Culture : LOUIFI SORT SON PREMIER ALBUM
Aux sources de la chanson kabyle authentique


Au contraire de tous ces chanteurs qui viennent surfer sur la mode du moment (aussitôt édités, aussitôt emportés par la vague suivante), Louifi a préféré prendre racine et mûrir tout doucement. L’art, pour lui, est cette terre féconde mais qui ne peut rien donner si elle n’est pas travaillée avec amour et patience.
Louifi vient tout juste de sortir son premier album chez Belda Diffusion, après avoir longtemps évolué dans le monde de la chanson. Cet opus, il l’a intitulé Atin hamlegh (Celle que j’aime) et il compte bien en faire celui qui va le révéler au public. Six titres figurent dans cet album (dont un instrumental) écrits et composés par l’interprète lui-même, avec une thématique et des styles variés. Les thèmes sont puisés du vécu personnel et de la vie quotidienne de celui qui est en phase avec sa société, car Louifi se veut d’abord le témoin de son époque. Le titre phare, par exemple, traite de la déception sentimentale. «C’est l’histoire vraie d’un homme aujourd’hui âgé de 60 ans et resté célibataire endurci. Sa bien-aimée s’est mariée, elle vit très loin de lui, en Australie plus précisément, mais il l’aime toujours et attend un miracle. Son espoir fou : qu’elle divorce et qu’elle revienne ! Atin hamlegh est la complainte de cet amoureux transi», nous dit Louifi avec un petit sourire. La chanson Ahlil ayahlil évoque le quotidien des jeunes Algériens, fait de rêves brisés, de souffrances, de tentation de la harga... Ahoudou ahounou se veut, elle, un hommage à la femme kabyle gardienne des valeurs, de la mémoire et des traditions. Quant au tire Skhilek emliyi azahriw, Louifi confie l’avoir écrit et composé à la mémoire de sa défunte sœur, morte tragiquement à la fleur de l’âge. Un choc qui l’a profondément marqué. Il n’a pas oublié, bien sûr, Izmawen njerjer (Les lions du Djurdjura), une chanson dédiée à la JSK et qu’il tient à encourager. Pour finir, il enchaîne avec un bel instrumental de musique moderne rythmée. Le tout est interprété d’une belle voix mélodieuse, une voix qui porte. On sent que le chanteur maîtrise le tempo, le rythme épousant parfaitement le sujet traité. Chez Louifi, les styles de musique sont d’ailleurs variés et il saute allègrement du chaâbi (avec des instruments modernes) aux chansons rythmées ou folkloriques (utilisation de la zorna). D’où la richesse acoustique de cet album. Il nous explique sa conception de la musique et de la chanson : «Ce que j’aime, ce sont les mélodies douces, les musiques pleines d’harmonie, une bonne interprétation à même de donner âme et émotion au produit. Pour les textes, je fais en sorte d'utiliser des mots simples et qui ont du sens pour mieux transmettre le message.» Les maîtres de la chanson kabyle, ceux qui sont ses modèles ? «Il y a, bien sûr, Slimane Azem qui est mon idole, Idir pour la chanson moderne, et Matoub Lounès pour la richesse de ses textes engagés.» Louifi insiste pour nous dire qu’il ne veut surtout pas faire du n’importe quoi, seul un travail de qualité et dans le long terme l’intéresse. En attendant de préparer sérieusement un prochain album, il se contente déjà de faire la promo de ce premier CD, notamment avec des passages à la radio (El Bahdja est la première). Il aimerait aussi écrire et composer pour d’autres chanteurs, que ce soit dans le chaâbi, le hawzi ou l’algérois moderne, en plus du kabyle. L’été, saison des fêtes, sera l’occasion de se produire dans des galas et autres soirées, espère-t-il. De la sorte, il se fera mieux connaître auprès du public. M’hamed Louifi est né le 20 septembre 1970 à Alger où il réside toujours. Ses études universitaires en commerce international n’ont pu le détourner de la musique et de la chanson, lui qui a enfin décidé de se mettre dans le bain, et d’investir la scène artistique après tant d’années vécues dans l’ombre. Il raconte : «J’aime la musique depuis mon enfance et la poésie kabyle m’a beaucoup influencé. A mes débuts, en 1990, j’étais parolier. J’avais même des projets avec le regretté Kamel Messaoudi, pour qui je devais écrie des textes en arabe. Il était un grand ami et m’encourageait à tracer ma propre voie. Par la suite, j’ai beaucoup fréquenté le milieu artistique, dont des professeurs de musique, des chanteurs, les studios d’enregistrement. Cela m’a permis d’apprendre à composer des chansons. Je suis donc devenu auteur-compositeur depuis ces dernières années, dans différents styles, avec des textes en arabe ou kabyle.» Résultat, Louifi a décidé de faire carrière dans la chanson, à son tour, encouragé en cela par ses amis artistes et des proches. Au bout du compte, ce tout premier CD qui a nécessité plusieurs mois de travail et qui mérite d’être écouté. Une voix douce, de belles mélodies, des arrangements réussis (signés Akli Kan) et des textes à savourer en solo ou en famille font de Louifi une agréable découverte pour tous les férus de chanson kabyle authentique.
Hocine T.

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