Culture : TLEMCEN, CAPITALE MUSULMANE. LE SIÈCLE D’OR DU MAGHREB CENTRAL,
DE FATIMA-ZOHRA BOUZINA-OUFRIHA
Une histoire riche d’une civilisation florissante


Une fort intéressante trilogie consacrée à l’histoire du Maghreb (en particulier central) du XIIe siècle et des siècles suivants nous est proposée par Fatima-Zohra Bouzina- Oufriha.
Les trois essais viennent de paraître aux éditions Dalimen, dans le cadre de «Tlemcen, capitale de la culture islamique». Justement, le principal volume a pour titre Tlemcen, capitale musulmane. Le siècle d’or du Maghreb central. Dans un souci de travail pédagogique, l’auteur a présenté une étude synchronique (mais aussi une analyse diachronique) de l’histoire de la ville. Elle raconte comment cette cité millénaire est devenue florissante, surtout sous les Zeiyanides. Tlemcen était alors la capitale du Maghreb central et siège du royaume indépendant des Zeiyanides, une dynastie qui régna de 1236 à 1554. L’émergence de cet Etat distinct est d’abord le fait de son fondateur, Yaghmoracen Ibn Zeiyan, émir de la tribu zénète des Beni Abdelwad. Fatima-Zohra Bouzina-Oufriha relève, à propos du «testament politique» que Yaghmoracen laissa à ses successeurs : «Il (le testament) indique clairement la vision qu’il avait quant aux contours du royaume qu’il voulait fonder : première préfiguration de ce qui deviendra la Régence d’Alger. Ce sont en fait les prémisses de l’Algérie, comme Etat distinct du Maghreb extrême et de l’Ifriqiya. Toute l’action de ses successeurs semble être inspirée de ces recommandations : il vise la totalité du Maghreb central, l’actuelle Algérie.» Tel est, alors, le plus important héritage légué par Yaghmoracen et qu’on peut lire en filigrane dans ce livre. Pour l'auteur, il s’agit bien ici d’écrire nous-mêmes notre histoire en commençant par nous la réapproprier. Ce qui commande, déjà, de «se méfier des lectures hâtives, superficielles et anachroniques, voire malintentionnées», faire attention surtout à une conception européocentriste de l’écriture de l’histoire du Maghreb. Elle souligne, encore plus explicite : «Certains auteurs français, nostalgiques de la colonisation, vont même jusqu’à dénier l’existence de ce royaume, que l’on ne veut qualifier de façon symétrique «d’algérien ». Ils se conforment par là à la fabulation coloniale, et à ses tenants qui ont toujours proclamé, faussement, que ce pays n’avait jamais existé en tant qu’Etat et nation». Une thèse qu’elle prend à contre-pied tout au long de cet ouvrage. C’est pourquoi Fatima-Zohra Bouzina- Oufriha ne se contente pas de nous raconter l’épopée des rois zeiyanides, mais elle construit sa fresque sur la base d’éléments historiques, politiques, sociaux, économiques et hagiographiques. Elle apporte notamment un vif éclairage sur ce qui distinguait et faisait rayonner Tlemcen malgré des conflits permanents : les arts, les sciences, les monuments, les savants et autres théologiens, les poètes, les saints, le commerce, etc. Le livre, bien documenté, met en relief des figures emblématiques sources de pareille splendeur, d’une civilisation à son apogée, alors que, à cette époque, «le génie des nations européennes se réveille à peine de son long sommeil». Bien sûr, avant de connaître son «siècle d’or», avec le règne d’Abou Hammou I et Abou Tachfine I (tous deux de la branche cadette de la dynastie des Zeiyanides), Tlemcen a vécu sous le règne des Idrissides, des Almoravides puis des Almohades. Juste après la chute de Cordoue (1236), est fondé le royaume zeiyanide sur les ruines de l’empire almohade qui s’est disloqué au XIIIe siècle. Les trois dynasties berbères rivales qui aspirent à la succession se sont alors taillé chacune un royaume tout en étant en conflit permanent. A l’est (Ifriqya), il y a les Hafsides avec Tunis comme capitale ; à l’ouest règnent les Mérinides (le Maghreb El Aqsa à Fès comme capitale) ; enfin, au Maghreb El Awsat, les Zeiyanides (ou Abdelwadides) ont Tlemcen comme capitale. Yaghmoracen (1208-1283), fondateur de la dynastie, a débuté son long règne en 1236. Grand homme politique et militaire, bâtisseur et ami des savants, il est une très grande figure du Maghreb central. Hélas ! nous rappelle Fatima-Zohra Bouzina-Oufriha, «Tlemcen (et l’Algérie), oublieuse de son plus beau passé, ne lui consacre aucun nom de rue, de place ou de monument». L'auteur donne ensuite une chronologie des grands rois qui ont succédé au fondateur, jusqu’au déclin de la dynastie. Une décadence amorcée au XVIe siècle sous la double poussée des Espagnols et des frères Barberousse. La leçon à retenir, c’est que «la perle du Maghreb» a connu un essor sans pareil sous les Zeiyanides. Notamment «grâce aux apports de vagues successives d’émigrés andalous et à la qualité de certains de ses rois», précise l'auteur. L’histoire de cette splendide capitale musulmane est si bien racontée (avec moult détails et informations rigoureusement sourcées, le tout enrichi de photos, cartes, listing de noms et de monuments, en plus d’une bibliographie «sélective») que la lecture de l’ouvrage est rendue agréable et très instructive. C’est là le plus bel hommage que Fatima-Zohra Bouzina-Oufriha puisse rendre à sa ville natale. A lire absolument.
Hocine T.
Fatma-Zohra Bouzina-Oufriha, Tlemcen, capitale musulmane. Le siècle d’or du Maghreb central, éditions Dalimen, avril 2011, 380 pages.

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