Périscoop : HUMEUR
Passé imparfait et futur conditionnel


Par Tarik Aït-Menguellet
Nous sommes en 2084, un futur pas si lointain. Je marche dans les ruelles d’Alger la grisée ; en plusieurs décennies, peu de choses ont vraiment changé. Ailleurs, l’Égypte, la Libye et la Tunisie sont allées des mains de dictateurs aux mains d’autres dictateurs et au Maroc, Mohamed VIII a succédé à Hassan IV.
En Algérie, c’est toujours Bouteflika qui gouverne le pays. Oui, Bouteflika. Peut-être qu’on l’a cryogénisé ou transformé en robot ; on ne le voit plus que sur des affiches géantes, placardées sur tous les murs, dans toutes les villes, avec une légende en dessous : «Bouteflika vous regarde !» Comme à l’époque aussi, l’audiovisuel est sourd-muet, fermé, imperméable, sans intérêt et sans aucune ouverture ni couverture médiatique. Les langues maternelles ont presque disparu, remplacées par une langue tarabiscotée. Le passé, personne ne le connaît ni ne s’en souvient vraiment, puisqu’«ils» le modifient sans cesse, jusqu’aux livres d’Histoire qu’«ils» ont falsifiés pour y figurer en héros d’une quelconque révolution. Comme je le disais, rien n’a vraiment changé. Mais, voilà qu’arrivé dans une grande place d’Alger, j’entends une grande clameur monter des rues ; le peuple se soulève-t-il enfin ? Prenant mon courage à deux mains, je le jette dans une poubelle et je me cache quelque part pour voir ce qui se passe. Des centaines de gens, portant pancartes et banderoles défilent et défient quelques dizaines de milliers de policiers venus les encadrer avec force persuasion… Ah, j’avais oublié, on est samedi, c’est la CNCD qui fait encore une marche…
T. A.-H.

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