Corruptions : A LIRE
Les Parrains de Corleone. Naissance et déclin d'une famille de la mafia(*) ou le récit d'une dictature mafieuse


La petite ville de Corleone ressemblerait à ces bourgs anonymes accrochés aux collines de Palerme si elle n'était le symbole de la mafia sicilienne. Ses toits gris et ses plaines désertiques n'en font pas un endroit très accueillant et l'air y est étouffant lorsque le sirocco s'abat sur l'île.
Pourtant, c'est là que le journaliste britannique John Follain, longtemps correspondant de l'agence Reuters en Italie et en France, situe le cœur de son histoire des quarante dernières années de la mafia sicilienne. Dans un bon résumé des mœurs mafieuses, il décrit dans Les Parrains de Corleone, naissance et déclin d'une famille de la mafia comment les membres du clan ont pris le pouvoir de l'organisation criminelle en éliminant les chefs de Palerme et imposé leur seul et unique pouvoir. Les chefs corléonais, Liggio, Salvatore Riina ou Bernardo Provenzano, ont fait d'une confrérie mafieuse une véritable dictature. Ils ont sorti la mafia de la cohabitation ancestrale avec l'Etat en déclarant la guerre à celui-ci. Leurs plus célèbres victimes furent les juges tenaces comme Giovanni Falcone ou Paolo Borsellino.
La mafia parasite l'Etat, elle ne l'éradique pas
Tout en tentant de négocier des protections auprès des politiques, ils revendiquaient un nombre croissant de «cadavres exquis». On observe dans cet ouvrage l'histoire des soutiens apportés par la mafia d'abord à la «Démocratie chrétienne», parti longtemps au pouvoir en Italie, puis aux socialistes et enfin à «Forza Italia», la formation de Silvio Berlusconi. John Follain rapporte d'ailleurs les éléments connus à ce jour de la possible collusion ayant existé, dès le début des années 1990, entre l'actuel président du Conseil italien et les Corléonais. Des accusations reprises l’année dernière dans un procès à Palerme. Massimo Ciancimino, fils de l'ex-maire mafieux de Palerme, a déclaré que son père lui avait «expliqué que «Forza Italia» était le fruit des tractations entre l'Etat et la mafia. L'irruption des sanguinaires corléonais dans le paysage mafieux a également entraîné de profonds changements au sein de la mafia ellemême. Les purges internes et les représailles contre les autres familles mafieuses, femmes et enfants compris, ont entraîné une vraie saignée de repentis et une riposte policière sans précédent. La tentative tardive de rendre la mafia «invisible» viendra trop tard. Les Corléonais auront péché par gourmandise. La mafia parasite l'Etat, elle ne l'éradique pas.
(*) Les Parrains de Corleone. Naissance et déclin d’une famille de la mafia de John Follain, Editions Denoël (France), 362 pages

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