Corruptions : FAUTE DE VOLONTÉ POLITIQUE DE LA PART DES POUVOIRS PUBLICS
L’échec des réformes fait le lit de la corruption


La lutte contre la corruption s’inscrit dans le cadre plus large de programmes de réformes mis en place pour assurer : des prestations de qualité par des services publics à la fois efficaces et efficients et qui apportent leur contribution au développement durable ; le fonctionnement du gouvernement selon le principe de l’Etat de droit, lequel protège les citoyens de l’arbitraire ; des stratégies qui permettent d’améliorer la qualité de vie de l’ensemble de la population, pas seulement celle de quelques élites.
Mais comment lutter contre la corruption ? Le plus souvent, il est difficile de trouver un point de départ pour mettre en place des programmes de réformes efficaces et durables. La lutte contre la corruption est souvent au cœur des promesses électorales, mais dans certains cas, il ne s’agit que d’un discours démagogique sans réelle intention de s’attaquer au problème. Dans d’autres, les dirigeants mettent en place des réformes qu’ils ne s’appliquent pas à eux-mêmes. Il arrive aussi que les dirigeants nouvellement élus aient des intentions sincères, mais soient rapidement débordés par l’ampleur de la tâche. Certains gouvernements sont parfois discrédités, voire renversés pour leur inaptitude à combattre efficacement la corruption, malgré le capital de confiance dont ils ont bénéficié à leur accession au pouvoir. Une analyse des initiatives passées permet d’identifier un certain nombre de raisons qui expliquent l’échec des tentatives de réformes.
Les résistances rencontrées parfois par le pouvoir exécutif.

Un président nouvellement élu peut réellement avoir l’intention de s’attaquer au problème, mais ses efforts sont parfois entravés par l’environnement corrompu dont il hérite. Par exemple, dans un pays africain, le chef de l’Etat avait publiquement déclaré son patrimoine et celui de son épouse après son élection et avait encouragé les autres membres du gouvernement à faire de même. Le procureur général a alors publié une déclaration interprétée par beaucoup comme rendant «illégale» cette initiative du président, au motif qu’elle n’était pas requise par la loi. L’absence de volonté politique à lutter contre la corruption au sommet est la règle dans le cas de l’Algérie. Les fonctionnaires et personnalités politiques qui souhaitent sincèrement entreprendre des réformes peuvent voir leurs initiatives bloquées par les résistances au changement et l’absence d’engagement sincère observées au sommet. Des réformes uniquement ciblées sur les échelons inférieurs du pouvoir politique et administratif n’auront aucun impact. Une loi qui ne cible que les niveaux subalternes – parce que la hiérarchie serait perçue comme n’ayant pas besoin de réformes ou parce qu’elle est effectivement hostile au changement – est perçue comme inéquitable et injuste. Une telle réforme cesse inéluctablement d’être appliquée. Souvent des promesses ambitieuses sont annoncées, mais irréalisables, qui tendent à créer, au niveau du public, des attentes qui seront nécessairement déçues. Ceux qui font des promesses qu’ils ne peuvent pas tenir finiront par être perçus comme démagogues et perdront rapidement la confiance de ceux qui les soutiennent. Ou des réformes conçues sans objectifs spécifiques et réalisables, et qui ne sont donc pas en mesure d’opérer d’authentiques changements. Il arrive très fréquemment que des réformes soient mises en place de manière fragmentaire et non coordonnée, et parfois même il y a prise simultanée de mesures contradictoires.
Des réformes ayant trop misé sur les lois et leur application.
Le seul usage de la loi est d’une efficacité limitée et en tout cas incertaine en matière de changement de comportements sociaux généralisés. Le recours excessif à la loi peut engendrer des abus de pouvoir, le recours immodéré à la répression et l’émergence de nouvelles opportunités de corruption. D’ailleurs, lorsque la justice ne fonctionne pas, c’est plus souvent dû aux défaillances du système judiciaire (retards, corruption et incertitudes) qu’au contenu des lois elles-mêmes.
Non-application des dispositions institutionnelles.
Il est nécessaire de mettre en place des mécanismes institutionnels pour permettre aux réformes de survivre à leurs initiateurs.
Intérêts particuliers auxquels toute réforme se trouve confrontée
Ceux qui bénéficient de la corruption pour alimenter leurs revenus craindront de perdre leurs acquis et sont susceptibles de résister au changement, en ayant parfois recours à la violence. Ainsi, les observateurs considèrent que l’un des obstacles à l’adoption de lois contre la corruption de qualité – et conformes à la Convention des Nations Unies de 2003 contre la corruption – tient aux résistances des législateurs eux-mêmes dont les intérêts se trouveraient menacés par les projets de réformes. Les lecteurs doivent se rappeler du vote scandaleux en janvier 2006 contre l’article 7 de la loi du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, vote à l’actif de la grande majorité des députés de l’Alliance présidentielle (FLN et Hamas) : l’article en question avait trait aux sanctions en cas de non-déclaration de patrimoine des agents publics.
Les dangers potentiels encourus par les promoteurs de réformes
Dans certains pays, réels sont les risques auxquels ces derniers s’exposent et considérables les changements nécessaires à la mise en place d’un système d’intégrité efficace. Cela requiert, de la part des responsables, à la fois du courage et un grand talent politique. Peut-être, tout simplement, ne faut-il pas tenter l’impossible. Dans tous les cas, il semble important de cibler son action en identifiant les réformes les plus prometteuses. Une bonne stratégie consisterait à rechercher quelques victoires rapides dont la portée symbolique dépassera les changements opérés. Il s’agit, avant tout, de donner au public confiance en lui-même et en ses dirigeants, en lui envoyant le signal d’une réelle volonté de changement, afin qu’il adhère au processus de réforme. Il est aussi important que le processus de changement ne soit pas perçu par la plus grande majorité comme une menace. Ainsi, certains, réalisant que les règles sont en train de changer, finiront par soutenir les réformes qui permettront de prévenir la corruption à l’avenir.
Djilali Hadjadj

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