Contribution : SOS ! AGRESSIONS À L’UNIVERSITÉ DE BOUZARÉAH (ALGER II)
La maison délabrée (LMD) dans la prairie


Par Mustapha Benmami,
enseignant associé (ex-journaliste au regretté El-Manchar)

A l’heure où les responsables universitaires pérorent sur l’entrée de l’université algérienne dans le XXIe siècle et les vertus du LMD – c’est-à-dire sur des Lendemains Mal Définis –, une visite guidée à l’université de Bouzaréah pour établir un état des lieux dessillera les yeux aux plus sceptiques, tous départements confondus.
Le spectacle qui s’offre à la vue jure avec l’optimisme béat des chantres officiels de l’université algérienne et donne un aperçu de la triste réalité vécue par l’ensemble de la communauté universitaire de Bouzaréah. L’état de délabrement avancé dans lequel se trouvent les bâtisses des départements des langues étrangères et des sciences humaines, en fait d’anciennes chambrées qui font office de salles de cours, a atteint le seuil de l’inacceptable. Dire de cette université, qui ne s’est pas encore débarrassée de tous ses oripeaux de caserne désaffectée, qu’elle est malade, est un euphémisme dont se satisferaient bien nos hiérarques, bunkérisés dans le confort de leurs bureaux lambrissés et de leur certitude inébranlable du devoir accompli. Cette assurance n’a d’égale que leur promptitude à vous réconforter par ce qu’ils considèrent comme preuve de leur bonne foi : les correspondances adressées à la tutelle. Ce n’est un secret pour personne : les lettres finissent généralement leur trajectoire dans des fonds de tiroirs. Et Ponce Pilate s’en lave les mains ! Car l’université de Bouzaréah n’est pas seulement malade, mais moribonde. Elle est malade de ses structures, malade de la médiocrité d’une gestion approximative au jour le jour, faite d’àpeu- prisme, malade du laxisme et de l’incurie pérenne des hauts responsables ; enfin, malade de l’indifférence de la tutelle et de la faune de tous les j’menfoutistes. Les responsables de département qui se sont succédé ont alerté la hiérarchie au niveau rectoral à plusieurs reprises, mais les problèmes inhérents à cette structure inadaptée sont restés les mêmes, transmis d’une équipe à une autre, sans avoir été résolus. En bref, c’est le changement dans la continuité. Comment s’étonner alors que cet immobilisme installe les ferments de la contestation et soit le générateur de problèmes qui viennent se surajouter à ceux existants déjà, comme dans une sorte de division cellulaire cytoplasmique ? Les problèmes s’emboîtent comme des poupées russes, on voit la plus grande, mais on ignore quand apparaitra la plus petite. Au moment où, circonstances obligent, et pour acheter la paix sociale, l’Etat n’hésite pas à délier les cordons de la bourse en injectant une vingtaine de milliards de dollars (20 MD$) dans des projets au profit des jeunes, il est révoltant de le voir chipoter sur des babioles pour engager des travaux de transformation indispensables qui donneraient enfin à ces bâtisses une vocation réellement universitaire. Et on ose parler d’une université performante – mais qui ne le voudrait pas ? – avec des bâtiments en lambeaux ! Car même les amphithéâtres construits à la hâte et les blocs de salles de cours récemment construits sont en train de s’effriter. La grandeur d’un pays ne se mesure pas à l’aune de la dimension d’une mosquée (dont la construction a été évaluée à 5 milliards de dollars) pour se flatter l’égo, mais au prestige de ses universités. Il ne suffit pas, par ailleurs, d’attribuer un numéro à cette université pour redorer son blason terni, ou faire accroire que la décentralisation et «l’autonomie» ont aplani les difficultés. Loin s’en faut. On constate à notre grand dam que l’université, comme les choses de l’esprit, resteront ad vitam aeternam le parent pauvre de la répartition de la rente pétrolière. On nous serine que l’Etat consacre un budget «colossal» à l’enseignement, tous paliers confondus, et paradoxalement, sur le terrain, on n’en voit ni les effets ni la couleur. Cependant, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que cet argent est mis au service de la quantité, pour faire face (et ne pas la perdre surtout !) à toutes ces flopées de bacheliers estampillés Boubekeur Benbouzid, et non de la qualité. Un sacré label, l’usine de Benbouzid ! Et pour ce qui est de la construction d’une clôture en maçonnerie, voilà des années qu’elle bute sur des considérations dont le nerf de la guerre n’est, apparemment, pas le seul obstacle. Pourquoi les enseignants ont-ils observé un arrêt des cours de trois jours et qui pourrait se prolonger pour devenir une grève en bonne et due forme et à durée non encore déterminée? Le problème majeur qui a déclenché leur colère, juste à la veille des examens, est celui de leur sécurité et celle des étudiants. Un principe intangible sur lequel la communauté universitaire de Bouzaréah n’est pas disposée à faire de concessions. Cette colère fait suite à des agressions dont ont été victimes une étudiante et un professeur au sein même des bâtiments où les cours sont dispensés. Ces agressions ne sont pas isolées mais font suite à bien d’autres. Les responsables du rectorat ont été maintes fois alertés verbalement et par écrit afin que des mesures soient prises. Les plaintes des enseignants et les rapports des chefs de département n’ont eu qu’un faible écho et n’ont pas été prises avec tout le sérieux que requiert la situation. Alors, que l’on ne s’étonne pas si le style de ces lignes soit du même tonneau et s’écarte du ton doctoral(1) de tout ce qui a pu être écrit sur la dérive du navire «Université», si ce n’est son naufrage. Ces derniers incidents ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. A vrai dire, l’ensemble du corps enseignant et les responsables des différents départements (langues étrangères et sciences sociales, affectées aux bâtiments A, B et C) s’attendaient à ce que de tels incidents se produisent un jour ou l’autre, vu la façon dont se font les contrôles à l’entrée principale de l’université, et la manière dont s’acquittent de leur tâche les quelques agents de sécurité postés ici et là. L’inefficacité de ces derniers est criante. Plus que ça, ils sont inopérants. D’abord, il faut dire que cette entrée est poreuse et que les contrôles effectués par ces préposés à la sécurité sont une vue de l’esprit. Ensuite, l’absence d’une clôture en dur complique davantage la tâche : tout le monde peut pénétrer par le bas (Clairval), c’est-à-dire au terminus de la desserte des cars du Cous qui déposent les étudiants en provenance des localités éloignées. Si la vigilance des agents postés à l’entrée supérieure de l’université est souvent prise au dépourvu, ou même parfois volontairement relâchée, lors du contrôle des personnes ou des véhicules qui pénètrent par le haut à l’intérieur du campus, l’autre accès par le bas, c’est «campus ville ouverte» : entre qui veut et en sort quand il veut. Et bonjour les dégâts ! Aussi, les enseignants, considérant que le problème de leur sécurité et de l’ensemble des étudiants se posant maintenant avec acuité, clament haut et fort qu’il est exclu de transiger sur la question et qu’il y a urgence à lui trouver une solution hic et nunc. Ils estiment également que l’heure est venue de mettre à plat tous les problèmes qu’ils rencontrent ainsi que les conditions exécrables de travail qui sont leur lot quotidien. Ces problèmes exigent une solution concrète et immédiate, car on ne peut plus se contenter de demi-mesures, d’entendre des paroles lénifiantes et des promesses qui renvoient toujours aux calendes grecques des solutions hypothétiques. Notre cher ministre et/ou ses représentants n’ont pas vu le danger venir. Lui qui ne respire et ne jure que par le LMD – le Laissez- Moi Décider – qui va, assure- t-il, nous arrimer à ce vingt et unième siècle mondialisé et aussi nous mettre au niveau des universités européennes et même occidentales (défense de rire !), aurait été mieux inspiré de restaurer d’abord les bâtiments qui sont dans un état lamentable. Comble de l’ironie, des décideurs ont mis l’université de Bouzaréah dans une ancienne caserne pour rester droits dans leurs bottes ! (puisqu’ils se sont murés dans un silence pendant des années à propos de cette clôture). Le ministère de la Défense – ou de la Dépense – (tiens tiens, un LMD !) qui s’est débarrassé de cette bicoque en l’offrant généreusement sur un plateau au ministère de l’Enseignement supérieur, contre un LMD symbolique (c’est-à-dire La Monnaie- Dinar), considérant qu’elle n’est pas digne d’abriter une institution aussi prestigieuse que la leur. Et les voilà, dans la foulée, qui se construisent un Cercle national de repos, de détente et de loisirs, cinq étoiles (of course ! Mazette !) à faire pâlir d’envie et de jalousie, pas loin, à un jet de pierre du campus, comme pour faire un énorme pied-de-nez à l’initiateur du LMD. A l’évidence, un cadeau empoisonné. Une réforme de l’enseignement universitaire, même si elle s’impose pour épouser son siècle, ne se fait pas sans mesures d’accompagnement, et les premières qui viennent à l’esprit, s’agissant de l’U.B., c’est d’offrir à la famille des enseignants universitaires un cadre de travail décent, digne du métier qu’ils exercent, propice à une stimulation des énergies. Le sacrifice a des limites, le patriotisme aussi. Notre cher ministre aurait été mieux inspiré de ne pas mettre la charrue avant les bœufs. En attendant, l’université de Bouzaréah s’est mise à l’heure du LMD, pas celui auquel aspire le ministre, mais à toute une série de ce machin dont l’U.B. ne peut nullement se glorifier. A commencer par cette Lamentable et Mauvaise Décision d’instituer à la hâte ce LMD de toutes les dissensions, sans large consultation. Ensuite Le Mur de la Discorde (LMD), ce par quoi tout est arrivé. Il n’a toujours pas été construit depuis que cette université a ouvert ses portes. Et elles sont béantes ! Le nouveau recteur affirme qu’il n’a pris ses fonctions que depuis 14 mois et que ce laps de temps est insuffisant pour mener à terme le projet en question. D’accord ! Il ajoute, d’autre part, que le devis de la construction de ce mur a été évalué à 14 milliards de centimes. La somme – astronomique ! – existe mais… le hic c’est qu’au vu de son importance, elle doit faire l’objet d’une ouverture de marchés. Bien ! Les marchés sont donc ouverts, mais comme chat échaudé craint l’eau froide, on a peur de voir Le Marché de Dupes (et va pour le LMD !) se profiler à l’horizon. On a bien compris : ce n’est pas demain la veille avec les LMD de l’administration, c’est-àdire les Lenteurs Maladives Durables. On ne vous apprend rien : le temps que la machine administrative se manie le train, on pourrait mettre en déroute une armée à coups de chapeau. «La bureaucratie m’a usé !» a avoué récemment le président Bouteflika à son hôte Pierre Raffarin, propos rapportés par le journaliste El-Kabach sur la chaîne française LCP à son invité sur le plateau, Mourad Medelci, notre ministre des zaeux, et entendus par des millions d’Algériens. Oui, Monsieur Le Président, cet aveu ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Sauf lorsqu’on demande des sous pour relooker la baraque de Bouzaréah appelée abusivement université ! On objectera donc aux propos de l’actuel recteur que l’université n’existe pas depuis 14 mois mais depuis une trentaine d’années déjà. Pourquoi avoir attendu trois décennies (pas lui bien sûr !) pour que ce mur soit inscrit seulement maintenant à l’ordre du jour, alors que sa construction, priorité des priorités, aurait dû précéder l’ouverture du campus ? On avait tout à gagner car le devis d’alors n’aurait pas atteint cette faramineuse somme inflationniste qui le soumet maintenant à une procédure dont tout le monde connaît l’inextricable labyrinthe juridico-administratif. Le moyen de se défausser est donc classique et commode, et les échéances ne font ainsi que reculer. L’acceptation des responsabilités, lourd fardeau à porter, il est vrai, mais par certains côtés avantageuse, est un tout, elle va de pair avec celle des inconvénients. Il faut savoir assumer : un gestionnaire avisé aurait dû poser ou se poser la question sur ce point épineux de l’enceinte du campus, certainement grosse d’événements à venir. Comme toujours, on n’a pas su anticiper ni devancer les événements ni prendre la mesure de l’urgence de la construction de ce mur et des conséquences que sa négligence induit. La tradition chez nous c’est de laisser les dossiers brûlants au fond des tiroirs jusqu’au pourrissement. Et lorsque les protestations commencent à fuser, on brandit la panacée de la matraque ou de l’arsenal répressif administratif. Nous ne sommes, hélas, pas encore assez mûrs pour nous permettre le luxe de construire des campus ouverts aux quatre vents, à l’instar de ce qui se fait ailleurs. Si l’on répète à satiété que gouverner c’est prévoir, en pratique on ne prévoit pas plus loin que le bout de son nez, ou de son… porte-monnaie ! On perpétue la stratégie révolutionnaire des 22 à la veille du 1er novembre 1954 : on tire la première balle, on verra ensuite ! Hélas, cela ne fonctionne pas à tous les coups ! Cette absence de discernement a eu les conséquences que l’on craignait et ce qui devait arriver arriva. La porosité des points d’accès à l’université, qui n’ont rien à voir avec les checkpoints imperméables, renforce le zèle des intrus qui s’infiltrent sans grosse difficulté à l’intérieur du campus. On a vu des énergumènes se promener dans les couloirs des bâtiments où se déroulent les cours, avec des intentions inavouées, en tout cas pas très pacifiques. Car ces individus qui s’introduisent indûment s’en prennent notamment aux étudiantes et malheur à celui qui s’enhardit à jouer le Robin des bois ! On a eu affaire effectivement à des hurluberlus, pas très bien dans leur peau, qui viennent déambuler dans ces couloirs et troubler ainsi le déroulement des cours. Les séances sont déjà suffisamment perturbées par les nombreuses incommodités dans les salles de cours pour qu’on ait encore à subir les comportements de voyous désœuvrés, pour beaucoup sous l’influence de la drogue. Et il n’est pas recommandable de s’opposer à eux. Des professeurs dames ont dû accepter la mort dans l’âme la présence à leurs cours d’un jeune qui avait toutes les apparences d’un déséquilibré. Ce malade mental a fait le tour des amphis sans être inquiété. En l’absence d’agents de sécurité pour refouler ces indus visiteurs, les couloirs et les amphithéâtres sont devenus ainsi, par la force des choses, des LMD, c’est-à-dire des Lieux de Malandrins Drogués. La vie quotidienne de l’infortuné enseignant, quand il entre dans les salles de cours, se déroule selon un schéma actanciel composé essentiellement d’opposants, presque jamais d’adjuvants. En voici une liste qui pourrait ne pas être exhaustive, mais qui incitera beaucoup à réfléchir :
- 1 - les infiltrations d’eau par temps de pluie, soit par les plafonds, soit par les baies vitrées, espèces de grands vasistas en fer forgé très lourd, qui se rabattent fréquemment à cause d’un système de fermeture défectueux et surtout de leur poids ; des flaques d’eau se forment dans certaines salles et l’eau stagnante s’infiltre à travers le sol non carrelé mais revêtu grossièrement de plaques de PVC, arrachées pour la plupart ; on voit la dalle en béton et l’eau qui s’accumule s’écoule par le plafond de la salle en dessous ;
- 2 - les carreaux de ces énormes vasistas se brisent souvent à la suite de ces chutes brutales et dangereuses, sous l’action du vent et du poids ; pour les faire réparer c’est la croix et la bannière ; la partie haute est pratiquement inaccessible sans échelle ;
- 3 - Les portes, quand elles existent (beaucoup sont enlevées), ne ferment pas : elles sont dépourvues de serrure (qui ferme), de poignée ou de loquet. Hélas ! Pas de bobinette ni de chevillette, et les portes claquent avec des fracas qui mettent les nerfs à fleur de peau ! Des ouvertures intempestives de ces portes, conjuguées aux ouvertures béantes des vitres brisées et non remplacées, font voler vos documents par de violents courants d’air ;
- 4 - des attelages d’estrades, juxtaposées, sans fixation, laissent apparaître des vides par où peuvent s’engouffrer des chevilles de petites pointures. Bienheureux les pieds qui font du 44 et plus ! Et encore ! Certaines estrades sont placées sous le bureau, mais pas sous le tableau, fixé très haut ;
- 5 - les tableaux constituent un point noir (malgré leur peinture verte). A l’heure du feutre et du marker pour tableau en matière plastique, du data show, les professeurs en sont encore à écrire sur du bois, véritables «dazibaos » des âmes en peine qui y gravent au canif ou à la pointe métallique des messages pour leur dulcinée. On peut y lire aussi quelques délicatesses à l’adresse de certains partis politiques ou même… pour Qui-Vous- Savez. Bien évidemment les murs ne sont pas épargnés. On peut admettre que ce n’est pas particulier à l’UB, mais ce qui n’est pas admissible c’est que des années après, les mêmes graffitis se retrouvent, intacts. Ils sont mieux conservés que les gravures rupestres du Tassili ! Si les jeunes ne mettent pas de gants pour les écrire, par contre, les agents (invisibles) voudraient qu’on leur en achète pour les effacer de crainte de se salir les mains! (Les Mains Douillettes !) Crevassés, non repeints, ces tableaux de la dérision, beaucoup plus utiles pour les jeux de fléchettes, servent beaucoup plus d’alibi que de moyen didactique : on ne peut y écrire que péniblement, avec une craie qui a tout l’air de la chaux, des bribes de phrases dans quelque coin encore indemne de ces dégradations ou non éclaboussé par des bavures de peinture ou d’enduit, durcis par le temps ;
- 6 - ce que la litote connue appelle élégamment par euphémisme «les lieux d’aisance» sont ici le paroxysme du mépris de la personne et l’offense à la dignité humaine. C’est plutôt à «lieux de nuisance olfactive» qu’il faut penser. On ne peut y pénétrer qu’en pratiquant l’apnée. Et avec le retour des beaux jours ensoleillés, il ne faut pas s’aventurer à y mettre les pieds : en plus de la torture des narines qu’il vous faut pincer, on subit un assaut de moustiques agressifs. De vrais ULM de Modélisme ! L’explication : le nettoyage et la désinfection de ces endroits se fait très rarement sinon pas du tout. Ces Lieux Malodorants (et Malsains) à désinfecter sont la plaie de l’UB ! Par respect pour le lecteur et par égard à ce sanctuaire de la culture qu’est la fac, nous n’allons pas touiller ce LMD de Cambronne avec celui de la grogne des étudiants. Il n’y a qu’un pas que nous n’oserons pas franchir. Mais qui est responsable de cette situation ?
- 7 - comble du mépris à l’égard des enseignants : certaines «salles» ne sont pas pourvues de bureau ni de chaise pour le professeur ;
- 8 - dans les salles des bâtisses décriées, des agents (?) ont eu l’idée saugrenue de river les chaises et les bureaux sans penser que ceux qui les utilisent ont besoin de leur mobilité pour se mettre à l’aise et trouver la distance de l’une à l’autre qui leur convient, c’est la moindre des choses. La raison, nous diton, c’est pour empêcher qu’on prenne ces meubles pour les mettre ailleurs. Chacun appréciera. On a certainement oublié que la corpulence et la taille des personnes varient d’un individu à l’autre. On nous réduit ainsi à une taille standard comme les chaussettes qu’on vous vend et où l’étiquette mentionnant la pointure a tout simplement disparu, évacuée depuis belle lurette des traditions commerciales ! De la pensée unique à la taille unique, les séquelles du parti unique ont la vie dure !
- 9 - l’éclairage des «salles» est très mauvais ; les interrupteurs sont arrachés et pas remplacés ; à leur place, seuls les boîtiers scellés demeurent : les fils électriques sont connectés dangereusement et les lampes restent allumées en permanence, même quand les salles sont inondées de lumière du jour ;
- 10 - dans les salles de cours vous chercherez vainement des prises où les professeurs voudraient brancher leur ordinateur portable ;
- 11 - depuis que le vol d’ordinateurs a été commis dans le bloc administratif du département de français, les enseignants ne disposent plus d’internet, instrument indispensable aujourd’hui dans la vie universitaire ;
- 12 - certains amphithéâtres commencent à tomber en ruine(2). Tous sont des labos de cryologie. Nullement chauffés, ils sont traversés par des courants d’air qui vous givrent, lorsque l’hiver s’installe. La cause aggravante : l’impossibilité de fermer les baies vitrées hors de portée, qu’on ne peut atteindre qu’avec des échelles de pompiers ou des monte-nacelles de la Sonelgaz ; ou tout simplement parce que les carreaux cassés et haut placés n’ont pas été remplacés. Caserne pour caserne, on aurait dû réserver à l’UB une annexe à l’intérieur, pour les soldats du feu, à l’effet d’exécuter ces travaux !
- 13 - comme indiqué plus haut, la liste des réalisations à entreprendre est encore longue. Le bitumage de la voie d’accès (affreusement crevassée !) pour véhicules est à refaire entièrement et le parking que les pluies transforment en marécage boueux n’est pas en reste.
Car les LMD auxquels aspirent tous les enseignants ce sont des Locaux pour Maîtres, Dignes. Il faut avoir les moyens de son ambition. Lieu de réflexion par excellence, agora naturelle de la confrontation pacifique des idées et berceau de l’apprentissage de la démocratie, l’université est devenue à l’inverse de cela le Lieu de Malaises et de Dissensions (LMD), par la faute de décideurs qui copient l’Europe sans discernement, et qui veulent cogiter plus haut que leur QI. Le moyen le plus sûr d’atteindre l’objectif visé, c’est de créer d’abord des conditions de travail décentes, convenables, un cadre de travail agréable, qui stimule le goût pour les études et appelle les étudiants à la convivialité, à la mesure de cette ambition que chacun appelle de ses vœux, et pour les enseignants et pour les étudiants. C’est la condition sine qua non pour amener les étudiants et les enseignants à aimer leur université et à se sentir dans leur élément. C’est le premier pas à faire pour sortir de l’ornière et de cette spirale de la médiocrité dans laquelle a chuté l’université algérienne d’une manière générale(1). Question subsidiaire : en comparant les établissements ou institutions militaires (toujours pimpants, avec pelouses, carrés fleuris, abords extérieurs entretenus avec trottoirs pavés et clôtures superbes en fer forgé décoratif) et les «campus» universitaires de chez nous qui vous poussent à f… le camp, pourquoi cette Algérie à double visage (le mot vitesse est désuet) ? Notre pétrole est-il La Malédiction Divine ou La Manne Diabolique, deux sœurs siamoises LMD inséparables. Circulez, y a rien à voir ni à comprendre, c’est la quadrature du Cercle (de Béni- Messous) ! Pauvre Alma Mater, ça ne tourne pas rond sous ton toit !
M. B.
—————
1) Voir les nombreux articles de M. Ahmed Rouadjia parus dans El Watan et notamment celui en date du 24/10/2010 et intitulé «L’université algérienne en chute libre ou la politique de l’autruche».
2) Par exemple l’amphi Malek- Bennabi.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable