Société : INTERVIEW DU Pr MOURAD DERGUINI, CHEF DU SERVICE DE GYNÉCOLOGIE DE L'ETABLISSEMENT PUBLIC HOSPITALIER BACHIR-MENTOURI, À KOUBA :
«Ne pas minimiser l’acte chirurgical qu’est la césarienne»


Le Soir d’Algérie : Qu’en est-il de la pratique de la césarienne en Algérie ?
Mourad Derguini :
La pratique de la césarienne en Algérie a connu des progrès importants. Elle est loin d’être celle d’il y a vingt ans. Les techniques chirurgicales ont changé : plus adaptée, plus esthétique et plus rapide.
La cicatrice ne se voit pratiquement plus. De plus, l’intervention se pratique le plus souvent sous rachianesthésie, anesthésie localo-régionale, qui fait que la maman reste consciente, assiste à son accouchement et voit son enfant dès sa naissance. En d’autres termes, la césarienne n’est plus un acte chirurgical aussi lourd qu’avant. Cependant, il ne faut pas qu’elle soit banalisée, car comme pour tout acte chirurgical, des complications peuvent survenir. Il ne faut pas minimiser cet acte et le rendre bénin. Toute intervention chirurgicale doit avoir son indication médicale. La césarienne ne doit pas déroger à cette règle et ne devrait se pratiquer que lorsqu’il y a une exigence médicale. Nous pouvons citer à ce titre : une pathologie de la mère (diabète, hypertension, toxémie, cardiopathie ou autres), une présentation anormale du fœtus, par le siège par exemple, ou bien encore une souffrance fœtale. A titre indicatif, dans notre service, nous pratiquons 30 à 40 accouchements par jour par voix basse et 5 à 10 césariennes. Ainsi, sur 10 000 accouchements annuels en moyenne, nous pratiquons 2 000 à 2 200 césariennes. 70 % de nos malades présentent des grossesses pathologiques : diabète, hypertension artérielle, toxémie, cardiopathies et autres ; celles-ci nécessitent souvent une césarienne, avant terme, et une prise en charge néonatologique du nouveau-né.
Et qu’en est-il des césariennes de convenance personnelle ?

Il est vrai que des césariennes pour convenance personnelle sont également pratiquées. Elles sont généralement demandées par des patientes qui ont peur de l’accouchement, des contractions utérines douloureuses, des déchirures que l’accouchement par voie basse peut occasionner, ou bien encore par pur esthétisme. Dans ce cas, il faut bien expliquer qu’il existe d’autres moyens, moins radicaux, comme la péridurale, qui permet d’atténuer grandement les douleurs, même de les faire disparaître, et de mieux vivre son accouchement.
Pensez-vous que les mamans connaissent les risques postopératoires ?
S’agissant des césariennes abusives, je rappelle que tout acte chirurgical peut se compliquer. Le risque zéro n’existe pas. Il est vrai qu’avec les nouvelles techniques, une césarienne n’excède pas les 40 minutes. Cependant, le fait de césariser entraîne une cicatrice sur l’utérus qui est une zone de faiblesse. L’utérus devient fragile. Il lui faut une prise en charge particulière lors de la prochaine grossesse. Et généralement, il y a une chance sur deux d’être césarisée une deuxième fois.
Propos recueillis par M. O.

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