Actualités : «Ne lâchez pas», disent aux Égyptiens les «tombeurs de Ben Ali»

«Ils ne doivent pas lâcher sinon c'est la déroute.» Pour les «tombeurs de Ben Ali», l'ex-président tunisien, dont la révolution a inspiré et servi d'exemple aux manifestations en Égypte, seule la pression pourra faire partir le raïs égyptien Hosni Moubarak.
Aux terrasses des cafés de l’avenue Bourguiba, on ne parle que de ça. «Nos frères égyptiens ne doivent pas lâcher, Moubarak est un renard et la moindre concession de la rue ajoutera à son obstination », déclare Abdelkader, plongé dans son journal en quête de nouvelles de la place Tahrir au Caire. Hier matin, des dizaines de milliers d'Égyptiens ont commencé d'affluer pour une journée de mobilisation massive contre le président Moubarak, qui a provoqué leur colère jeudi soir en s'accrochant à son poste. Devant la mosquée Al-Fatah, dans le centre de Tunis, la discussion s'anime entre des fidèles peu avant la grande prière hebdomadaire. «Il n'est pas parti car les Américains veulent qu'il reste», estime Adnane, 40 ans. Youssef n'est pas de cet avis. «Ni les Américains ni l'armée ne peuvent le protéger, la pression est forte et il partira avec la volonté de Dieu». Hosni Moubarak, 82 ans, a gouverné sans partage pendant trois décennies l'Égypte, qui compte plus de 80 millions d'habitants. Un mouvement populaire sans précédent a démarré le 25 janvier pour dénoncer les maux de son règne : chômage, pauvreté, corruption, libertés étouffées, violences policières. «Le pouvoir est maladif. Moubarak doit rejoindre son ami Ben Ali en Arabie saoudite », commente une étudiante, Narjess, qui dit «espérer de bonnes nouvelles du Caire en fin de journée». Journaux et politiciens tirent à boulets rouges contre l'«obstination» du raïs égyptien. «Cela s'appelle gagner du temps, le temps justement de partir. Partir ce n'est pas le fort des dictatures arabes où le pouvoir absolu finit par se travestir en incantation messianique», écrit le quotidien Le Temps (privé). Pour ce journal «l'onde de choc déclenchée par la révolution en Tunisie ne s'arrêtera plus». «Il est dans le coma», «il n'a rien compris», titre en Une le quotidien arabophone Assabah, montrant un Hosni Moubarak le visage hagard. «Moubarak, j'y suis, j'y reste», titre le Quotidien(privé) ajoutant que le président égyptien s'accroche à son fauteuil et laisse la rue aux manifestants. Cette obstination est aussi dénoncée par des groupes politiques tunisiens. Pour Meya Jéribi, secrétaire général Parti démocratique progressiste (PDP, opposition) «la détermination du peuple égyptien à vouloir chasser Moubarak doit se concrétiser. Les peuples arabes ne veulent plus de demi-mesures». «Il faut qu'il parte, le peuple égyptien en a marre d'un régime corrompu», estime Jouneidi Abdeljawed, dirigeant du mouvement Ettajdid (ex-communiste). «S'il n'a rien à se reprocher et veut rester dans son pays, il doit accepter les appels du peuple», ajoute M. Abdeljawed, exprimant l'espoir que l'armée défendra la transition vers une démocratie «véritable et pacifique». Le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, interdit sous Ben Ali) qualifie l'attitude de Moubarak de «danse d'un coq égorgé». «C'est une dernière tentative de s'accrocher au pouvoir contre la volonté du peuple», estime le chef du PCOT Hamma Hammami. Pour lui, le raïs subira «le même sort» que Zine El Abidine Ben Ali, chassé le 14 janvier après 23 ans de pouvoir par une révolte populaire. En plein centre de Tunis, deux manifestations se sont croisées hier midi : l'une pour soutenir les Égyptiens aux cris de «Moubarak, Ben Ali t'attend !», «peuple égyptien, peuple tunisien, révolution jusqu'à la victoire !», l'autre contre le Premier ministre tunisien Mohammed Ghannouchi, traité de «voleur».

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