Actualités : RÉFORMES POLITIQUE ET CONSTITUTIONNELLE
Bensalah gage de large adhésion ?


Si la nature des amendements que le président de la République retiendra en dernier ressort pour la Constitution risque fort bien de ne pas faire l’unanimité au sein de la classe politique, la conduite des consultations préalables confiée à Abdelkader Bensalah s’annonce d’ores et déjà semée d’accrocs.
Sofiane Aït-Iflis Alger (Le Soir) - La personnalité choisie pour mener les consultations, le président du Sénat, Abdelkader Bensalah, en l’occurrence, ne constitue pas un gage d’une large adhésion. Partisan, pour être militant et membre influent du Rassemblement national démocratique (RND), Abdelkader Bensalah pèche de prime abord par un manque de détachement par rapport aux querelles partisanes. Son arrimage partisan ne lui confère pas la neutralité requise pour pareille mission. Nombre de partis, notamment ceux de l’opposition, trouveront fort assurément matière à redire autour du choix de cette personnalité pour driver les consultations. Bien avant que Bensalah ne soit désigné, le Front des forces socialistes (FFS) avait fait savoir qu’il ne participerait pas aux «ateliers» que le président de la République compte mettre sur pied en vue de recueillir les propositions pour la révision constitutionnelle. Il est à s’attendre à d’autres attitudes partisanes similaires. Auquel cas, les consultations que le président Bouteflika souhaite organiser en prélude à la trituration solennelle du texte de la loi fondamentale du pays se résumeront à un monologue, tant est qu’elles réuniraient les partenaires de l’Alliance présidentielle et quelques autres entités partisanes agglomérées dans la périphérie du pouvoir. D’ailleurs, il n’est pas sans intérêt de se poser la question sur le choix porté sur Abdelkader Bensalah, un partisan controversé. C’est à se demander si le chef de l’Etat n’a pas agi de la sorte pour justement n’avoir à écouter que les violons préalablement accordés. Car, en matière de personnalité nationale crédible, il aurait pu se rendre à un choix plus judicieux, avec, cependant, le risque d’être destinataire, au final, d’une copie qui serait le reflet exact de la volonté populaire. Un risque que le chef de l’Etat s’est apparemment interdit de prendre et a puisé tout bonnement dans le cercle de ses amitiés immédiates. Le président du Sénat, pour ceux qui l’ignoreraient encore, compte parmi les plus proches du président Bouteflika à qui il doit, au demeurant, son ascension politique fulgurante. Natif de Tlemcen, comme nombre de membres du gouvernement et de proches collaborateurs du chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah n’a pas de galons à faire valoir en tant que meneur de négociations. Sa seule implication dans des rounds de négociations entre l’autorité politique et les partis était lors de la fameuse Conférence du dialogue national (CDN) où il a officié en tant que chargé de la communication. C’était, faut-il le rappeler, du temps du président Liamine Zeroual, et les débats à l’époque étaient présidés par Youcef El Khatib. Son importance dans l’échiquier institutionnel, il l’a acquise à sa désignation à la présidence de la Chambre haute du Parlement en juin 2002, après le décès de Chérif Messaâdia, un cacique du FLN. Depuis, il cumule reconduction au poste sur reconduction. reconduction. Agé de 70 ans, il est, de par sa fonction, la personne constitutionnellement désignée pour assurer la présidence de la République en cas de vacance du pouvoir pour cause de décès du président ou d’empêchement. Mais à en croire les révélations de Mohamed Sifaoui dans un livre à paraître prochainement et publiées avant-hier par le site DNA, Abdelkader Bensalah ne peut prétendre à assumer une telle charge, du fait qu’il soit né de parents marocains et qu’il s’est naturalisé algérien en septembre 1965, soit à l’âge de 24 ans. Selon DNA, qui a repris les belles feuilles du pamphlet de Sifaoui, Bouteflika, ses parrains et ses larbins, Bensalah aurait travaillé en juillet 1962 au consulat du Maroc à Oran, avant de s’initier au métier de journaliste. Si la révélation sur la nationalité marocaine d’origine de Bensalah venait à se confirmer, il ne pourrait, au regard de l’article 73 de la Constitution, prétendre à la magistrature suprême, ni en assurer l’intérim légal. L’article en question stipule que pour être éligible à la présidence de la République, le candidat doit jouir uniquement de la nationalité algérienne d’origine. Donc, il ne peut assurer l’intérim en cas de vacance du pouvoir, à moins que cet article ne connaisse lui-même une révision.
S. A. I.

Réactions mitigées des partis politiques

Les réactions des partis politiques suscitées par les décisions annoncées suite au dernier Conseil des ministres divergent et en général se divisent en deux positions, celles de deux clans distincts, les partis qui représentent l’opposition et ceux de l’Alliance présidentielle. Ainsi, si le RND, le FLN et le MSP s’accordent à saluer les décisions annoncées par le chef de l’Etat, le RCD, le FNA et AHD 54 dénoncent, encore une fois, «la fuite en avant du pouvoir, la marginalisation du peuple et le mépris affiché par les autorités face à la contestation et à la revendication populaire qui prennent de l’ampleur».

RASSEMBLEMENT POUR LA CULTURE ET LA DÉMOCRATIE (RCD) :
«Du réchauffé pour un système congelé»
Dans un communiqué, le RCD a déclaré que le Conseil des ministres du 2 mai est une provocation irresponsable et criminelle. Selon ce parti politique, les réformes annoncées seront initiées, arbitrées et validées «par un chef de l’Etat “élu” dans un scrutin qui a vu la participation de 11,3% de l’électorat». Le RCD dénonce, de ce fait, «les violences exercées contre les manifestants, le fait que le budget de l’Etat soit dilapidé pour assurer un sursis au pouvoir, le nouveau code communal, véritable régression institutionnelle ainsi que la domination des médias publics par le sectarisme et le tribalisme». Pour le parti de Saïd Sadi, le Conseil des ministres «vise à masquer les divergences du sérail et de faire diversion sur les tensions politiques et sociales qui constituent la réalité nationale».

PARTI MSP :
«Le président doit diriger lui-même les réformes»
Le MSP salue le discours du président de la République et la décision du pouvoir politique d’aller vers des réformes profondes après la levée de l’état d’urgence. Dans un communiqué, le MSP déclare avoir demandé trois points essentiels qui sont l’annonce d’une échéance pour les réformes, la désignation des réformes politiques comme prioritaires et leur concrétisation sur le terrain par le président de la République. Ces revendications, selon le MSP, ont été concrétisées lors du Conseil des ministres du 2 mai. Le parti dit réitérer son invitation au président de la République pour qu’il dirige en personne les réformes annoncées et dit rejeter certaines pratiques de l’administration.

KASSA AÏSSI, PORTEPAROLE DU FLN :
«Les décisions répondent aux interrogations du débat politique»
Le FLN ne peut que se réjouir des décisions annoncées, attendues et déjà mises en œuvre. Ce n’est en fait que le prolongement d’un certain nombre de décisions édictées par le président de la République, notamment lors de son discours du 15 avril et lors des précédents Conseils des ministres. Cela répond à des interrogations et aux débats de la classe politique faisant référence au fait que les réformes déjà annoncées ne seront pas appliquées. La réponse, c’est aussi que ces réformes seront appliquées au cours de cette année. Nous sommes à la veille du renouvellement de l’Assemblée populaire nationale et des instances locales et le terrain de ces échéances est en train d’être balisé pour la mise en œuvre de ces objectifs. Nous précisons aussi que ce débat politique sera entamé et dirigé par une personnalité aux qualités importantes et ayant occupé des fonctions importantes au sein de l’Etat. Les réformes annoncées seront, par ailleurs, réalisées en concertation élargie et aboutiront aux échéances fixées.

MILOUD CHORFI, PORTE-PAROLE DU RND :
«Nous saluons les décisions du Conseil des ministres»
Notre parti salue les décisions annoncées par le Conseil des ministres concernant les réformes politiques annoncées le mois dernier. Le communiqué, qui a fait suite à ce Conseil, est venu mettre un terme à certaines interprétations et apporter des réponses à des interrogations sur les prochaines réformes. Nous saluons aussi la décision du président de la République concernant la décision relative à une concertation politique très élargie. Nous estimons aussi que la désignation de M. Bensalah pour la direction du dialogue est un choix dicté par une expérience que nul ne peut ignorer. En plus du fait que M. Bensalah est une personnalité nationale qui a les capacités pour dialoguer avec toutes les parties sans aucun complexe. Il est aussi la deuxième personnalité dans l’appareil politique.

MOUSSA TOUATI, PRÉSIDENT DU FNA :
«Le pouvoir de décision doit revenir au peuple»
Nous sommes toujours confrontés à des méthodes révolues, et le pouvoir se considère toujours comme tuteur du peuple. Il y a en fait des consultations et pas de pouvoir de décision, nous militons justement pour que le pouvoir de décision revienne au peuple. Le temps est venu pour un débat national avec pour thème la Constitution. On parle aussi de consultation des partis politiques. C’est une bonne initiative, mais est-ce que nous pouvons prétendre représenter tout le peuple algérien ? Il est à rappeler que lors des dernières élections législatives, officiellement seulement 30% des inscrits ont voté. En réalité, ils étaient moins de 19%. Comment donc rétablir la confiance avec le peuple ? Pour ce qui est de la désignation de Bensalah pour le pilotage des réformes, cette nomination est logique puisqu’il est la deuxième personnalité de l’Etat. Constitutionnellement parlant, c’est a lui de prendre en charge les réformes. Le président a d’autres préoccupations en ce moment et ne peut chapeauter le dialogue en cours. Mais M. Bensalah pourra-t-il aller vers une autonomie, une clarté et une bonne foi dans la concrétisation des réformes, calmer et stabiliser l’Algérie.

M. BENNALOU, PORTE-PAROLE DU PARTI AHD 54 :
«La désignation de M. Bensalah est un désaveu du ministre de l’Intérieur»
Nous stagnons dans le même schéma que les décisions annoncées lors des derniers Conseils des ministres avec seulement une nouveauté, la désignation de M. Bensalah qui est en fait un désaveu implicite au ministre de l’Intérieur qui avait précédemment exclu les partis politiques des réformes. Ces dernières devront aller jusqu’en 2011 donc le président devrait aller au bout de son mandat. Nous demandons encore que le bulletin de santé du président soit rendu public dans un communiqué. Nous avons proposé une transition politique et des élections présidentielles anticipées.

PARTI DES TRAVAILLEURS (PT) :
«C’est à une assemblée issue d’élections libres d’amender la Constitution»
Suite à la réunion du bureau politique en session extraordinaire, son secrétariat déclare avoir relevé «la volonté de clarification et de précisions du chef de l’Etat quant aux réformes politiques annoncées notamment le calendrier et les moyens institutionnels de leur mise en œuvre». Le PT précise, par ailleurs, «enregistrer positivement le fait que la révision de la Constitution ne sera pas soumise au Parlement actuel et la recherche des moyens permettant la plus grande participation populaire». Le PT estime, ainsi, que «c’est à une vraie assemblée nationale issue de vraies élections libres et démocratiques qu’échoit la lourde responsabilité d’élaborer ou d’amender la Constitution». Le secrétariat du bureau politique du PT explique, en outre, que «par-delà les réserves de voir la commission chargée de mener les consultations sur la Constitution et les différents projets de loi se transformer en Parlement parallèle, le PT, qui n’a aucun préjugé sur le choix de M. Bensalah pour diriger ladite commission, prend acte de la volonté du président de mettre des garde-fous quant à l’élaboration des projets de Constitution et des lois relatives à la réforme politique, associant notamment les partis».

FRONT DES FORCES SOCIALISTES (FFS) :
Le parti se prononcera lors du meeting du 7 mai
Concernant les développements de la scène politique et les décisions émanant du Conseil des ministres, le Front des forces socialistes a annoncé hier qu’il rendrait publique sa position lors d’un meeting populaire qui sera organisé le 7 mai prochain à la salle omnisport d’El-Harrach. Ce meeting fera suite à une réunion du parti qui se tiendra la veille du meeting.
Propos recueillis par F.-Zohra B.

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