Actualités : MULTIPLICATION DES INITIATIVES POLITIQUES
Aboudjerra Soltani l’opposant est né


Par rapport à l’Alliance présidentielle qu’il structure et anime avec le FLN et le RND, le MSP ne fait plus dans le politiquement correct. Son président, Aboudjerra Soltani, se découvre, à l’ère des révoltes populaires qui soufflent sur la région, une âme d’opposant. Interviewé par l’APS, il se lâche dans des revendications jusque-là apanage de l’opposition radicale.
Sofiane Aït-Iflis - Alger (Le Soir) - Quitte à ajouter au malaise déjà visible de l’Alliance présidentielle, le président du parti islamiste MSP se libère, comme par enchantement, de la réserve à laquelle oblige le ménage à trois (alliance FLNRND- MSP) et s’en va composter quelques réclamations politiques qui surprendraient plus d’un. Soltani, que l’on sentait depuis longtemps malaisé dans son rôle de figurant au sein de l’Alliance présidentielle, dit assez nettement qu’il faut impérativement faire changer les choses en profondeur. Il ne se gêne pas, ce faisant, d’inscrire la revendication a contrario de ce que réclame le FLN de Belkhadem et, surtout, contre le statu quo que le RND de Ahmed Ouyahia travaille à maintenir. A l’agence de presse officielle qui l’a interviewé, Aboudjerra Soltani évoque la nécessité d’opérer des changements dans les domaines politique, social et économique. Et ce qu’il entend par ces changements n’est pas du goût de ses deux partenaires de l’Alliance présidentielle. Soltani estime que la réforme politique doit aller dans le sens de davantage de libertés, d’initiatives et d’ouverture. Ainsi, s’exprimant sur une actualité immédiate, le président du parti islamiste dit ne pas trouver «d’inconvénient» à ce que les gens organisent des marches pacifiques. Ceci même s’il avertit, une ligne plus loin, qu’il est contre «le fait de prendre prétexte de ces marches pour incendier, endommager et porter atteinte aux biens d’autrui». De se déclarer ainsi favorable aux marches pacifiques est une avancée et une rupture avec les discours tenus jusquelà par ses partenaires de l’Alliance présidentielle qui, eux, miment, sans se poser de questions, l’attitude du gouvernement qui se distingue dans la répression. D’ailleurs, Soltani ne se gêne pas d’avouer tout le mal qu’il pense de l’Alliance présidentielle. Il dit regretter la manière dont elle est gérée. «Nos alliés veulent que nous soyons un allié sans nous associer à tout ce qui concerne l’avenir de l’Algérie. Cette alliance est devenue une simple représentation au sein du gouvernement, outre le fait de s’entendre pour faire passer des lois au Parlement.» Soltani menace de saborder la solidarité parlementaire qu’organisent à chaque vote les trois partis de l’Alliance. Il estime, en effet, que le projet du nouveau code communal est pire que le code en vigueur. Plus clairement, le MSP marque son opposition. Soltani nargue aussi le gouvernement en appelant à l’ouverture des champs politique et médiatique. Selon lui, la levée de l’état d’urgence devra se traduire y compris mais surtout par l’agrément de nouveaux partis politiques. Ce que Daho Ould-Kablia a exclu. «Ceux qui désirent constituer un parti politique sont tenus de respecter la loi. S’ils enfreignent la loi, l’agrément leur sera retiré par décision de justice.» Soltani affirme aussi qu’il n’y a pas lieu de nourrir des appréhensions quant à l’ouverture de l’audiovisuel au secteur privé. Voilà qui ne va pas dans le sens qu’aurait souhaité le ministre de la Communication.
D’où vient et que signifie cette sortie ?
Hormis le RND d’Ahmed Ouyahia qui s’érige en veillant sentinelle de l’ordre établi, la classe politique, opposition, comme les courtisans du pouvoir, travaille à investir le terrain, sinon par l’action, du moins à travers la proposition. Ainsi, Abdelhamid Mehri s’est distingué dans un échange épistolaire avec le locataire d’El- Mouradia auquel il a proposé une formule pour un changement dans le système. Aït Ahmed a vite fait de trouver la proposition alléchante et il n’a pas tardé à le faire savoir. On sait que depuis au moins 2004, le triumvirat Hamrouche, Mehri et Aït Ahmed structure une perspective solidaire. Aussi les observateurs politiques ont de suite compris qu’en fait Mehri ne parlait pas pour lui seul. Le pouvoir, apeuré par le vent de révolte soufflant de partout, et devant faire face aux forces de changement radical, c’est-à-dire en dehors et contre le système, ne voit pas d’un mauvais œil cette offre de négociation. Il la juge même salutaire en ces moments d’incertitude. Et puis, il n’a que peu à perdre, si tant est qu’il perdrait quelque chose à se maintenir, puisque, avec le triumvirat auquel peut se joindre Louisa Hanoune, il restera dans la ligne fondatrice de sa politique en faveur de la réconciliation nationale. C’est, en fait, ceux qui furent du conclave de Sant’Egidio qui se proposent leur partenariat. Ne pouvant se permettre de rester en marge, le FLN met en évidence sa proposition de révision de la Constitution. Une proposition comme une autre qui le soustrait à l’atonie qui, en ce moment, glace le RND. C’est, donc, tout ce fourmillement politique qui fait découvrir quelques audaces au MSP. Et tout ce beau monde est persuadé, voire a acquis la certitude que le pouvoir ne peut rester sur les seules générosités qu’il consent pour s’éviter d’affronter des révoltes populaires. D’autant que, alentour, en Tunisie, en Égypte, en Libye et même au Maroc les mutations politiques sont déjà un fait probant. Le Maroc vient d’annoncer une réforme institutionnelle de taille, en l’occurrence une monarchie parlementaire. Ce que l’Occident, la France en premier chef, a applaudi.
S. A. I.

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