Société : INPED DE BOUMERDÈS
45 grévistes licenciés


A leur 24e jour d’une grève illimitée pour exiger en premier lieu le départ de leur directeur général et de son staff, les travailleurs de l’Institut national de la productivité et du développement industriel (Inped) de Boumerdès ont eu l’amère surprise de prendre connaissance d’une seconde liste de 18 personnes qui sont licenciées.
Dans la première liste figuraient, rappelons-le, 27 noms de travailleurs. En tout, cela fait 45 travailleurs et cadres qui seront privés de leur travail. Sur un effectif de cet institut de formation et d’expertise estimé à 220 travailleurs, on retient donc que plus de 20% du personnel est congédié. Nous aurions aimé questionner Abderrahmane Moffek, le DG de l’Inped, sur les bases juridiques ayant motivé ces licenciements, mais le responsable de la sécurité de l’institut nous a dit, ce mercredi, que leur patron ne vient qu’en fin d’après-midi après que les grévistes sont rentrés chez eux. Quant aux travailleurs qui observent un sit-in quotidien devant la porte de l’Inped, empêchant le DG et son staff d’y pénétrer, ils estiment ces décisions illégales révélant, selon eux, une situation de paranoïa. «Ni ces intimidations du DG ni le parti-pris de notre tutelle en faveur de ce dernier ne nous fera reculer. Vous avez remarqué que nos revendications socioprofessionnelles, au demeurant tout à fait légitimes, passent au second ordre. Nous voulons d’abord et avant tout sauver notre institut d’une dérive et d’une catastrophe », diront les travailleurs que nous avons rencontrés ce mercredi.
Un lourd passif
Les grévistes ont, disent-ils, alerté en urgence et à plusieurs reprises le ministère de l’Industrie et de la Promotion de l’investissement sur la situation déplorable de l’institut qui perd toute sa clientèle. Ils ne manquent pas de revenir par ailleurs sur l’engagement du secrétaire général de ce ministère de l’envoi d’une commission d’enquête pour entamer les investigations sur la gestion de cet établissement. «Le ministère veut nous avoir à l’usure ; je pense qu’il n’enverra pas de commission d’enquête. Il préfère le silence à la divulgation du scandale », clame un cadre qui requiert l’anonymat. Ce sentiment est partagé par la majorité des grévistes qui pense en effet que leur tutelle a fait le choix du maintien du DG décrié à la tête de l’Inped même au risque de perdre ce centre de formation. «Ce qui se passe à l’Inped de Boumerdès, c’est comme la légende de Néron ; on y incendia Rome pour ne pas destituer l’empereur», ironise amèrement un protestataire. Pour rappel, les travailleurs et cadres de l’Inped ont rendu publique le premier jour de cette manifestation une déclaration dans laquelle ils reprochent à leur DG plusieurs griefs notamment des brimades à leur endroit, des promotions clientélistes et régionalistes, mais surtout une très mauvaise gestion. Ils étayent ce dernier grief avec des dossiers lourds mettant en danger les équilibres économiques et financiers de cet institut qui a acquis une réputation honorable au sein du secteur public. L’un de ces dossiers concerne un marché en devises passé avec un fournisseur suisse dans des conditions jugées douteuses. Ce dossier a fait l’objet d’une enquête du département du renseignement et de la sécurité DRS ( Le Soir d’Algérie du 29 avril 2010). Les frondeurs accusent par ailleurs leur DG d’avoir perdu les plus gros clients de l’Inped notamment le ministère de la Défense nationale. «Le MDN a été déçu par la dégradation de la qualité des prestations de notre Institut ; il est parti ailleurs à la recherche de meilleures structures pour des formations ponctuelles », disent les grévistes.
Démissions collectives des élus
Au plan de la représentation syndicale, 4 élus sur les 6 que compte la section syndicale affiliée à l’UGTA ont démissionné il y quelques jours de leurs postes électifs. «Nous avons remis une lettre aux instances syndicales de Boumerdès par laquelle nous nous démarquons d’une éventuelle utilisation abusive du cachet de la section», dira l’un d’eux. Par ailleurs, les grévistes déplorent l’inertie et l’absence de solidarité des instances supérieures de ce syndicat (UGTA). Les travailleurs de l’Inped rappellent que le DG avait introduit, au second jour de cette protestation, une action en référé pour entrave au travail, confiscation du véhicule de service et grève illégale. Paradoxalement, ce sont les 27 personnes figurant sur la liste des licenciés qui sont citées dans le jugement, dont nous disposons d’une copie. La justice de Boumerdès l’avait débouté. En tout état de cause, nous avons relevé que les travailleurs de l’Inped sont bien déterminés à se faire entendre. L’on peut mesurer cette détermination par la présence quotidienne depuis 24 jours de 6 femmes enceintes au sit-in qui se tient devant la porte de l’établissement.
Abachi L.

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