beauvois (éliminé lors des nominations) et peut très bien remporter l’Oscar du meilleur film étranger. Le film où brille de mille feux Jamel Debbouze (avec Samy Bouajila, Rochdy Zem, etc.) est, comme on le sait, français mais il concourt sous la bannière algérienne. Autre pied-de-nez à la bien-pensance qui court en France ! Ceci dit et pour avoir vu les deux films, celui de Bouchareb et celui de Xavier Beauvois (merci internet et le téléchargement «illégal»…), notons qu’il n’y a pas photo. Hors la loi est de loin meilleur, plus spectaculaire et moins ennuyeux que D es hommes et des dieux. Et au-delà de toutes les polémiques politico-médiatiques (stériles et inutiles), que les moines de Tibherine reposent en paix tout autant que tous nos martyrs (messalistes ou Flnistes) et que les caméléons cessent de nous empoisonner l’existence sur les fréquences télé. Jamel Debbouze qui n’est ni Français «de souche», ni Tunisien, ni Algérien, ni Marocain pur jus, en fait plus pour l’humanité tout entière que ces caméléons de la dernière heure ! «Aligné» sur un site islamiste pour ses propos élogieux sur le vin («nectar divin né il y a plus de trois siècles») le Jamel en rigole et picole, dit-il, à la santé de musulmans pratiquement comme lui.
M. N.

SÉLECTION TV HEBDOMADAIRE
La corde
Un seul plan séquence, de l’humour et du suspense !
> Arte, lundi 31 janvier 2011 à 20h40 (Etats-Unis, 1948, 77mn, VM)
Réalisateur: Alfred Hitchcock
Acteus : Constance Collier, Dick Hogan, Edith Evanson, Farley Granger, James Stewart, Joan Chandler, John Dall, Sir Cedric Hardwicke.

L'un des films les plus expérimentaux d'Hitchcock (tourné en un seul plan séquence !), qui fait la part belle au refoulé, à l'humour et au suspense. Deux jeunes New-Yorkais homosexuels, Bernard et Philippe, étranglent de sang-froid leur camarade d'études David pour mettre en pratique la théorie de leur ancien professeur, Robert Cadell, se référant à Nietzsche et selon laquelle les êtres supérieurs auraient le droit de supprimer un être inférieur sans utilité pour la société. Après avoir caché le cadavre dans un coffre, ils dressent sur ce meuble la table pour une cocktail-party à laquelle sont invités les parents et la fiancée de la victime ainsi que Robert Cadell...
La corde et le coffre
«Vous m'avez jeté mes propres paroles à la figure, Bernard. (...) Vous les avez travesties en une froide et savante excuse pour accomplir un meurtre.» La corde se termine sur une magistrale tirade de James Stewart/Robert Cadell, scandalisé par le meurtre que ses élèves ont commis en s'inspirant de son enseignement. Ce film est le premier produit par Hitchcock et le premier qu'il tourne en couleurs. C'est aussi un exploit technique : pour coller à la pièce, dont l'action se déroule en temps réel, le cinéaste décide de faire un film en un seul plan. La corde est donc composé de huit bobines de dix minutes raccordées de façon discrète, et tourné sans interruption à la prise de vues avec les prouesses que cela implique : murs sur rails s'écartant pour dégager le champ, changements d'éclairage pour simuler un coucher de soleil sur New York...

Le déclin de l'empire américain
Arte, dimanche, 30 janvier 2011 à 20h40 (Canada, 1986, 97mn)
Réalisateur : Denys Arcand
Acteurs : Daniel Brière, Dorothée Berryman, Gabriel Arcand, Geneviève Rioux, Louise Portal, Pierre Curzi, Rémy Girard, Yves Jacques.
Des universitaires montréalais se lancent dans une quête du bonheur immédiat. Un film satirique mené tambour battant. Dominique, Louise, Diane et Danielle s'entraînent dans une salle de sport de Montréal, et parlent des hommes. Leurs amis et complices, Rémy, Pierre, Claude et Alain, professeurs à la faculté d'histoire, préparent le dîner dans une maison de campagne et parlent des femmes. Toutes les conversations tournent autour d'un seul thème : le sexe...

La couleur du mensonge
> France 3, jeudi 27 janvier à 20h35 - Drame
Réalisateur : Robert Benton
Avec : Anthony Hopkins (Coleman Silk), Nicole Kidman (Faunia Farley), Ed Harris (Lester Farley), Gary Sinise (Nathan Zuckerman).
Aux Etats-Unis, un professeur d'université qui cache un lourd secret perd son poste et entame une liaison avec une jeune femme à la réputation sulfureuse. Coleman Silk, un professeur estimé qui cache un lourd secret, a vu, il y a quelques années, sa carrière et sa vie personnelle ruinées par de fausses accusations. Taxé de racisme à la suite d'un malentendu, il a dû quitter son poste dans une prestigieuse université. A présent, il vit une tumultueuse passion avec Faunia, une femme mystérieuse, bien plus jeune que lui. Une liaison mise à mal par la jalousie de l'ex-mari de la jeune femme. Au cours de ses longues conversations avec l'écrivain Nathan Zuckerman, qui vient lui rendre régulièrement visite dans sa maison isolée, Coleman Silk dévoile peu à peu le terrible secret qui le ronge... L'interprétation d'Anthony Hopkins et de Nicole Kidman est assez forte pour transcender une réalisation plutôt terne.

Les évadés
> M6, jeudi 27 janvier à 20h45 - Drame
Réalisateur : Frank Darabont
Avec : Tim Robbins (Andy Dufresne), Morgan Freeman (Red), Bob Gunton (Warden Norton), Clancy Brown (Hadley), William Sadler (Heywood).
Un banquier convaincu de meurtre fait la dure expérience de la réclusion à perpétuité. De rencontre en amitié, il bâtit son nid dans cet univers. Andy Dufresne, convaincu du meurtre de son épouse et de l'amant de celle-ci, est condamné à la prison à perpétuité. Voici ce vice-président d'un important établissement bancaire brutalement exposé à la barbarie à peine réglementée de l'univers carcéral. L'amitié d'un détenu, Red, le soutient tout d'abord avant qu'un conseil fiscal, donné au sadique chef des gardiens, Hadley, ne mette en lumière ses capacités et ne lui vaille l'attention du directeur, Norton. Devenu bibliothécaire, Andy apprend à lire aux détenus, participe à leur réinsertion et donne un nouveau sens à sa vie, non sans aider Norton à gagner d'énormes sommes d'argent... Adapté d'une nouvelle de Stephen King, le film traite de l'enfermement tant physique que psychologique en débouchant sur un propos humaniste. Tim Robbins et Morgan Freeman sont excellents.

U-571
> Direct 8, jeudi 27 janvier à 20h40 - Film de guerre
Réalisateur : Jonathan Mostow
Avec : Matthew McConaughey (Andrew Tyler), Bill Paxton (Mike Dahlgren), Harvey Keitel (Klough), Jon Bon Jovi (Pete Emmett), David Keith (Coonan).
En 1942, l'équipage d'un sous-marin tente de mettre la main sur la précieuse machine dont se servent les Allemands pour émettre leurs messages codés. En 1942, dans l'Atlantique, la marine anglaise torpille un sous-marin allemand, le U-571, à bord duquel se trouve la machine Enigma, qui permet aux nazis d'émettre des messages cryptés et que les Alliés rêvent de s'approprier. Prévenus, les Américains affrètent un S-33, qu'ils maquillent en submersible allemand et l’envoient à la rencontre de l'engin touché. L'opération proprement dite est un succès : l'équipage du U-571 est décimé, et la précieuse machine récupérée. Malheureusement, au moment où le commando s'apprête à regagner son navire, un vrai sous-marin allemand surgit et l'envoie par le fond. Le petit groupe se retrouve prisonnier du U-571, qui menace de sombrer à tout moment... Le film est assez efficace, il offre de belles scènes de combat. Le scénario cède à quelques facilités, mais on ne s'ennuie pas pour autant.

Miami Vice, deux flics à Miami
> TF1, dimanche 30 janvier à 20h45 - Film policier
Réalisateur : Michael Mann
Avec : Colin Farrell (James «Sonny» Crockett), Jamie Foxx (Ricardo Tubbs), Gong Li (Isabella), Naomie Harris (Trudy Joplin), Luis Tosar (Jesús Montoya).
A la demande du FBI, deux policiers infiltrent un cartel de la drogue dans l'espoir de remonter jusqu'au chef pour le mettre hors d'état de nuire. Sonny Crockett et Ricardo Tubbs, deux policiers d'élite qui travaillent en tandem, reçoivent un coup de téléphone d'un de leurs anciens indicateurs. Peu après, l'homme se donne la mort. A la demande du FBI, les deux hommes doivent retrouver les responsables : un gang néonazi de trafiquants de drogue. Après avoir neutralisé un passeur, ils rencontrent José Yero et lui proposent leurs services. Ils espèrent ainsi remonter jusqu'à Montoya, le chef du cartel. Ils accomplissent avec brio quelques transports et s'intègrent au groupe. Mais Crockett séduit Isabella, l'associée et la maîtresse de Montoya, ce qui ne va pas sans inquiéter Yero... Une fois de plus, Michael Mann épate avec sa brillante réalisation, qui ne tombe jamais dans la facilité. Il adapte la fameuse série télé des années 80 (dont il était producteur exécutif) pour signer un thriller intense. L'ambiance sombre est totalement captivante.

«Envoyé spécial» au cœur de la révolution tunisienne
> France 2, jeudi 27 janvier à 20h35
Reportage à Kasserine, cette ville du centre de la Tunisie où la répression a fait des dizaines de morts. Pendant plus d'une semaine, les caméras ont suivi ces jeunes qui ont mis fin à 23 ans de dictature. Au sommaire du magazine également : - Cold Case, des enquêtes à l'épreuve du temps La police et la justice françaises tentent de percer le mystère de dizaines d’affaires criminelles restées non résolues, plus de quinze ans après les faits. Qui a enserré les liens du petit Grégory Villemin en 1984 ? Comment une dizaine d'enfants ont-ils pu disparaître en Isère dans les années 1980 ? - La folie tatoo Dans tous les milieux, des quartiers populaires aux avenues parisiennes huppées, les tatouages sont devenus presque banals. Est-ce un simple effet de mode ou un phénomène ancré dans la société ?

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