Société : IFERHOUNÈNE (TIZI-OUZOU)
Sortir de la fatalité du sous-développement


Reportage réalisé par S. Aït Mébarek
Desservie par les aléas d’une nature hostile et capricieuse, Iferhounène est une commune de haute montagne (près de 60 km à l’est de Tizi-Ouzou) qui tente se débarrasser des signes d’un bourg déshérité pour se donner l’apparat d’une agglomération digne de son statut de chef-lieu de daïra acquis lors du découpage administratif de 1985.
Ce n’est pas toujours facile pour cette municipalité, coincée entre l’absence de ressources propres et la dépendance de subventions de l’Etat, pour satisfaire les besoins sans cesse croissants d’une population estimée à 13 000 habitants répartis entre 23 villages.
La montagne : une contrainte à transformer en corne d’abondance
Des villages qui s’égrènent çà et là au hasard du relief vallonné et accidenté et qui semblent s’accrocher au Djurdjura resplendissant dans son beau manteau neigeux et majestueux. Ici, la terre est ingrate et nourrit difficilement son homme. Mais les gens expriment un attachement indéfectible, quasi mystique, empreint de révérence, à leur terroir et à leur montagne. Un mélange confus de sentiments qui se devine dans le regard et le geste du maire qui nous désigne l’imposant massif de granit qui nous fait face et qui s’élève jusqu’à se confondre avec la voûte céleste. Le rêve, l’extase au bout du regard... Mais retour à la réalité. «Voilà l’atout de la commune : la montagne et toute la richesse patrimoniale qui va avec et qui peuvent générer de la richesse et une plus-value non négligeable pour l’économie locale. Il suffit de valoriser ces atouts par la création de niches touristiques», lance notre interlocuteur. Belle suggestion à l’endroit des pouvoirs publics concernés. Il ne reste que la mise en valeur de cet énorme potentiel, pour l’heure en jachère. En attendant que les initiatives se libèrent, l’environnement continue à être peu propice à la création de la richesse. Les rentrées fiscales sont minimes et ne peuvent équilibrer un budget déficitaire et dont la plus grande part est versée pour la couverture des salaires des fonctionnaires et le fonctionnement ; de très faibles disponibilités foncières pour accueillir les équipements et infrastructures publics nécessaires au développement de la commune ; un portefeuille d’activités économiques qui frise le degré zéro et qui se résume au petit commerce de proximité et à un semblant d’investissement dans le transport de voyageurs, une activité qui occupe des jeunes dont de nombreux diplômés, entre autres, des universitaires, en majorité forcés au chômage. «Le logement et l’emploi constituent les principales demandes des citoyens durant les journées de réception. Tous les recrutements se font dans le cadre de l’IAG et du dispositif du pré-emploi, et nous n’avons rien d’autre à faire que d’orienter le flux des demandeurs vers les services de l’Anem», se désole M. Aït Saïd, non sans déplorer l’anarchie qui prévalait dans le domaine des recrutements dans le cadre de l’IAG, avant l’arrivée du nouvel exécutif communal en 2007. «Une situation ubuesque que nous avons corrigée, car tenez-vous bien, des recrutements ont été faits sur le quota de notre APC au profit de jeunes issus de commune voisines et ciblant des agents de sexe féminin.» Autre anomalie qui n’a pas manqué de provoquer l’ire du maire, le programme présidentiel des 100 locaux par commune. «La construction de ces locaux en R+3 hors de l’agglomération est une aberration. La décision a été prise par la DLEP et de l’ex-chef de daïra sans tenir compte de l’avis des élus. Nous avons demandé sa délocalisation vers un autre site plus approprié, en vain ; notre demande a été rejetée. Il s’agit, en vérité, d’une opération de charme politique et de prestige qui a coûté la bagatelle de 11 milliards de centimes et qui ne servira pas à résorber le chômage des jeunes», se désole encore le maire qui dira la même chose à propos du site sur lequel a été construit l’actuel lycée. Un endroit inadapté et incommodant, surtout en hiver, car situé en plein montagne à 13 00 mètres d’altitude. Un site pour la délocalisation de cet établissement a été choisi. L’APC a également désigné d’autres assiettes de terrain pour accueillir des projets jugés d’utilité vitale pour la commune, à savoir les services d’une agence Sonlgaz, d’une unité de la Protection civile et le nouveau siège de la sûreté de daïra qui été construit sur un endroit gênant pour la population. En outre, 575 opérations pour divers travaux d’entretien, réparation et acquisition de matériel au profit des villages ont été réalisées. Toutes ces actions ont été prises en charge sur le budget de fonctionnement de la commune. Beaucoup de réalisations ont été faites dans les secteurs de la santé, de l’habitat et de la jeunesse et des sports (nous y reviendrons, ndlr)
Un palmarès gratifiant
S’il dit ne pas ignorer les difficultés, surtout celles liées au climat et à la géographie, le maire n’a pas manqué de louer son bilan de trois années. Un bilan à mi-parcours et déjà couronné, se plait-il à dire, «du titre honorifique et reconnu par la tutelle de la première APC ayant consommé tous les crédits alloués par l’Etat pour les opérations de développement local programmées ». Une gratification qui a valeur d’argument pour lui, convaincu d’avoir tenu la plupart des engagements pris devant la population avant son élection. Le P/APC qui nous a reçus dans son bureau en compagnie de l’un de ses adjoints, A. Aït Messaoud, commencera par évoquer certains actes de portée symbolique qui ont marqué le début de son action à la tête de l’APC mais auxquelles il attache beaucoup d’importance, «d’autant plus, témoignera son adjoint, que certaines d’entre celles-ci n’ont pas été sans susciter des critiques et des résistances».
Espace public, mémoire et gouvernance
La démarche du chef de l’exécutif de la commune a pris, sous ces latitudes, l’allure d’une petite révolution. Et l’élection d’un ex-élément du groupe local de résistance au terrorisme islamiste, sous la bannière du RCD, en est, sans doute, une autre. A se fier, du moins, à ce qui est véhiculé par la chronique locale. Ce dont est conscient le premier responsable de la municipalité qui cultive, à son corps défendant, peut-être, une réputation de maire aux méthodes de gestion atypiques et qui a, témoignent certains observateurs de la scène locale, bousculé, non seulement, les habitudes locales de gestion des affaires de la collectivité, mais aussi les obédiences politiques dans une commune qui a toujours voté pour le FLN ou le FFS. «Dès la prise de nos fonctions, nous avons entrepris des actions conformes à notre programme électoral. A commencer par des transformations que nous avons jugé utiles et importantes aussi bien à l’intérieur du siège de la mairie que dans son environnement immédiat. Pour nous, il était important de donner à l’agglomération un cachet convivial et digne de son statut de chef-lieu de daïra qu’est devenu le village d’Iferhounène », dira l’édile communal, énumérant les différents travaux de réhabilitation et de rénovation engagés pour aboutir à la configuration plus esthétique des lieux. Tout en nous faisant faire le tour du propriétaire, le maire ne tarit pas d’éloges sur le lifting subi par les bureaux et les différents services de l’APC. Le résultat, il est vrai, est palpable. Des locaux moins exigus qu’avant, avec des aménagements supplémentaires qui ont permis le décloisonnement des différents services. «Notre souci, explique-t-il, est de rendre les espaces plus fonctionnels, en leur conférant un tant soit peu d’humanisation. Cela a été bien accueilli par les fonctionnaires et les citoyens. Même le wali, lors de sa dernière visite, a exprimé sa satisfaction pour le soin que nous avions apporté aux registres de l’état civil et autres documents d’archives», poursuit le P/APC qui a voulu nous en mettre encore plein les yeux en nous conduisant à l’extérieur. Là, il nous exhibe avec une fierté non dissimulée les transformations apportées à la devanture du bâtiment et à la grande artère qui coupe Iferhounène en deux. Ces opérations de réhabilitation et d’embellissement de l’espace urbain se sont traduites par l’agrandissement de la chaussée et l’aménagement d’une placette et des aires de stationnement pour véhicules. L’espace récupéré avait servi, par le passé, à la construction de deux kiosques qui ont empiété sur la voie publique et un monument dédié aux martyrs de la Révolution. «C’était une construction à l’aspect hideux et qui occupait une portion importante de l’espace dans une agglomération de montagne comme Iferhounène qui en a tant besoin et où chaque mètre carré a son importance en termes de disponibilité foncière. Cela ne s’est pas passé sans heurts, selon M. Aït Saïd. Pour lui, ces modifications si minimes qu’ils puissent paraître ont rencontré de farouches résistances et lui ont valu des critiques et des inimitiés politiques de certains bords. «De la part d’abord de mon prédécesseur qui s’est attribué l’un des kiosques et qu’il a loué par la suite, nous explique notre interlocuteur ; et de la part, ensuite, de certains moudjahidine qui nous ont accusés de crime de lèse martyrs de la Révolution suite à la démolition du monument situé au centre du chef-lieu communal et dont la reconstruction a démarré sur un site plus adapté avec des aménagements et des dépendances dignes de la mémoire de plus de 2 000 chahids issus de l’ensemble de la daïra d’Iferhounène. Ces gens qui m’ont attaqué n’ont pas la légitimité qu’ils prétendent avoir», dira le P/APC. En outre, et dès son investiture à la tête de la mairie, le maire a entrepris une opération «coup-de-poing». Il a engagé des actions en justice contre ses deux prédécesseurs pour des soupçons d’irrégularités dans la gestion des affaires de la municipalité. «La lutte anticorruption est l’un des objectifs fondamentaux de notre politique de gestion. A cet effet, et dès notre installation à la tête de l’APC, nous n’avons pas hésité à ester en justice les deux précédents P/APC. Le mandat du premier s’est étalé du mois d’octobre 2002 à juillet 2005, et celui du deuxième de décembre 2005 au mois de septembre 2007. Les deux ex-maires ont été condamnés en première instance dans des dossiers portant sur des soupçons d’irrégularité de gestion. Notre souhait est de voir la justice suivre son cours. Il ne s’agit nullement pour nous de pratiquer la chasse aux sorcières, ni de faire dans le règlement de compte politique. Par cette action, nous voulons, simplement, instaurer une tradition de transparence et de bonne gouvernance. Nous proposons qu’à l’avenir, chaque nouveau président de l’APC doit avoir le devoir de poursuivre son prédécesseur en justice dans le cas où des infractions et d’irrégularités dans la gestion des affaires de la collectivité sont constatées», conclut le maire.
S. A. M.

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