On ne devient pas aveugle en perdant le sens de la vue, mais c’est par un cœur insensible qu’on le devient. En discutant avec Abdennour Bouderbala, on pourrait aussi dire que le vrai handicap n’est pas physique, mais spirituel.
Bouderbala est né handicapé à cent pour cent et privé de l’usage de ses membres et de ses doigts. Totalement assisté par les siens, il ne peut ni manger ni boire tout seul. Mais par la seule force de la volonté, il est devenu aujourd’hui un artiste peintre. Tout juste adolescent, Abdennour Bouderbala s’est fixé pour objectif de vaincre son infirmité motrice cérébrale. «Prouver à ceux qui marchent, qui bougent et qui utilisent leurs mains pour écrire, pour manger et pour simplement gesticuler, que le pouvoir peut donner un coup de fouet à la volonté», écrit-il sur son site web. Lui qui se déplace toujours en fauteuil roulant va utiliser ses mains pour peindre. «La peinture est un don de Dieu, car je suis toujours incapable de manger tout seul», nous a-t-il confié, il y a quelques jours à Alger. Aujourd’hui, il est le seul artiste peintre dans le monde soufrant de ce genre d’infirmité. Abdennour Bouderbala va exposer une quarantaine de ses tableaux à la galerie d’art Lina de Aïn-Benian (ouest d’Alger). L’expo prévue du 26 mars au 2 avril 2011 est intitulée «Evasions printanières ». Ce n’est pas la première exposition du jeune artiste qui, au début de décembre 2010, avait participé à un Salon international en Libye où il avait eu le premier prix. Au cours du même mois, il avait reçu le premier pris ex æquo avec une pharmacienne, lors d’une exposition organisée par l’Association d’aide aux malades en Algérie à l’hôpital Mustapha- Pacha, à Alger. En juin 2009, il avait déjà exposé certaines de ses œuvres à la médiathèque Abane-Ramadane (Alger). Quand il parle, il n’articule pas bien les mots et c’est souvent sa dévouée femme qui explique ce qu’il veut dire aux gens. Aussi, ses tableaux sont pour lui un moyen d’expression. «Je m’exprime à travers mes tableaux et chacun d’eux veut dire quelque chose», nous a-t-il expliqué. Les tableau La rage est un cri contre la bureaucratie et celui intitulé Mon père, un hommage au père de l’artiste. D’autres œuvres portent des titres évocateurs comme Ma vie, Ma foi, L’Algérie, La société ou Mes tourments. Bouderbala reste des heures assis par terre, bloquant sa main droite avec la gauche afin de guider mystérieusement les jaillissements de ses émotions et de son cœur. Le résultat sont ces tableaux faits d’images, de symboles, de signes et de tons venus d’un ailleurs où personne ne peut aller : le refuge secret de l’artiste. A travers son travail, il veut également faire changer l’idée qu’ont les gens sur le handicapé qui, estime-t-il, est lui aussi capable de contribuer au développement du pays. Abdennour Bouderbala nous a démontré qu’avec la volonté et la persévérance, l’homme est capable de surmonter tous les handicaps et tous les obstacles. Pour cela, son exemple est à méditer…
K. B.

Format imprimable