Actualités : IL ENVISAGE DE SE RETIRER DE L’ALLIANCE PRÉSIDENTIELLE
Le MSP ou la tentation de la confrérie


Le Mouvement de la société pour la paix (MSP) manifeste de plus en plus son désir de rectifier la trajectoire politique que lui avait dessinée son fondateur et premier président, feu Mahfoud Nahnah, dont «l’entrisme» et la participation au pouvoir contrastaient avec l’attitude de la confrérie des Frères musulmans de par le monde.
Sofiane Aït-Iflis - Alger (Le Soir) - Si sous la direction de Mahfoud Nahnah, l’arrimage du Hamas, devenu aujourd’hui MSP, au pouvoir était si bien ancré qu’il donnait du parti l’image d’une organisation foncièrement nationaliste, il n’en est plus de même à présent. Quand bien même il s’est maintenu dans la périphérie du pouvoir, après la disparition de Mahfoud Nahnah en juin 2003, le parti n’en affichait pas pour autant un excédent d’enthousiasme à y rester indéfiniment. Que de fois, en effet, le MSP s’est-il laissé aller à des diatribes, modulées, faut-il le noter, à l’encontre du gouvernement dont il est pourtant partie prenante ? Le malaise était là, ostentatoire. Mais fallait-il, dès lors, croire le MSP capable de quelques décisions majeures, comme mettre un terme à ses noces prolongées avec le pouvoir ? Peu, sinon aucun observateur n’a gagé sur une telle perspective, tant est que le parti avait coutume de se courroucer de la sorte sans toutefois se faire adepte d’une quelconque logique dissidente. Jusqu’à janvier dernier, lorsque, après les émeutes juvéniles qui avaient ébranlé le pays, Abderrazak Mokri, qui passe pour être le numéro 2 du parti, préconisa le retrait des ministres du MSP du gouvernement. Avant lui, aucun cadre du parti n’a osé une telle proposition. Mieux encore, les structures dirigeantes du MSP ne lui ont pas opposé un niet catégorique, comme ç’aurait été le cas en d’autres conjonctures. La proposition est soumise à débat. Tout comme celle ayant trait au retrait du parti de l’Alliance présidentielle. Pour rappel, c’est au conseil consultatif du parti auquel se trouve dévolue la compétence de statuer, le mois de juillet prochain, sur le divorce ou non d’avec l’Alliance présidentielle.
Retour aux basiques de la confrérie
Mais d’où vient que le parti islamiste se mette aujourd’hui à préférer la fréquentation des reliefs escarpés de l’opposition aux prés bien aménagés du pouvoir ? Pour comprendre, il faudra remonter au début des années 90 et les conditions dans lesquelles le Hamas s’était rangé du côté du pouvoir en place. Incontestablement, feu Mahfoud Nahnah était l’artisan d’un tel alignement. Par, à la fois, choix nationaliste, comprendre opposition au courant internationaliste qui mimait pieusement les directives et stratégies de la confrérie des Frères musulmans, et nécessité de s’abriter contre l’aimantation que l’ex-FIS pouvait exercer sur sa structure naissante. D’autant que Abassi Madani, qui présida l’ex-Fis, et Mohamed Saïd ainsi que d’autres islamistes radicaux étaient des compagnons de militantisme de Nahnah au sein de la Ligue de la prédication islamique que ce dernier avait créée avec Ahmed Sahnoun. Si feu Nahnah est parvenu à soustraire son parti à la tentation de l’islamisme radical en le rivant au pouvoir, il n’a, cependant, pas réussi à faire une totale ablation des adeptes des fondamentaux de la confrérie au sein du parti. Ces derniers, dominés par le courant incarné par le fondateur du parti, ont attendu patiemment que vienne leur heure. Et celle-ci semble avoir sonné, du moins Aboudjerra Soltani, qui reste avec Abdallah Djaballah, quoi qu’on dise, un disciple des Frères musulmans, croit l’avoir entendue. Convaincu lui-même qu’il faille procéder à des réaménagements stratégiques mais aussi assailli par la poussée des imbus de l’orthodoxie de la confrérie, Aboudjerra Soltani travaille à s’extraire du giron étouffant du pouvoir et réorienter l’acte militant vers les profondeurs de la société. Autrement dit, revenir à la pratique politique telle que conçue par les Frères musulmans d’Égypte et d’ailleurs, à savoir ne pas investir dans la fréquentation du pouvoir mais prendre le pouvoir en consolidant une assise dans la société. Soltani semble avoir jugé la conjoncture politique opportune pour opérer un retour aux origines. En effet, il semble avoir compris que le crépuscule de l’Alliance présidentielle, qui ne vit que dans le soutien au président de la République, approche. Aboudjerra Soltani n’ignore pas qu’il ne sera jamais un bon compagnon politique d’un Ahmed Ouyahia qui, d’ailleurs, ne fait pas mystère de son sentiment par rapport au MSP. Autant, dans ces conditions, pour Soltani de revenir aux basiques des Frères musulmans. C’est ce qui lui restera lorsqu’il aura tout perdu.
S. A. I.

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