Monde : Après plus d’un demi-siècle, la majorité du Sénat français passe à gauche

De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed
C’était attendu par la majorité des observateurs et commentateurs politiques mais loin de l’être par les ténors de la droite qui espéraient malgré tout sauver les meubles. Avec dorénavant 177 sièges – une majorité absolue — sur un total de 348 sièges, la victoire de la gauche aux élections sénatoriales est sans appel. Elle est jugée «historique» d’abord parce que la Chambre haute est majoritairement de droite dans toute l’histoire de la 5e République. Elle est aussi historique parce qu’incontestablement cette victoire va bouleverser le paysage politique et constitue un sérieux signal envoyé à la droite pour l’élection présidentielle de 2012 et peut même augurer de son échec annoncé et pour la gauche, elle donne de solides espoirs, en tout cas une dynamique qu’il va falloir capitaliser et entretenir.
Dès hier matin, au lendemain des élections de dimanche, le président Sarkozy, très certainement ébranlé par les résultats de ses troupes et qui a, pour l’heure, simplement «pris acte des résultats du scrutin sénatorial qui est la conséquence de la progression de la gauche aux élections locales» — a dû, en toute urgence, réunir en son bureau son Premier ministre François Fillon et Jean-François Copé, le patron de l’UMP, pour envisager et échanger sur la meilleure façon de gérer cette séquence très dangereuse qui le mènera jusqu’à la présidentielle de mai 2012 et, partant, peut même hypothéquer sa réélection à ce scrutin. Dans le camp présidentiel, tout est fait cependant pour minimiser l’échec patent et des éléments de langage (cette technique de communication devant assurer une cohérence aux discours de tous ceux qui s’exprimeront) ont été préparés. «Cette élection est un avertissement sérieux pour notre majorité» et poursuivant plus loin : «Tout reste ouvert pour 2012.» Ce sont là les propos de Bruno le Maire, ministre de l’Agriculture et concepteur du projet UMP pour la présidentielle de l’année prochaine. Son collègue de la défense, Gérard Longuet (victorieux à ces sénatoriales mais qui gardera son poste de ministre et ne rejoindra pas le Sénat) considère, pour ce qui le concerne, «que la France n’est pas changée par le Sénat». L’autre élément important de langage est bien sûr de tenter toujours de minimiser la victoire de la gauche, tout en faisant une suite attendue des victoires qu’elle a obtenues aux élections municipales de 2008, régionales de 2010 et cantonales de 2011. Ainsi, Jean François Copé, aux commandes du parti au pouvoir, UMP, estime «qu’il s’agit d’une défaite qui constitue une déception mais pas une surprise en raison des défaites locales successives depuis 2004… cela ne constitue en rien un désaveu de la politique gouvernementale». Et le patron de l’UMP d’ajouter que «c’est au 3e tour que se dessinera vraiment la majorité sénatoriale». En fait de 3e tour, Copé fait allusion au vote des sénateurs pour la présidence du Sénat et dont il espère que Gérard Larcher conservera le poste, faisant fi du fait que la majorité obtenue par la gauche dimanche dépasse même de deux sièges la majorité absolue. Tout est fait depuis hier par la droite pour, justement, tenter de faire réélire samedi prochain Gérard Larcher, qui a annoncé qu’il se présenterait à la présidence. Cela ne peut être obtenu que par des «arrangements, des magouilles» que la gauche devra empêcher et au sujet desquels elle appelle à la vigilance. Tout continue à être fait aussi pour que la défaite de la droite ne soit pas perçue comme celle de Sarkozy et l’expression d’un revers et d’un rejet sans appel du pouvoir en place. Comment sera capitalisée cette victoire par la gauche ? Tout le problème est là comme il est dans le maintien de la dynamique créée par tous les sénateurs de gauche acteurs de cette victoire : les sénateurs PS, écologistes, communistes, radicaux de gauche et divers gauche.
K. B.-A.

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