Monde : LIBYE
La vraie guerre


La guerre est désormais ouverte en Libye où ce ne sont plus que les armes qui s’expriment entre le régime Kadhafi et l’opposition armée. Les combats font rage entre les deux clans dans un parfait décor de guerre civile où il n’est plus question que de prises de villes, d’assauts, de bombardements, de contre-attaques et tout le lexique d’une guerre classique.
Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Au vingtième jour du soulèvement libyen, l’on s’est encore éloigné davantage de ces images si idylliques des exemples tunisien et égyptien, qui avaient impressionné le monde avec leurs gigantesques manifestations pacifiques qui avaient fini par emporter des régimes, si durs pourtant. Malgré la répression féroce des services de sécurité. Or, en Libye, la police et la répression au sens «classique » du terme n’ont quasiment nul droit de cité. Il faut dire que le rôle des services de sécurité est en tout cas si marginal, devant le recours aux gros moyens, et d’emblée. A une opposition considérablement renforcée par les nombreuses désertions dans les rangs de l’armée et de la police, Kadhafi oppose l’armée régulière. Sans transition aucune. Résultat : le pays est divisé en deux grandes entités. L’une, sous contrôle de l’opposition, à l’est avec Benghazi comme capitale. L’autre, sous contrôle de Kadhafi, à l’ouest, essentiellement Tripoli. D’où la complexité du cas libyen. Car, il convient de préciser tout de même que, pratiquement, la moitié de la population libyenne réside dans la capitale Tripoli et ses environs immédiats. Or, Tripoli n’a, jusque-là, enregistré aucun mouvement d’envergure en faveur de l’opposition. Nul n’ignore que, pour espérer faire tomber un régime, à plus forte raison un atypique tyran qui s’appelle Kadhafi, qui ne s’encombre ni de scrupules, ni de considérants politiques universellement connus ou moralement communs à l’ensemble de la communauté internationale, la prise de la capitale est absolument nécessaire. L’opposition a-t-elle les moyens de s’en accaparer ? Pas si évident, militairement parlant. Le «Guide», qui a derrière lui 42 ans de règne absolu et qui dispose de moyens que ni Ben Ali, ni Moubarak n’avaient grâce aux considérables revenus pétroliers, les plus importants en Afrique, a eu tout le temps et tout le loisir de se constituer une clientèle, mais surtout des réseaux et des milices aux ramifications nationales et internationales insoupçonnées. Une puissance de feu et d’argent qui lui a permis de faire face à une opposition qui ne peut, raisonnablement, conquérir la capitale et donc le pouvoir, sans l’appui d’une intervention militaire internationale. Une éventualité qui ne semble pas être à l’ordre du jour, pour le moment, à Washington. «Ils (les Américains, ndlr) ont traîné des pieds pour une raison que j’ignore», se désolait, d’ailleurs à juste titre, l’ancien ministre libyen à l’Immigration qui a rejoint l’opposition, Ali Errishi, hier sur la chaîne CNN. Il parlait des hésitations américaines. «Nous avons demandé de l’aide quand Kadhafi était dans les cordes (…) J’ai dit aux Américains : donnez-nous un peu d’aide, là, maintenant. On voulait juste un petit coup de pouce.» Sur la même émission, le très influent sénateur républicain, Jean McCain, a estimé qu’une intervention militaire terrestre en Libye «ne serait pas appropriée». C’est d’ailleurs ce qu’estimait, le même jour, Alain Juppé, le nouveau chef de la diplomatie française, pour qui «une intervention militaire en Libye aurait des effets négatifs». Pendant ce temps, les combats «réels» se poursuivaient hier sur le territoire libyen avec, en parallèle, une guerre de propagande engagée des deux côtés. Une certitude, cependant : Kadhafi poursuit une contre-offensive d’envergure.
K. A.

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