LE SOIR NUMÉRIQUE & SAT : LA DERNIERE
L'ŒIL EN COIN
Petit écran devenu grand …


Par Mourad N.
Dimanche dernier, le petit écran est devenu grand comme par enchantement… L’enchantement que procure le cinéma quand il se fait élégant, tranchant, pertinent, différent et cyniquement malin entre les mains d’un Woody Allen décidément convaincu (et il a drôlement raison) que sexe et pouvoir mènent ce monde par le bout du nez. C’était sur France 2 et Match Point, le film réalisé en 2005, est ô combien d’actualité avec les Berlusconi, Ben Ali, Sarkozy, DSK, etc.
Mais laissons de côté la politique (elle nous sort par l’autre bout du nez…) et restons dans les relations passionnelles que nous conte Woody Allen, le flingueur des bobos new-yorkais braquant, cette fois, sa caméra sur les «vertueux» and snobinards londoniens. Le film s’ouvre sur une balle de tennis, suspendue durant une fraction de seconde sur le filet. De quel côté va-t-elle tomber ? Hasard ou destin ? Durant une heure et demie, le scotché se sera posé la question, aura choisi son camp, misé sur la réussite sociale de l’ex-tennisman sans le sou ou le triomphe des valeurs morales sur la veulerie de celui-ci, le tout imaginé dans le registre social qui veut que le bien et le mal cohabitent universellement en chacun de nous… Belle balade sur la rive d’en face, celle qui fait spectacle en se prosternant devant des sentiments amoureux bien calculés, bien orientés sur la réussite à tout prix. De ce côté-là de la Méditerranée, nous serions, paraît-il, moins exposés à ce calcul immoral, à cette veulerie et cette cupidité, toutes étrangères en principe à nos valeurs socioculturelles ancestrales. Mais le flux plus ou moins libertaire des télés étrangères, celui d’internet, de Facebook et autre Twitter n’est-il pas en train de nous mener droit, nous aussi, vers le machiavélisme version Match Point? Long débat que nous n’aurons pas malgré une nouvelle loi sur le cinéma, malgré une ébauche de projet de loi sur la télévision… Le cynisme à la Woody Allen n’est pas dans nos cordes artistiques, il est plutôt dans les non-dits sociopolitiques. Aussi, contentons-nous de gloser sur ce Chris de Match point, louvoyant, trichant et surfant constamment sur l’art et la manière de profiter des «sentiments amoureux» pour réussir. Orfèvre en manipulations, ce Chris, ce parvenu sorti de nulle part sauf d’une carrière professionnelle ratée, aurait, pour de vrai, très bien pu figurer en bonne place dans notre société. Une société où le mal est partout sans pour autant qu’un quelconque châtiment puisse venir punir les faussaires et les assoiffés de pouvoir... Reste Woody Allen, que nous n’avons pas. Reste ce cinéaste qui rend grand le petit écran dès que son cynisme sociétal devient malin et plein de plaisirs jubilatoires pour qui sait avoir l’œil en coin. Et pour son dernier film, Midnight in Paris(qui fera l’ouverture du prochain Festival de Cannes), le juif américain aurait décidé de couper au montage de nombreuses scènes jouées par Carla Bruni-Sarkozy. La première dame de France dans le rôle de conservatrice du musée d’Orsay aurait-elle eu les yeux trop fuyants devant la caméra ? Minuit à Paris aurait-il lui aussi ses non-dits ? C’est encore une balle de tennis suspendue l’instant d’une fraction de seconde qui attend de choisir son camp…
Un couscous à savourer
Et dimanche prochain, qu’aurons-nous à nous mettre sous la dent pour que le petit écran nous paraisse grand ? Un film, bien sûr. Un film qui sentira bon le couscous au poisson. Sur France 2 toujours, Abdellatif Kechiche, l’acteur-franco-tunisien passé derrière la caméra depuis L’esquive et La faute à Voltaire, se fera valoir, avec La graine et le mulet. Ce film, plusieurs fois récompensé (le Grand prix du jury de la Mostra de Venise, notamment) évoque le parcours d’un ouvrier de chantier naval, d’origine maghrébine, voulant se reconvertir en restaurateur du côté de Sète, la ville chère à Brassens. Avec sa soixantaine fatiguée, son teint basané et les autorisations à avoir, c’est toute la tragédie d’un homme qui veut prouver qu’il existe encore. Entouré de femmes nettement plus combatives que lui, ce père de famille prénommé Slimane, incarne, dans le film, toutes les valeurs humaines en quête de renouveau, de reconnaissance dans une France qui lui susurre de retourner finir ses jours au bled, là où il est né. Le film, genre histoire simple, prend son temps et est au cœur de tout. Des gens, de leur quotidien, de leurs drames petits et grands et le couscous, c’est tout à la fois. Une connivence, un lien, une graine où se mêlent et s’emmêlent reproches, flatteries, menaces, chantages, etc. Salué à sa sortie en 2008, La graine et le muletmet en scène un Slimane taiseux (contrairement aux femmes de sa famille, toujours en voix, en révolte…) mais son silence n’en est pas moins contredit par un regard qui en dit long ! Toute la représentation d’un Maghreb désuni parfois, mais toujours prêt à gagner des paris, à relever des défis. Quant au grand couscous au poisson, nous le savourons déjà, par anticipation, et sans modération surtout si la Libye se met à l’heure d’une Tunisie sans Ben Ali…
Le clown effrayant
Un couscous, une télévision aux antipodes de ce qui fait signal cathodique de Libye. Leur Al Jamahirya TV devrait d’ailleurs être prescrite comme punition à des enfants turbulents ou mal élevés. Une heure forcée devant cette «Jamahirya» et ils seront matés, ces petits récalcitrants à l’ordre et à la discipline ! Outre des programmes débiles et des propagandes inutiles, ces bambins à mater auraient pu se farcir un horrible clown dimanche au soir. Cet horrible pantin n’est autre que le Seif El Islam à l’index menaçant, au ton hautain et à l’injonction guerrière ! Le fils de son père était là pour faire peur. Il relèverait de la psychiatrie que personne ne s’en étonnerait… Dans son costume Armani, le tondu au regard sombre aura sorti toute la panoplie des menaces et ce, au moment même où les rues de Benghazi, Al Baïda, Syrte, ou Tripoli baignaient dans le s sang de la barbarie et des répressions meurtrières. Et juste après ce discours hallucinant, des chants patriotiques à la gloire du père !… Faut croire à ce même père qui expliquait (il y a quelques années) fièrement la toute-puissance de sa tribu : les «Gueddaf Eddem». Selon le «Guide», bon sang ne saurait mentir, le signifiant du patronyme est «buveur de sang». Avec un tel blase, les Seif El Islam, El Saadi, Hannibal, et autres rejetons du Mouammar ont de quoi faire peur aux enfants turbulents ou récalcitrants à l’ordre établi… Un ordre qui aura brouillé le signal d’Al Jazeera sur Nilesat, un ordre qui veut que Seïf El Islam détienne tous les groupes de médias libyens. Attention donc les enfants du Net, à la télé, on vous sort le clown effrayant ! Quant au père du même clown, il nous interdit les chaînes étrangères «qui appartiennent à des chiens errants». Bonne nuit les petits, tout est dit aux futurs manifestants, traités de rats.
M. N.

SÉLECTION TV HEBDOMADAIRE
Belle de jour
Sulfureuse Catherine Deneuve !
Arte, lundi 28 février à 20h40 Réalisateur: Luis Buñuel Acteurs : Catherine Deneuve, Françoise Fabian, Geneviève Page, Jean Sorel, Michel Piccoli, Pierre Clément
Entre fantasmes et réalité, beaux salons et maison close, une étude au scalpel du masochisme et de la frustration de la bourgeoisie, à laquelle Catherine Deneuve, parfaite égérie buñuelienne, prête sa beauté diaphane. Délaissée par son époux médecin, Séverine s'ennuie ferme dans son existence de bourgeoise du 8e arrondissement parisien. Husson, l'un des familiers du domicile conjugal, l'initie à un univers radicalement différent, celui d'une maison close, où elle éprouve bientôt le besoin de se rendre tous les après-midi. Déstabilisée au départ par les lubies de clients atypiques, elle finit par prendre un certain plaisir à ces incartades quotidiennes. Jusqu'à sa rencontre avec Marcel, un séduisant voyou...
La soif du mal
Quel décalage entre le roman moralisant de Kessel et l'œuvre maladive du maître Buñuel ! À commencer par le personnage troublé de Séverine, bourgeoise au charme discret en possession de tous les attributs de sa classe – appartement luxueux, mari exemplaire, beauté élégante. Mais un traumatisme d'enfance l'a marquée du complexe de la faute et la belle est hantée par le mal. Sexuellement frustrée, elle rêve d'une autre vie et finit par succomber à la tentation. Tout le film oscille entre deux pôles : normalité et perversion, vulgarité et raffinement, sentiment et plaisir. Au-delà d'une réflexion sur la transgression, l'intérêt du film de Buñuel réside dans les séquences oniriques qui contaminent de bout en bout la narration. La vie de Séverine n'est elle pas, en fin de compte, un long fantasme, surgi des abîmes d'une sexualité refoulée ? Adoptant un style délibérément roman-photo, avec cette héroïne trop blonde et trop belle, ce mari boy-scout, cette maison de rendez-vous où se déclinent toutes les perversions, le cinéaste s'attache à gommer systématiquement les frontières entre réalité et fiction. Une œuvre devenue un classique, qui n'attire plus comme autrefois les foudres des censeurs, mais n'a rien perdu de son caractère sulfureux.

Cléopâtre
Portrait d'une tueuse
Arte, samedi 26 février à 20h40
La belle Cléopâtre avait-elle sa jeune sœur dans le nez ? Enquête sur une relation peu fraternelle. Une récente découverte archéologique à Éphèse permet de jeter un regard neuf sur Cléopâtre et de prouver que la belle pharaonne n'a pas été tendre avec sa sœur Arsinoé IV, de cinq ans sa cadette. Cette dernière, tout comme son frère Ptolémée XIII, s'oppose dès le début à l'alliance de Cléopâtre avec César. Capturée quelque temps plus tard, elle compte parmi les prisonniers que César fait défiler dans la capitale de l'empire pour célébrer sa victoire en 46 avant J.-C. Alors que la princesse doit être exécutée, son jeune âge émeut la foule. César l'épargne et l'exile à Éphèse. Réfugiée dans le temple d'Artémis, elle se croit en sécurité. À tort... Une équipe d'archéologues autrichiens a pu établir que le squelette de femme, exhumé en 2007, à Éphèse, dans un tombeau octogonal, était bien celui de la sœur de Cléopâtre. Dans cette enquête digne d'un polar, des séquences d'animation en 3D alternent avec des scènes reconstituées présentant les heures les plus brillantes, mais aussi les plus sombres du monde antique.

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