Monde : DÉBAT «ISLAM ET LAÏCITÉ»
Ou la tentative désespérée de faire mieux que le Front national


De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed
A quelques heures de l’ouverture, hier, du débat très controversé sur «islam et laïcité » organisé par l’UMP, Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, persiste et signe dans ses attaques en règle sur l’islam. Dans une déclaration faite lundi dernier et qui confirme, s’il en était besoin, que le pouvoir actuel rend responsables les musulmans de France de tous les maux que connaît la société française, Guéant affirme que le nombre grandissant de musulmans en France et certains comportements posent des problèmes. Le ton est donné à ce débat dont Sarkozy et ses troupes espèrent des dividendes pour la présidentielle de 2012. Mais rien n’est joué et les Français commencent à fatiguer de cette stigmatisation des musulmans.
Depuis qu’il assure les fonctions de ministre de l’Intérieur, Claude Guéant s’est fixé une cible à abattre : les musulmans. Son obsession, a dit hier François Hollande, «c’est de parler des musulmans». Dans toutes ses déclarations, en effet, l’islam est mis à l’index. La dernière en date, faite la veille de la tenue de la convention UMP sur l’islam et la laïcité, est on ne peut plus explicite : «En 1905, il y avait peu de musulmans en France, aujourd’hui il y en a entre 5 et 6 millions. Cet accroissement du nombre de fidèles et un certain nombre de comportements posent problème.» Comme on le voit, Guéant ne fait pas de quartier, tous les musulmans sont des pratiquants et même plus, des «fidèles» aux pratiques dangereuses. Justifiant le débat de mardi sur islam et laïcité, Guéant explique : «La question interpelle nos concitoyens : nombreux sont ceux qui pensent qu’il y a des entorses à la laïcité. » Parmi ces entorses, le ministre de l’Intérieur cite notamment les prières dans les rues qui, selon lui, «choquent un certain nombre de concitoyens». Cette entorse, comme d’autres telles que le hallal dans les cantines ; l’exigence par certains d’auscultations médicales par les médecins du même sexe que le patient, sont évidemment, et personne ne peut le nier, de véritables problèmes mais sont-elles pour autant des exigences ou des pratiques si généralisées dans l’Hexagone que cela nécessite un tel chambardement, une telle mobilisation de la majorité qui fait l’impasse, ce faisant, sur les raisons de ces échecs cuisants aux cantonales et sur ceux qui se profilent pour 2012. Cette diversion par un débat sur l’islam initié par Copé, secrétaire général de l’UMP sous l’impulsion de Sarkozy, n’est pas sans diviser encore la majorité qui donne l’impression de ne plus savoir quoi inventer pour jouer les amalgames. Il en est jusqu’au Premier ministre, François Fillon, qui, parce qu’il s’est déclaré «très mal à l’aise» avec ce débat, s’est vu accusé «de ne pas jouer collectif », autrement dit de ne pas s’être tu même s’il n’approuve pas la trouvaille. A l’heure où nous mettons sous presse, les 26 propositions qu’annonce Copé pour l’issue de ce débat ne sont pas encore connues et nous ne manquerons pas d’y revenir. Mais, d’ores et déjà, l’on sait que François Fillon comme Gérard Larcher, président du Sénat, ou encore Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, ne prendront pas part au débat, signifiant ainsi leur désaccord sur un débat «inopportun». Au moment où doit s’ouvrir le débat (en fin d’après-midi d’hier) le Conseil des démocrates musulmans de France, dirigé par Abderrahmane Dahmane, et le collectif Banlieues Respect, animé par Hassen Ben M’barek, ont appelé à un rassemblement à 17h30 devant le siège de l’UMP pour s’élever contre «la haine et l’islamophobie». Pour rappel, les grandes religions (catholique, orthodoxe, musulmane, protestante, juive et bouddhiste) ont exprimé dans un communiqué le 31 mars dernier leur opposition à ce débat.
K. B.-A.

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