Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
Le baiser fatal d'Angelina


Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com

Ils ne savent plus quoi inventer, et les Am�ricains applaudissent au nom de la �libert� religieuse�, barbarisme homologu� par eux pour leurs besoins strat�giques. Les laboratoires � fatwas, assur�s d'�tre approvisionn�s en mati�res premi�res, fonctionnent � plein r�gime. Ici, c'est l'acteur �gyptien Adel Imam(1) qui est condamn� � la prison pour outrage public � la barbe fondamentaliste. Heureusement que l'acteur n'a pas affich� des ambitions pr�sidentielles, contrairement � Mohamed Barada�, candidat potentiel et cible essentielle.
Comme Barada�, qui poss�de aussi la nationalit� am�ricaine, n'arbore ni barbe ni kamis, on l'a d'abord attaqu� sur le terrain de la non-conformit� aux normes islamistes. Ses adversaires, d�clar�s ou non, lui ont reproch� la �tenue ind�cente� de sa fille photographi�e avec un maillot de bain une-pi�ce, fort heureusement. Puis, un coup au-dessous de la ceinture, invisible sous le kamis du vendredi, avec cette trouvaille g�niale : Barada� ne sait pas comment gaver les oies. Assur�ment, le prix Nobel de la paix accapar� par d'autres t�ches n'avait pas consid�r� la dimension strat�gique du gavage d'oie en �gypte. Or, c'est l� un sujet tr�s sensible pour des �gyptiens pressur�s, vampiris�s durant des d�cennies, et qui esp�rent se refaire une sant�, voire prendre de la bedaine, avec leur futur pr�sident. Malgr� ce coup en tra�tre et ses autres revers de fortune, Barada� n'a pas encore renonc� � �tre le premier pr�sident de l'�gypte, d'apr�s Moubarak. On sait que ses �compatriotes � am�ricains le soutiennent seulement du bout des l�vres puisqu'ils ont d'autres projets, avec les islamistes. Mais l'ancien directeur de l'Agence internationale de l'�nergie (AIE) jouit encore d'une faveur certaine aupr�s de la population, et notamment dans les milieux la�ques et lib�raux. Les d�tracteurs de Barada�, � l'aff�t du moindre faux pas, lui en ont trouv� un en la personne d'Angelina Jolie. Une photo pr�sente sur tous les sites internet de rencontres le montre en train d'embrasser l'actrice sur les deux joues, sur la sc�ne d'une salle de spectacles. Il s'agissait, en l'occurrence, d'une s�ance sp�ciale consacr�e au �Cin�ma pour la paix�, en marge du festival du cin�ma de Berlin. Angelina Jolie avait re�u un prix pour son film Au pays du sang et du miel(2), et c'est Mohamed Barada� qui avait �t� charg� de lui remettre la distinction. Et c'est l� que notre homme, par ailleurs musulman pratiquant, s'est trouv� devant un choix terrible : il pouvait se contenter de serrer la main de l'actrice et s'astreindre ensuite � refaire ses ablutions, selon les canons du moment. Or, ce n'�tait pas Safinaz Kadhem ou Amina Nassir(3) que Barada� avait en face de lui, mais Angelina Jolie, c'�tait une occasion unique. Il a alors donn� l'accolade � l'actrice et l'a embrass�e sur les deux joues, pr�f�rant cet instant de plaisir aux promesses de f�licit� �ternelle. Tous les jaloux � qui il pousse des envies sous la barbe, ceux qui regardent les films d'Angelina Jolie, en cachette de leurs parents ou de leurs enfants, se sont d�cha�n�s. Tant pis ! Barada� ne sera peut-�tre pas pr�sident de l'�gypte, mais il en aura de belles histoires � raconter � ses arri�repetits- enfants sur sa rencontre avec Angelina. Sur un autre registre, mais toujours sur la plan�te de l'interdit, l'�crivain Ala Aswany nous a appris mardi dernier l'interdiction d'antenne notifi�e par la cha�ne priv�e Al-Tahrir � son animatrice vedette Dyna Abderrahmane. Cette derni�re s'�tait notamment signal�e par sa tonalit� critique et sa d�nonciation de la violence polici�re lors des manifestations. Cette d�cision prise � l'encontre de Dyna Abderrahmane serait la cons�quence d'un accord entre les autorit�s et le propri�taire de la cha�ne Soule�man Amer. Aux termes de cet accord, ce dernier mettait fin aux attaques contre le Haut Conseil militaire, � partir de sa cha�ne. En �change, le pouvoir fermait les yeux sur le dossier des parcelles de terre acquises par l'homme d'affaires. De fait, des chroniqueurs c�l�bres qui attaquaient la politique du HCM, comme Hamdi Kandil, Ibrahim A�ssa et Dou'a Soltane, ont disparu du plateau d' Al-Tahrir. D'o� la question sans nuance que pose Ala Aswany : �� quand la chute du r�gime Moubarak ?� Plus pr�s de nous, c'est le ministre de la �Culture� tunisien qui chausse les bottes de Mac Carthy et interdit � plusieurs artistes arabes de participer au Festival de Carthage. Les proscrits sont tous r�unis sous le m�me label infamant utilis� pour d�signer les �uvres pornographiques. Il ne restera de ce tri rituel que les chanteuses qui n'auront plus grand-chose � montrer et les chanteurs qui se seront recycl�s dans les s�ances psalmodiques. Bient�t, comme le signale ce lecteur, le Festival de Carthage n'abritera plus que la finale du concours des �Chevaliers du Coran�. Ainsi se concr�tisera, au moins, la dimension spirituelle de cette union maghr�bine dont le pr�sident tunisien Moncef Marzouki voudrait acc�l�rer l'av�nement(4). Du coup, ses alli�s de la Nahdha appuient, eux aussi, sur le champignon, en entretenant la ferveur autour d'une UMI (Union du Maghreb islamique), aussi peu fiable que sa matrice, l'UMA (Union du Maghreb arabe).
A. H.

(1) Le pauvre Adel Imam, soup�onn� d�j� d'amiti� opportuniste et encombrante avec Djamel Moubarak, est aussi accus� de porter atteinte aux valeurs de l'islam, notamment par son r�le dans le film Le terroriste. C'�tait avant la r�volution du 25 janvier, le proc�s Moubarak dure toujours, mais il y en a qui font l'objet de proc�dures exp�ditives. Il y a des ranc�urs tenaces surtout lorsqu'elles servent de pr�texte � l'excommunication.
(2) C'est le premier film de l'actrice en tant que r�alisatrice, et il relate l'histoire d'amour tumultueuse entre un soldat serbe et une prisonni�re bosniaque durant la derni�re guerre des Balkans. Un sujet qui pourrait expliquer la fureur provoqu�e par le baiser � Angelina Jolie.
(3) Pr�dicatrices �gyptiennes tr�s m�diatis�es et d'un �ge plus que certain, que l'on voit beaucoup � la t�l�vision, mais pas avec les m�mes attributs qu'Angelina Jolie.
(4) Le geste est pass� quasiment inaper�u, mais il a contribu� � faire remonter la cote de Moncef Marzouki � mes yeux. Le simple fait d'aller se recueillir sur la tombe de Youssef Fathallah � Al-Alia compte beaucoup plus pour le Maghreb que tous les discours de circonstance. Il y a d�cid�ment trop d�inch'Allah dans ces promesses, pour qu'on puisse croire qu'elles seront tenues.

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