Culture : REZKI ZERARTI EXPOSE À LA GALERIE ART 4 YOU
Une peinture plus que jamais d’actualité


Il y a six ans était organisée une rétrospective de ses œuvres à la galerie de Mohammadia, à l’est d’Alger. C’était en mars 2005, la dernière exposition de Rezki Zerarti.
Après cette longue éclipse, le plus discret des grands peintres algériens revient sur la scène artistique. Un événement comme à chaque fois, même s’il le fait sur la pointe des pieds. Aujourd’hui, Zerarti expose 27 toiles de ses créations les plus récentes, depuis le 26 février jusqu’au 18 mars, à la galerie Art 4 You, Alger. Des peintures qui accrochent tout de suite le regard par leurs couleurs magnifiques. Vitalité, mouvement et une étonnante fraîcheur se dégagent de ces œuvres et insufflent un bol d’air tonifiant. L’artiste est là, entouré de ses tableaux, l’air de vouloir s’excuser d’avoir osé un travail aussi prodigieux. «Ce sont là mes enfants, nous dit-il à propos de ces toiles. A la maison j’ai encore 127 tableaux. Pour la prochaine exposition à Oran, le 17 mars, il y aura 75 de mes toiles.» Pas mal pour un artiste qui soufflera ses 73 bougies le 24 juillet prochain ! Il sourit : «Vous savez, la peinture est ma raison de vivre, l’art est mon oxygène.» Rezki Zerarti a, certes, pris de l’âge, mais sa peinture n’a pas pris une ride et éclate d’une seconde jeunesse. Lui a toujours ce regard d’enfant, ces yeux vifs et pétillants qui trahissent l’éternel adolescent qu’il fut. L’homme simple, humble, si attachant, l’homme du peuple, lui non plus n’a pas changé. L’extraordinaire aventure artistique du Zerarti solitaire et digne se poursuit donc, après un demi-siècle d’existence. Surtout, cette exposition est un pied de nez à tous ses détracteurs, tous ceux qui l’ont enterré et catalogué un «has been», un peintre du passé. Car, plus que jamais, sa peinture est d’actualité et il signe là son retour en force, lui qui reste le témoin de son époque, lui qui a toujours soutenu la cause des peuples en lutte. Le public se voit ainsi offrir une occasion rare, inespérée, de (re) découvrir une œuvre atemporelle d’un plasticien inclassable, hors normes et qui maîtrise admirablement la langue des couleurs et des formes. Le génie créatif et la fantaisie de Rezki Zerarti s’expriment ici spontanément, dans cette peinture instinctive qui vient rappeler qu’il est un artiste à part. Il n’est ni un peintre cubiste, ni expressionniste, ni du signe, ni naïf, ni primitif. Ses compositions complexes le situent plutôt entre la figuration symbolique et l’abstraction complètement libérée. Une symbolique en action qui donne du sens et de la vie à des œuvres lyriques. L’âge de raison, de la sagesse semble avoir apaisé Zerarti le révolté, celui pour qui la vie est un combat, une lutte permanente pour ses idéaux. Les toiles exposées à la galerie Art 4 You laissent d’ailleurs transparaître une certaine euphonie, avec toutes ces couleurs qui virent à l’optimisme. De la lumière jaillit de ces couleurs lourdes, à fortes tonalités, un mouvement lyrique se dégage de ces harmonies chromatiques qui caractérisent l’originalité du peintre. Des couleurs fétiches, emblématiques s’il en est avec les ocres chaudes et les rouges (la terre et le sang), les bleus et les verts (la puissance et la renaissance), les jaunes (la lumière et la joie)... Plus serein, ayant exorcisé ses démons, Zerarti laisse vagabonder son imagination débridée, multiplie les combinaisons graphiques et élargit son champ d’investigation. En régénérant sa peinture, Zerarti marque encore mieux sa contemporanéité. Bien sûr, il est resté fidèle à cette peinture mosaïque faite généralement de plusieurs figures humaines composites, souvent imbriquées les unes dans les autres ou construites en forme de pyramides. Rondeurs, arrondis, modelés cernés d’un trait épais et formes stylisées multiplient le mouvement, font bruisser ces toiles de monde et de vie. Alors, comme toujours, la figure centrale s’efface devant le nombre, le collectif. Vaste allégorie que l’âme du peuple : «Le sens de la vie»; «La force bloquée »; «La révolution des jeunes» ; «Soleil fraternel»... La femme est naturellement présente au cœur de l’œuvre. «Elle est la poutre maîtresse», nous rappelle Zerarti. Pour lui, elle est la mère, la confidente, la raison d’être de l’homme de condition modeste. La femme, miracle de la vie, est la terre nourricière, la terre féconde : «L’œuf est un monde» ; «Le 8 mars, les yeux ouverts»; «La généreuse»... Dans son ardente quête de bonheur, Rezki Zerarti continue de se battre pour une société plus juste, une Algérie meilleure. Il n’oublie pas d’où il vient, lui l’autodidacte qui a passé une enfance malheureuse, qui a été maçon avant de connaître une brillante carrière artistique. Il est resté humble car il n’a jamais été tenté de vendre son âme au diable. Il nous confie, en parlant de sa vie de tous les jours : «J’habite toujours à Raïs Hamidou, depuis 1963, dans un trois pièces en location. Je n’ai pas d’atelier et je travaille dans mon balcon, face à la mer, généralement les après-midis de 16 à 18 heures.» Et la musique ? «J’aime beaucoup Slimane Azem, Khelifi Ahmed, Hacène Lannabi.» Un conseil à donner au jeunes créateurs ? «Il faut créer quelque chose de personnel, suivre sa voie tout en puisant dans ce qui est authentiquement algérien.» Rezki Zerarti privilégie la peinture à l’huile, sur toile. Il aime travailler au couteau, mélanger les couleurs, utiliser l’encre de Chine. Parfois, il fait appel à des «recettes» naturelles de sa composition. Il est aussi sculpteur («J’ai en ce moment 6 ou 7 sculptures à la maison... Je n’ai pas où caser tout ça»). Cet artiste peintre majeur a été primé plusieurs fois, expose régulièrement en Algérie et à l’étranger. Dernières récompenses en date : il obtient le premier prix au concours organisé par la fondation Asselah le 8 mars 2003 ; il est félicité par la ministre de la Culture Khalida Toumi le 5 juillet de la même année.
Hocinte T.

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