Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS
Un liseur nommé Bouteflika


Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr

Dimanche 17 : Le discours du crépuscule
Toute la presse glose sur l’apparition de Bouteflika à la télé. Pas grand-chose à commenter au-delà de l’image elle-même, criante. Un vieux monsieur malade qui a un mal fou à se concentrer sur son texte qu’il palpe continuellement comme un non-voyant lisant en braille.
Je ne sais pas quel est le but de ce coup de com., mais s'il s'agit d’apitoyer les gens sur l’état de santé de Bouteflika, c’est réussi. A moitié, disons ! Car c’est bien davantage l’étonnement qui a prévalu. Comment peut-on gouverner dans un tel état ? En le voyant ainsi, des trémolos de lassitude dans la voix, faisant visiblement un effort pour juguler des tremblements, l’esprit ailleurs, déconcentré un max, j’ai pensé à Bourguiba à l’époque où, en fin de parcours, il s’est trouvé un militaire, Ben Ali pour ne pas le nommer, pour estimer et entreprendre afin que le vieux soit déposé non pas pour des raisons politiques mais médicales. Du coup, on s’intéresse très peu à ce qu’il dit. D’ailleurs, c’était à peine audible. Il a fallu attendre la publication de son discours dans la presse du lendemain pour évaluer la vacuité des mesures prises. Rien n’a changé ! Tout ça pour ça ? Oui tout ça pour ça ! Les fins de règne des despotes sont coriaces car ils ne les voient pas venir et ils se comportent comme s’ils étaient encore au zénith de leur puissance. On a rarement vu des chefs d’Etat se cramponner au pouvoir comme ça, même dans cet état. Hormis dans les républiques bananières ou dans les monarchies constitutionnelles – ou pas –. Il faut donc modifier encore une fois la Constitution pour faire de l’Algérie soit l’une soit l’autre ou mieux encore, les deux : une monarchie bananière !
Lundi 18 : Chorégraphie vassale
Abdelaziz Bouteflika a dû écourter sa présence à Tlemcen. Fatigué. Fallait s'y attendre pour qui l'a vu à la peine du discours quinquennal qu'il nous a tenu l'autre soir. La soirée d'inauguration de «Tlemcen, capitale islamique» a, d'après ce qu'en rapporte la presse, donné lieu à cet exercice de vassalité auquel on allait fatalement arriver en satrapie. Il y a quelques mois, dans une interview que nous avions réalisée pour Le Soir d'Algérie, le député du RCD, Nourreddine Aït Hamouda, me disait, en substance, que nous verrions un jour des livres d'histoire qui affirmeront que l'indépendance de l'Algérie a été acquise grâce aux combats menés à la frontière malienne. L'héroïsation du prince par les vassaux, ça fait partie du jeu. Eh bien, nous y sommes presque, pardi ! Ça commence par une chorégraphie, une sorte de gestuelle fossilisée, donnée le soir de l'inauguration. Le titre de ce machin qui prétend résumer l'histoire de l'Algérie, «de l'émir Abdelkader à... Abdelkader El Mali». Pas moins ! L'Algérie, ce n'est rien d'autre que ce saut de puce qui va de l'émir Abdelkader à Abdelaziz Bouteflika, alias Abdelkader El Mali. Y en a qui se retournent dans leur tombe, je te dis !
Mardi 19 : Dit avec des fleurs
La crise est passée partout en Grande-Bretagne sauf, visiblement, chez les fleuristes. Tandis que le gouvernement multiplie les mesures d'austérité pour faire face à cette crise, – mesure à l'encontre des plus pauvres, of course ! – le seul budget consacré aux fleurs de la célébration du mariage du Prince William s'élève à près de 580 000 euros. Un pactole qui se réduira en pétales ! Que vit une fleur ? Eh bien, elle vit l’espace d’un matin comme dit le poète. Et les 23 millions d’euros pour la sécurité, payés par le contribuable ? Voilà le conte de fées transformé en comptes défaits.
Mercredi 20 : Chita !
Tahar Ben Jelloun, écrivain franco-marocain, «opposant» mou sur les deux rives, a été reçu à déjeuner à l'Elysée. Le portrait plus que dithyrambique qu'il dresse de la culture cinéphilique de «notre président Sarkozy» lui vaut de figurer dans la rubrique «La brosse à reluire» du Canard enchaîné de ce jour. «Nicolas Sarkozy a simplement voulu détruire quelques préjugés à propos de son niveau de culture. Une chose est sûre : notre président est un cinéphile averti. Il a simplement besoin que les journalistes l'aiment», susurre le membre de l’Académie Goncourt. A la lecture des extraits de l'éloge de Sarkozy, on ne peut qu'en convenir : la distinction attribuée par le palmipède parisien est hautement méritée. L'avantage et l'inconvénient avec les binationaux, c'est qu'il faut souvent une brosse à reluire dans chaque main.
Jeudi 21 : Télex…
Célébration du 20 Avril... Stop... On aura tout vu... Stop... Les festivités organisées par un ministère, c'est l'hommage du vice à la vertu... Stop... Comme dirait Mac Mahon... Stop... C'est bien, continuez... Stop et fin.
Vendredi 22 : Durée
N’empêche que les nuages semblent s’être éloignés du dessus de la tête de notre liseur. Le vent de la révolte arabe a soufflé sans faire escale par chez nous. Ce qui est une malédiction pour le peuple est plutôt une sacrée bénédiction pour ceux qui gouvernent. Si les révolutions sont comme la comète de Haley, il faut attendre le prochain tour. A-t-on seulement pris un jeton ?
A. M.

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