Culture : COMMÉMORATION
Mouloud Feraoun et ses compagnons humanistes


15 mars 1962 à Alger : un commando de l’OAS fait irruption dans une salle de Château-Royal où étaient en réunion des inspecteurs des centres sociaux.
Les assaillants appellent six personnes par leurs noms : Mouloud Feraoun, Max Marchand, Marcel Basset, Robert Eymard, Ali Hamoutene et Salah Aït Aoudia. Les six inspecteurs furent alignés face à un mur et fusillés sur-le-champ. L’assassinat est on ne peut plus ciblé à trois jours du cessez-le-feu, le 19 mars, devenu aujourd’hui «la fête de la victoire». Dans une lettre à Emmanuel Roblès, Ali Feraoun raconte à propos de son père : «Je l’ai vu à la morgue. Douze balles, aucune sur le visage. Il était beau mon père…» Dans l’introduction de la réédition par l’Enag du roman Le fils du pauvre, Mouloud Mammeri avait écrit : «Le 15 mars 1962, au matin, une petite bande d’assassins se sont présentés au lieu où, avec d’autres hommes de bonne volonté, il (Mouloud Feraoun) travaillait à émanciper des esprits jeunes ; on les a alignés contre le mur et… on a coupé pour toujours la voix de Fouroulou. Pour toujours ? Ses assassins l’ont cru, mais l’histoire a montré qu’ils s’étaient trompés, car d’eux, il ne reste rien… rien que le souvenir mauvais d’un geste stupide et meurtrier, mais de Mouloud Feraoun la voix continue de vivre.» Pour Jean El-Mouhoub Amrouche, l’acte de l’OAS qui avait ciblé trois Algériens et trois Français, était bien calculé : «Traîtres à la race des seigneurs étaient Max Marchand, Marcel Basset, Robert Eymard, puisqu’ils proposaient d’amener les populations du bled algérien au même degré de conscience humaine, de savoir technique et de capacité économique que leurs anciens colonisateurs français. Criminels présomptueux, Mouloud Feraoun, Ali Hamoutene, Salah Aït Aoudia, qui s’étant rendus maîtres du langage et des modes de pensée du colonisateur, pensaient avoir effacé la marque infamante du raton, du bicot, de l’éternel péché originel d’indigénat pour lequel le colonialisme fasciste n’admet aucun pardon.» Après ces remarques d’une telle ironie amère, Amrouche conclut : «Voilà pourquoi les six furent ensemble condamnés et assassinés par des hommes qui refusent l’image et la définition de l’homme élaborées lentement à travers des convulsions sans nombre parce qu’il faut bien nommer la conscience universelle.» L’association des Amis de Max Marchand, Mouloud Feraoun et leurs compagnons contribue à préserver la mémoire des six victimes de l’OAS, en organisant, notamment, des conférences et aussi des cérémonies de recueillement chaque 15 mars à Ben Aknoun (Château- Royal). 15 mars 1962 : on se rappellera toujours de cette journée comme si cela datait d’hier…
K. B.

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