Culture : L’ARCHIPEL DE SABLE PROJETÉ EN AVANT- PREMIÈRE À ALGER
Le désert comme acteur principal


Par les temps qui courent, la sortie d’un film est un véritable événement. Ainsi en est-il de L’archipel de sable, le long métrage de Ghaouti Bendeddouche, accouché au forceps et qui sera projeté en avant-première aujourd’hui 17 mars, à 16h, à la salle Sierra Maestra Alger.
Cette avant-première, en présence du réalisateur, fait partie du programme des festivités organisées par l’association artistique du cinéma Lumières qui commémore le 13e anniversaire de sa création. L’association a vu le jour le 19 mars 1998, au lendemain de la dissolution du Caaic, de l’Enpa et de l’Anaf, qui constituaient la colonne vertébrale de la production cinématographique et audiovisuelle en Algérie. Ghaouti Bendeddouche a dû, bien sûr, jouer à l’acrobate et parfois au fakir pour faire aboutir ce film de fiction qui lui tenait à cœur et pour lequel il s’est beaucoup investi. Heureusement pour lui, L’archipel de sableavait été inscrit au programme de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe». Il a donc pu être coproduit par le ministère de la Culture, l’Entv, l’Onda et la société Les films de la source. Ce film a nécessité huit semaines de tournage, en 2007, dans les régions de Biskra, El-Oued et Laghouat. Aujourd’hui, il y aura une ambiance de fête à la salle Sierra Maestra, à partir de 14h30. Juste avant la projection, le réalisateur présentera son film au public. Cela lui demandera certainement beaucoup d’efforts, car actuellement souffrant des suites d’une malheureuse chute qui nécessite des soins à l’épaule. Ghaouti Bendeddouche nous a même confié qu’il doit subir incessamment une intervention chirurgicale. Malgré tout, l’amour du cinéma lui donne assez de courage pour honorer de sa présence cette manifestation. D’ailleurs, il nous parle volontiers de son dernier film qui, aujourd’hui plus que jamais, est une œuvre qui interpelle l’actualité et les consciences. Pour Bendeddouche, «le film est une parabole sur la violence, en surface et en profondeur, une quête spirituelle». Il précise sa pensée : «Dans cette parabole, les innocents ne seront pas sauvés, les méchants ne seront pas punis... La vie n’est pas un western qui finit bien. On résout les problèmes, pas les mystères. Dès lors, l’aphorisme de Chateaubriand se vérifiera encore : «Les forêts précèdent les hommes, les déserts les suivent.» « L’archipel de sable est aussi la rencontre de deux hommes, de deux mondes et de deux civilisations dans le désert et dont seul le désert en sortira vainqueur. »Dans ce magnifique décor où se déroule l’histoire du film, le désert est tout naturellement l’acteur principal, le héros.«Il n’y a pas plus atroce que la violence», dénonce Ghaouti Bendeddouche. La parabole est là : «Quand les hommes se battent, le sable avance.» Le film est d’abord un témoignage sur la colonisation de l’Algérie, même s’il se veut aussi un hymne à la tolérance et à l’ouverture sur le monde. Le réalisateur a délibérément opté pour l’écriture (cinématographique) d’un pan méconnu de l’histoire de l’Algérie où prédominent l’humain, l’épique, le tragique et les éléments naturels. Nous sommes en 1939, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Jean Berthier, artiste peintre, débarque dans la région de Biskra. Il devient un témoin de l’histoire... «Berthier, nous explique le réalisateur, ne se satisfait pas de sa vie dans cet Occident dont il constate le déficit culturel. L’étouffement dans sa société le jette sur les routes du Sahara algérien colonisé par la France. Au cours de cette errance, Berthier rencontre un homme hors du commun, Gacem, responsable d’une confrérie soufie qui innerve tout le Sud saharien. Dès lors, commence pour Berthier une lente initiation aux coutumes du Sud et son socle spirituel : le soufisme. Mais le Sahara est condamné. Les forces d’occupation veulent déplacer la population pour créer dans ce désert des régions stratégiques de premier ordre. La France a des projets, par l’installation de postes militaires qui contrôleraient tout cela, pour l’exploitation de toutes les richesses minières que recèle ce grand désert.» Résultat, s’installent le désordre et la haine pendant que la population résiste...» Pour Ghaouti Bendeddouche, ce témoin malgré lui appartient «au camp de la paix», car «un créateur est toujours un pacifiste ». C’est pourquoi, avec pareil témoin, il y a inévitablement «l’intrusion du discours sur les droits de l’homme, l’universalité et la dignité humaine là où il sont les plus bafoués».Le film se veut donc «un hommage à ces hommes d’exception ». Dans ce message d’humanisme et cet hymne à la tolérance, le réalisateur n’oublie pas de mettre en garde : «Attention aux manipulateurs, aux corrupteurs, attention à la violence confessionnelle ! L’ignorance, la pauvreté, l’injustice, le sous-développement sont autant de sources directes de violence à travers les religions.» Aujourd’hui que le monde change si vite, Bendeddouche veut délivrer un autre message à travers son film, cette fois dédié à cette jeunesse attentive à ce qui se passe dans le monde.«Nos enfants sont inquiets, le monde se dérobe sous leurs pieds», constate-t-il. Et de souligner : «Oui, il n’y a pas de génération spontanée. On est fils de son histoire et de sa génération.» C’est pourquoi, conseille-t-il aux jeunes, il est tellement important de construire les ponts de la connaissance, d’aller vers l’autre et vers les valeurs humaines. Le scénario et les dialogues du film sont signés Mourad Bourboune. Le directeur de la photo n’est autre que Allal Yahiaoui, alors que Mohamed Rouane est l’auteur de la musique. Acteurs principaux : Hamid Remas, Emmanuel Texeraud, Yves Collignon et Franck Jazede. Ghaouti Bendeddouche est né en 1936 à Tlemcen. Il a son actif plusieurs documentaires et des films cultes tels que Hassan nya, La voisineou encore Echebka.
Hocine T.

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