Actualités : LA DÉPÉNALISATION DE L’ACTE DE GESTION
La réforme urgente et indispensable


Ahmed Réda Boudiaf, ancien bâtonnier national, ancien sénateur
La nécessité de la dépénalisation de l’acte de gestion s’est imposée progressivement un peu partout dans le monde, au fur et à mesure de l’évolution du droit économique vers la complexité. L’Algérie ne fait pas exception à ce mouvement, d’autant que la conjoncture économique impose aux gestionnaires de faire preuve d’audace et de prendre des risques financiers.
Malheureusement, un amalgame dévastateur a fait que le risque de gestion a été qualifié de manière quasi systématique en infraction pénale. Le résultat est là, palpable au quotidien : une activité économique tournant au ralenti, la disparition de l’esprit d’entreprendre et de toute initiative créatrice. Une absence de développement dans un pays ayant tous les moyens de se développer. La disparition de ces vertus cardinales, créatrices d’emplois et de richesses, a laissé la place à la bureaucratie routinière, aux décisions frileuses de compromis, aux retards considérables dans la prise de décision, etc. La révision de la législation pertinente exigée par le président de la République avec pour objectif avoué la dépénalisation de l’acte de gestion, intervient à point nommé. Suffit-il alors de dépénaliser l’acte de gestion pour remédier à la situation évoquée ? N’y-a-t-il pas un risque d’ouvrir la voie à l’impunité des gestionnaires ? En toutes circonstances, la sagesse impose la solution du juste milieu. En guise de première réflexion, nécessairement générale et sommaire, la réforme voulue par le président de la République va consacrer deux objectifs fondamentaux :
• Assurer l’esprit d’initiative et la liberté d’entreprendre ;
• La dépénalisation de l’acte de gestion ne signifie nullement l’impunité. Ces objectifs seront atteints grâce à l’action de magistrats compétents en mesure de construire une jurisprudence de référence. Le principe de la liberté d’entreprendre n’exclut pas le contrôle d’organes compétents. Il y a lieu d’abord de procéder au réaménagement et au renforcement des organes sociaux des entreprises. Il faudrait ensuite retirer l’opportunité des poursuites au parquet. Il faut enfin appliquer de manière effective la responsabilité pénale de la personne morale introduite récemment et à juste titre dans la législation pénale. La dépénalisation de l’acte de gestion commande d’adapter les infractions pénales au contexte économique :
- En définissant de manière précise et restrictive l’acte délictueux en matière de gestion en tenant compte des solutions jurisprudentielles d’autres pays : harmoniser notre législation par rapport aux standards internationaux contribuera à rassurer les investisseurs étrangers contre l’aléa judiciaire en Algérie et ne retenir la poursuite pénale que si le dirigeant a recherché un avantage personnel au détriment de l’intérêt de la société.
- En bannissant le recours aux infractions matérielles en matière économique et financière et exiger systématiquement l’élément intentionnel d’autant que la loi prévoit généralement d’autres modes de sanctions à côté de l’infraction pénale : la sanction administrative ou la sanction déontologique.
- En exigeant l’existence d’un préjudice dans les infractions économiques. Mais comme toute réforme, ignorer le facteur humain mènerait directement à l’échec : le rôle du juge est primordial dans la mise en œuvre des textes à venir en réhabilitant le droit des entreprises en difficulté et faire de la sauvegarde de la pérennité de l’entreprise l’objectif final de son intervention. L’échevinage au niveau des juridictions et la promotion du CRJJ comme pôle d’excellence de recherche et de formation peuvent constituer des soutiens efficients aux magistrats professionnels. Le cadre dirigeant pourra alors renouer avec la confiance et la performance pour le plus grand bien de l’entreprise et de l’économie algérienne.
A.-R. B.

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