Société : ACCOUCHEMENT PAR CÉSARIENNE EN ALGÉRIE
Des chiffres en hausse


Les mamans prennent-elles le temps d’accoucher ? Une question à poser au vu du nombre important de césariennes pratiquées en Algérie ces dernières années.
Ce mode d'accouchement d'exception est-il en phase de devenir une règle ? Il prend une place de plus en plus importante dans les hôpitaux et autres cliniques privées de l’Algérie. Considérée comme le dernier recours pour sauver la mère et son bébé, la césarienne est actuellement si pratiquée qu’elle est perçue comme une opération de routine.
Augmentation du taux de césariennes
Depuis une trentaine d’années, le taux de césariennes ne cesse d’augmenter dans le monde entier. Ce mode d’accouchement a sans doute sauvé des mamans et des bébés. Néanmoins, l’on assisterait depuis quelques années à des demandes croissantes de césarienne par les femmes elles-mêmes, ou décidées par des professionnels de santé, mais sans raison médicale évidente. Dans son dernier rapport, l’Organisation mondiale de la santé a tiré la sonnette d’alarme. En mettant en place une enquête mondiale de surveillance de la santé maternelle et infantile, enquête transversale réalisée dans 24 pays répartis sur 3 continents (Asie, Afrique et Amérique latine), cet organisme onusien a rendu des conclusions des plus effarantes. En se basant sur des données émanant de 373 établissements de santé recueillies entre 2004 et 2008, pour 286 565 parturientes, le taux de césariennes réalisées est de 25,7% dont 1% sans indication médicale. Elles sont pratiquées soit à la demande de la femme, soit en l’absence d’une indication médicale attestée. La palme revient à la Chine pour laquelle les données révèlent un taux de césariennes de 46,2% dont 11,6% sans indication médicale. Les femmes veulent choisir une date fétiche ou bien accoucher avant le 1er septembre pour que leur bambin ne rate pas une année de scolarité. En Algérie, des statistiques fiables ne sont pour l’heure pas disponibles. Mais les spécialistes en la matière, entre gynécologues et sages-femmes, tirent la sonnette d’alarme devant le nombre croissant de nombre de césariennes pratiquées. Ils estiment que 50 à 60% des césariennes sont pratiquées dans le secteur privé.
Gynécologue «rabatteur»
«J’ai été suivie par une gynécologue installée à son compte. Dès le 7e mois de la grossesse, elle a commencé à insinuer que je ne pourrais accoucher par voie basse. Comme je lui faisais confiance, je n’ai pas eu un autre avis médical. J’ai accouché dans sa clinique. Mais depuis, je me suis renseignée, j’ai su que cela aurait pu être évité. De plus, je vis toujours très mal mon accouchement», confie Nassima, avocate, maman d’un petit garçon de cinq ans. A peine deux ans après, elle fait une seconde grossesse suivie d’une autre césarienne. Cette voie de naissance est difficile à vivre pour certaines mamans car elles peuvent ressentir un sentiment de frustration ou un sentiment d'échec persistant parfois pendant de longues années. «Jusqu’à maintenant, je souffre de n’avoir pu assister à l’accouchement, de n’avoir pu sentir toutes les contractions. Si la gynécologue est en cause, je ne pourrais lui pardonner», ajoute cette jeune maman. Comme elles, beaucoup d’autres femmes se sentent trahies par leur gynécologue qui joue dans certains cas au rabatteur. «Durant mon dernier mois de grossesse, j’ai dû faire une visite chez un gynécologue d’une clinique privée. Tout de go, il a commencé à me dire que je portais un gros bébé et que cela vaudrait mieux d’accoucher par césarienne avant de me remettre la liste des prix pratiqués. Heureusement que je n’en suis pas restée là, j’ai accouché quelques jours après dans un hôpital public par voie basse d’un petit garçon pesant 3,400 kg. Et il disait que c’était un gros bébé !» sourit Zineb, contente d’avoir échappé au scalpel. C'est que la césarienne rapporte beaucoup d'argent. Elle est plus rentable qu'un accouchement normal pour les cliniques privées. Le recours à cette technique obstétricale varie considérablement suivant les maternités. Elle varie entre 50 000 DA et 100 000 DA, et ce, sans oublier l’acquittement du nombre de nuitées passées dans l’établissement. Fort heureusement, tous les gynécologues du secteur privé n’ont pas la main légère sur le bistouri et prennent le temps de conseiller et d’informer les futures mamans. Pourtant, d’autres femmes, préfèrent ce mode d’accouchement réputé moins douloureux.
Césarienne de confort
De plus en plus, des récits de mamans ayant voulu programmer leurs césariennes sont relayées. Les césariennes dites de convenance, sans indication médicale, entrent ainsi petit à petit dans nos mœurs. «J’avais peur d'accoucher, d’avoir mal, et toutes les contractions que les mamans ont. En plus, j’ai tellement entendu de récits catastrophiques d'accouchement par voie basse que j’ai opté pour la césarienne. De plus, je suis petite et menue, je me suis dit que cela sera plus facile», confie Ghania qui a donné naissance à son fils dans un hôpital public où son amie gynécologue travaillait. Idem pour Chahinez qui pour la naissance de ce garçon a choisi ce mode d’accouchement. «Mon amie gynécologue travaille dans un hôpital public. Nous avons choisi la date lorsqu’il n’y avait pas beaucoup de monde, nous avons tout planifié. Et j’en suis complètement satisfaite.» Dans la plupart des cas, les mamans choisissent ce mode à cause de la peur de l’accouchement, le désir de protéger son enfant d'un forceps ou d'une voie basse difficile, l'illusion du «risque zéro» ou encore la facilité. Pour d’autres, il s’agit d’une grossesse «précieuse». «Je me suis mariée très tard et je ne suis tombée enceinte qu’après plusieurs traitements. Je ne voulais pas prendre de risque», témoigne Hakima, cadre dans une entreprise nationale. Les conséquences, elles n'en ont cure ou ne les connaissent pas. La montée de lait peut être un peu plus tardive du fait de la fatigue de l’opération. La cicatrisation peut être douloureuse, surtout à l'occasion des contractions de l'après-accouchement. Des douleurs abdominales peuvent accompagner la reprise du transit intestinal. Dans ces cas, un régime spécial peut être envisagé. Les complications infectieuses sont aussi à craindre car trois fois plus fréquentes que lors d'un accouchement naturel. En outre, le recours à la césarienne peut handicaper les premiers stades émotionnels de la relation entre la mère et l'enfant.
Meriem Ouyahia

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