Contribution : R�FLEXION
Kan ya makan


Par Noureddine Boukrouh
noureddineboukrouh@yahoo.fr
Il �tait une fois, au XIVe si�cle, deux civilisations, l�une orientale et ployant sous le poids des si�cles, l�autre occidentale et fr�tillante de jeunesse. Un jour, les deux civilisations se croisent sur la route du Temps sous le regard d�un t�moin, l�Histoire. Celle-ci les regarde tour � tour, fixe avec mansu�tude la premi�re qui lui a longtemps tenu compagnie, puis l�che sur un ton de regret �Adieu !� ; elle se tourne ensuite vers la toute jeune qu�elle ne connaissait pas, la jauge et, avec un sourire engageant, lui lance : �Bienvenue !�
Habitu�e � ce que le soleil se l�ve � l�Orient et se couche � l�Occident, l�Histoire ressentit un trouble : n�y avait-il pas l� quelque d�r�glement dans les lois du cosmos ? Elle se ressaisit en se rappelant que son r�le �tait seulement de t�moigner de l��uvre des Hommes : l�important n��tait-il pas que le monde continu�t � �tre �clair� ? La vieille civilisation, frip�e et malade, quitta la modernit� o� elle n�avait plus rien � faire et prit tristement le chemin du Moyen �ge en sens inverse, pendant que la jeune civilisation, fringante et guillerette, se d�poussi�ra du Moyen �ge et mit le pied dans l��re moderne o� elle allait r�aliser de grandes choses. �Tels sont les jours, Nous les alternons entre les hommes�, dit le Coran. La premi�re chose qui se pr�sente � l�esprit lorsqu�on regarde l��tat du monde musulman, � de rares exceptions pr�s, est que l�islam a �chou� dans son ambition d��lever l�homme musulman au niveau du progr�s moral et mat�riel atteint dans d�autres civilisations. S�il n�y avait cette extraordinaire contribution au d�veloppement des sciences, des arts, des inventions techniques et de la philosophie pour prouver qu�il n�en a pas toujours �t� ainsi, s�il n�y avait l�essor donn� � la civilisation humaine par l�islam entre le moment de son apparition et la Moqaddima d�Ibn Khaldoun (XIVe si�cle), on en viendrait � d�sesp�rer de lui. En fait, ce n�est pas lui qui est en cause mais ses supports sociologiques. En effet, l�islam n�a pas apport� avec lui son humanit�, il l�a trouv�e sur place. Il n�a pas �t� r�v�l� � des hommes neufs, sortis tout frais des mains de la Cr�ation, mais est intervenu en cours de route et a �t� propos� � des peuples pris dans des habitudes de vie et de pens�e, de vieux conflits d�int�r�ts et des haines tribales ancestrales. Il n�a pas cr�� ex-nihilo l�Homme musulman, il a attrap� l�ancien Arabe, Persan, Berb�re, Mongol, Turc ou Pachtoune, l�a badigeonn� de vert et jet� dans l�Histoire. Il les a �islamis�s�, mais en apparence seulement car ils avaient gard� au fond d�eux-m�mes leurs syst�mes psychiques, leurs structures mentales, leurs g�nes, et allaient s�affranchir � la premi�re occasion venue de son esprit novateur pour revenir � leurs mani�res de vivre et de penser. L�islam s�est plaqu� sur leurs mentalit�s mais ne les a pas transform�s en profondeur puisqu�on les a vus le plier ult�rieurement � leurs inclinations naturelles pour en faire du chiisme en Iran, du wahhabisme dans les pays du Golfe, du maraboutisme au Maghreb et en Afrique, du talibanisme en Afghanistan, du terrorisme ici ou l�, et enfin de l�islamisme politique victorieux aux �lections d�mocratiques � partir de la fin du XXe si�cle. L�islam est une conception de l�univers et un syst�me de valeurs propos� � l�homme il y a pr�s de quinze si�cles. Les premi�res g�n�rations en ont fait une civilisation, les suivantes une d�cadence. Il est possible d�expliquer, sans d�former le moindre fait, pourquoi l�islam a sombr� dans le despotisme et l�obscurantisme, et pourquoi on n�est pas arriv� � rallumer ses moteurs depuis plus d�un si�cle malgr� toutes les tentatives. Il faut tout d�abord savoir que l�histoire de l�islam a �t� embellie � souhait et m�me tronqu�e, soi-disant pour le prot�ger des erreurs des hommes et le pr�senter sous son meilleur jour. Des milliers de tonnes de livres ont �t� compos�s dans cet esprit au fil des si�cles, et c�est de ces ouvrages apolog�tiques mais souvent �loign�s de la v�rit� qu�a �t� tir� l�enseignement dispens� dans les �coles et les universit�s, surtout islamiques. Jusqu�� sa mort, le Proph�te avait refus�, malgr� les pressions de son entourage, de d�signer un successeur temporel. Il pensait que c��tait l�affaire des croyants ainsi que l�avait recommand� le Coran (� Amrouhoum choura baynahoum�). Sur les quatre califes qui allaient lui succ�der, le premier, Abou Bakr (qui restera moins de trois ans au pouvoir), a �t� �lu par ceux qui �taient pr�sents sur les lieux ce jour-l� ; le second, Omar (qui restera dix ans), a �t� d�sign� par Abou Bakr sur son lit de mort ; le troisi�me, Othman (douze ans), a �t� d�sign� par une commission, et le quatri�me, Ali (quatre ans), a d�f�r� � la demande populaire. Sur ces quatre �califes rachidine� (bien guid�s), trois sont morts assassin�s. La crise politique, la �m�re des crises�, qui allait frapper l�islam et dont tous les drames futurs d�riveront a �clat� sous le califat d�Ali. Les protagonistes en �taient les Banu Omeyya, famille d�Abou Soufiane qui a combattu le Proph�te jusqu�au jour de la prise de la Mecque, et de Moawiya son fils, et les Banu Hachem, famille dont descendent le Proph�te et son cousin Ali. Sous son califat, Othman (un Banu Omeyya) s��tait laiss� aller au n�potisme et avait plac� les gens de son clan dans les rouages de l�Etat et � la t�te des provinces. C�est pour cette raison qu�il a �t� renvers� et assassin� par une s�dition dont on soup�onna Ali d��tre l�inspirateur. Quand ce dernier acc�da au califat, les Banu Omeyya refus�rent de le reconna�tre et se ligu�rent contre lui jusqu�� son assassinat (par un khar�djite). Finalement vainqueur par la ruse et la corruption, Moawiya a enterr� le principe de l��lection du calife et mis � sa place la transmission h�r�ditaire du pouvoir. C��tait la premi�re grave entorse � l�esprit de l�islam : la souverainet� populaire, fondement de la d�mocratie et de l�Etat de droit, venait d��tre proscrite de l�histoire de l�islam. Cette crise politique qui a divis� les rangs des musulmans en trois allait devenir th�ologique, juridique et intellectuelle et donner naissance � trois doctrines religieuses : khar�djisme, chiisme et sunnisme. Le courant khar�djite a �t� le premier � appara�tre (657) et regroupait ceux qui, d�abord du c�t� d�Ali, l�ont quitt� parce qu�il avait accept� que le conflit l�opposant � Moawiya soit soumis � l�arbitrage. Leur conception politique est que tout musulman, quelle que soit son ethnie ou sa couleur, est �ligible � la fonction de calife. La doctrine chiite appara�tra en 660, et regroupe les partisans de la l�gitimit� d�Ali. Leur conception politique est que le califat doit revenir � la famille du Proph�te (� Ahl al-bayt�). La troisi�me doctrine, le sunnisme, a accept�, contrairement aux deux autres, le coup d�Etat de Moawiya et devait par cons�quent le l�gitimer. S�appuyant sur un hadith relatif � la tribu des Qore�ch � laquelle appartenait la dynastie omeyyade fond�e par Moawiya, il d�cr�ta que le califat devait rester dans cette tribu. Le sunnisme inaugurait ainsi l��re de la pens�e unique au service du despotisme. Il soutiendra dans les si�cles qui suivront aussi bien les monarchies que les r�gimes r�publicains. Si, par hypoth�se, le milliard de musulmans des diverses r�gions, races et couleurs du monde devaient se reconstituer en Etat islamique, centralis� ou f�d�ral, � quelle doctrine religieuse et politique devraient-ils se rallier pour d�signer le calife ? En principe, � la plus proche du Coran et de la Sunna, � la plus d�mocratique et la plus rationnelle, autrement dit celle du khar�djisme. Or, elle est minoritaire pour ne pas dire qu�elle a enti�rement disparu. Le sunnisme s�est depuis trop longtemps impos� et bunkeris�. J�ai fait dans une pr�c�dente contribution un rapprochement entre la d�claration d�investiture d�Abou Bakr et la D�claration d�Ind�pendance am�ricaine pour d�montrer que les deux textes fondateurs portent le m�me esprit d�mocratique et pr�conisent la m�me attitude devant le despotisme. Il y a aussi ce hadith, �Tels vous �tes, tels vous serez gouvern�s�, d�o� l�id�e que les gouvernants soient d�sign�s hors de la souverainet� populaire est exclue puisqu�impliquant la possibilit� de choix. En langage courant, cela veut dire que si on porte la culture d�mocratique on a des institutions d�mocratiques, si on porte la culture du despotisme on est avili par un pouvoir despotique, et si on porte la culture th�ocratique, il ne faut pas s��tonner d��tre gouvern� par l�islamisme. Dans une autre contribution, j�ai sollicit� un alem �gyptien, Tahtaoui, pour traduire en langage moderne le hadith selon lequel l�Etat croyant n�a aucune chance de durer s�il n�est pas fond� sur la justice et la libert�, alors que l�Etat incroyant peut durer aussi longtemps qu�il reposera sur la libert� et la justice. L�histoire a confirm� sa v�racit� : les Etats religieux mais despotiques ont disparu (sauf dans le monde arabe) alors que les Etats la�ques fond�s sur les libert�s et la justice sont � la t�te du monde, adaptant r�guli�rement leurs formes aux nouvelles exigences pour durer plus longtemps. Ce hadith a �t� reformul� avec d�autres termes par un sunnite du XIIIe si�cle, Rida-Eddine Ibn Ta�us (�Le souverain infid�le mais juste est pr�f�rable au souverain musulman mais injuste�) et au XVe par un chiite, le grand mystique Jami� (�La justice sans religion vaut mieux pour l�ordre de l�univers que la tyrannie d�un prince d�vot�). Mais ce ne sont pas ces objections qui perceront la chape de b�ton qui prot�ge le sunnisme et sa repr�sentation de l�islam. Les luttes pour le pouvoir qui avaient pour th��tre la P�ninsule arabique n�ont heureusement pas frein� la dynamique d�expansion de l�islam. Il s�est tr�s vite r�pandu dans l�espace, mais il s�est vite aussi impos� dans le domaine de la pens�e. Une micro-soci�t�, l�Arabie pr�-coranique o� n�existait pas un seul livre et o� seuls quelques po�mes constituaient la mati�re intellectuelle nourrissant l�esprit et exaltant les vertus tribales, allait en quelques d�cennies ma�triser la pens�e de l�Antiquit� et la reprendre l� o� elle l�avait laiss�e, �largir la vision humaine de l�univers, et r�aliser des d�couvertes dans tous les domaines des arts, des m�tiers et des sciences. Le premier courant de pens�e � se former est, comme pour la doctrine politique, un courant rationnel et d�mocratique, celui des Moatazila, qui appara�t � la chute des Omeyyades et conduira le monde musulman, entre le VIIIe et le XIIe si�cle, � son apog�e culturelle et scientifique. De 750 � 1200, une suite ininterrompue de savants, d�esprits brillants et de d�couvertes va donner son sens au verset selon lequel �L�encre des savants est plus pr�cieuse que le sang des martyrs�. L�esprit musulman �volue dans une ambiance intellectuelle o� l�homme est libre d�investiguer, de sp�culer et de critiquer ; les intellectuels cherchent avidement � conna�tre les secrets de la nature et de la vie pour en tirer inventions et techniques ; la tol�rance entre musulmans, chr�tiens et juifs est � son fa�te puisque des savants des trois religions travaillent ensemble � �La maison de la sagesse� cr��e � Baghdad en 832. L��poque des Moatazila est la p�riode pendant laquelle l�islam a donn� la pleine mesure de sa nature lib�rale, rationnelle et d�mocratique. Il n�y en aura pas d�autre. Le mot �moatazila� signifie �ceux qui se sont isol�s � de la lutte pour le pouvoir et des interpr�tations religieuses mises en avant pour �tayer un point de vue ou un autre pendant la crise politique. Ils sont �Ahl al-�dl wa attawhid � (les partisans de la justice et de l�unicit�). C�est un rameau qui s�est d�tach� du sunnisme qui a pli� devant le fait accompli omeyyade. C�est alors qu�il va bourgeonner et donner une riche floraison. Parmi ses id�es philosophiques, on peut citer celles-ci : Dieu ne peut �tre con�u par l�esprit humain, Il est au-del� de toute repr�sentation, et ses descriptions dans les Textes sacr�s comme ��tre assis sur un tr�ne� ne sont que des all�gories ; l��tre humain est libre et non le jouet de la fatalit� ; si Dieu est l�auteur des actes de l�Homme, alors Il serait responsable du mal qu�il commet, et l�id�e de ch�timent n�aurait plus de sens ; l�Homme est en droit de se r�volter contre l�autorit� si elle est injuste, en vertu du principe de �Commander le Bien et r�prouver le Mal�� C�est assez pour comprendre pourquoi les d�tenteurs du pouvoir et les docteurs de la foi sunnite ne pouvaient s�accommoder de ces th�ses qu�ils jugeaient subversives : elles encourageaient l�esprit critique, cr�atif et d�mocratique, et ce n��tait ni dans l�int�r�t des gouvernants ni de celui de la classe des ul�mas, nouvellement apparue dans le spectre social pour l�gitimer leurs actes par des fetwas et des pan�gyriques, de laisser de telles id�es se propager dans la masse. C�est cette p�riode qu�on vise par l�expression �Age d�or des musulmans� car c�est la seule o� on a vu appara�tre un grand nombre d�esprits scientifiques et humanistes parmi lesquels on peut �num�rer : Khawarizmi (783-850), p�re de l�alg�bre et des algorithmes sans lesquels il n�y aurait pas de monde moderne, d�informatique et d�Internet ; les Banou Moussa (trois fr�res dont le plus �g� est mort en 872) qui ont cr�� les premiers automates et invent� la valve conique dont le principe est aujourd�hui appliqu� aux avions � r�action et aux machines � laver ; Ibn Firnas (810-887), m�decin et premier constructeur d�une machine volante dont les continuateurs auraient pu inaugurer l��re de l�a�ronautique ; Al-Razi (865-932), chimiste et m�decin ayant d�couvert l�acide sulfurique, l�observation clinique et la psychosomatique, et fond� le premier h�pital annonciateur de l�id�e de sant� publique ; Abou Al-Qacim (940-1013), cr�ateur de la chirurgie ; Ibn Al-Haytham (965-1039), fondateur de la physique exp�rimentale et de l�optique moderne ; Biruni (973-1037), qui a calcul� pour la premi�re fois le diam�tre de la Terre et soutenu qu�elle tournait autour d�elle-m�me, avant Galil�e, et dont les recherches auraient pu, si elles avaient �t� relay�es, mener � l�astrophysique ; Al-Djazari (1136-1206) qui a invent� la manivelle, l�arbre � cames, le vilebrequin, la roue hydraulique, la chasse d�eau, les portes automatiques, etc., et qui en explique la construction et le fonctionnement dans Le livre de la connaissance des dispositifs m�caniques ing�nieux; Hassan Al-Rammah (mort en 1295), p�re de la balistique, premier concepteur et exp�rimentateur de la torpille et auteur d�un trait� sur les machines de guerre dans lequel est esquiss�e la premi�re fus�e qu�il a d�crite comme �l��uf qui bouge lui-m�me et br�le�� Sans parler des esprits et g�nies appartenant tous � la m�me p�riode et int�gr�s au patrimoine intellectuel de l�humanit� : Al-Kindi, Farabi, Ibn Sina, Ibn Rochd, Ibn Tofa�l, et des dizaines d�autres. Puis, brusquement, plus de savants, plus d�esprits curieux, plus d�inventeurs, plus de philosophes, comme si un immense interdit �tait tomb� du ciel, st�rilisant � jamais les musulmans. C�est le cas de le dire. Un courant de pens�e, fond� par un ancien moatazilite, Abou Moussa Al-Ach�ri (873-935), appara�t � la fin du Xe si�cle et s�attaque aux th�ses des Moatazila sur tous les fronts. Il sera renforc� par Al-Ghazali (mort en 1111) qui d�composera le savoir en sciences religieuses et non religieuses, jetant l�opprobre sur les �falasifa� en les faisant passer pour des h�r�tiques. Ce courant d�id�es, oppos� � l�ijtihad, la rationalit� et la libert�, montera en puissance jusqu�� l��radication de cette pens�e des lumi�res. Ach�arisme et ghazalisme influenceront les quatre �coles th�ologiques sunnites et ce sont leurs th�ses qui seront estampill�es comme orthodoxes et enseign�es. Apr�s la grave entorse faite � l�islam dans le domaine politique, venait l�entorse fatale � son intellect et � sa cr�ativit�. La ligne de d�marcation a �t� trac�e le jour o� on a ferm� les portes de l�ijtihad, ralentissant puis stoppant la pens�e, la dynamique sociale et la cr�ativit� scientifique et technique qui avaient caract�ris� les premiers si�cles. Le bir�acteur venait de perdre son deuxi�me moteur. Il ne va pas tarder � atterrir pour ne plus jamais voler. La conception traditionnaliste qui allait pr�dominer dans la suite des si�cles pr�ne la soumission au �salaf� (les pr�d�cesseurs) et � leur ex�g�se. Non pas le �salaf� rationnel, scientifique et �clair�, mais celui qui a donn� le coup d�arr�t � la r�flexion, � l��volution et au progr�s. Il ne faut plus chercher � interpr�ter le Coran, mais l�appliquer � la lettre en se conformant � l�interpr�tation donn�e par les ul�mas m�me si leurs id�es sont d�pass�es, et qu�il ne s�agit pas de toucher au dogme mais d�am�liorer l�organisation de la soci�t�. Cette libert� a �t� accord�e aux musulmans par le Proph�te qui a dit : �Pour les questions religieuses, suivez-moi car elles proc�dent de la R�v�lation. Pour les probl�mes de la vie courante, consultez-moi car je ne suis qu�un homme et vous �tes mieux qualifi�s que moi pour la solution de vos probl�mes.� L�esprit traditionnaliste la leur a retir�e, ouvrant la voie � une foisonnante moisson de soufis, de mystiques, d�ayatollahs iraniens, d�ul�mas moyenorientaux, de mollahs afghans et de cheikhs de la rue alg�rienne. Cet esprit est fataliste, litt�raliste et conformiste en mati�re politique : il faut ob�ir au d�tenteur de l�autorit� sans se m�ler de savoir comment il est arriv� au pouvoir puisque c�est Dieu qui le jugera. On n�a plus eu depuis d�inventeurs et de philosophes, mais des milliers de �da�iya� qui ne pensent pas et n��crivent pas, se contentant de pr�cher dans la rue, les mosqu�es ou sur les plateaux de t�l�vision ; on n�a plus eu de Saladin, mais des Ben Laden. L�islamisme contemporain est l�h�ritier du courant qui a l�gitim� le coup d�Etat de Moawiya et r�prim� la pens�e lib�rale et scientifique des Moatazila. Avant d��tre une r�gression par rapport au monde moderne, il est une r�gression par rapport � l�islam lui-m�me. Il v�hicule les valeurs de la d�cadence et non celles de l�islam originel �clair�. On le confond avec l�islam parce qu�il affiche ses rites, mais au-dedans, il est vide et ne renferme aucun ferment de vie ou de progr�s. Il est au pouvoir depuis des d�cennies dans les pays du Golfe, en Iran et au Soudan, mais il n�est apparu dans ces pays ni savants, ni humanistes, ni inventeurs. Pourquoi les universit�s islamiques d�Al-Azhar ou de Qaraouiyine, vieilles de mille ans, ne sont-elles pas devenues des �Maison de la sagesse� ? Parce que le c�ur n�y �tait pas, parce que l�esprit et l��me n�y sont pas. On y apprend par c�ur des ouvrages au contenu obsol�te, y enseigne le hallal et le haram, y diss�que les proc�d�s ing�nieux du diable pour tenter les croyants, sans se pr�occuper de leur vie sociale, �conomique et politique, ni de leur avenir parmi les nations. Leur horloge indique l�an 1463 (de l��re chr�tienne). A la �Maison de la sagesse� de Baghdad, au milieu de l�An 800, les Arabo- Musulmans rassemblaient et traduisaient en arabe tout ce que le g�nie humain avait produit comme ouvrages de science, de philosophie et de religion en Gr�ce, en Inde, en Perse et dans la chr�tient�. Aujourd�hui, la petite Gr�ce de 11 millions d�habitants traduit dans sa langue chaque ann�e plus que ne traduit l�ensemble du monde arabe avec ses 300 millions d�habitants vers la sienne, tandis que l�Espagne traduit en 1 an ce que les Arabes ont traduit en 1000. L�Occident a invent� au cours du dernier demi-si�cle plus que ce qu�ont invent� toutes les civilisations au cours des cinq derniers mill�naires, y compris la sienne. A moins d�une catastrophe g�n�rale qui abolirait l�humanit� il va, dans les deux prochains si�cles, cr�er la vie, vaincre la maladie, voyager dans l�espace � une vitesse proche de celle de la lumi�re et mettre le pied sur de nouvelles plan�tes. De ce rappel extr�mement condens� de l�histoire politique et intellectuelle de l�islam, il faut retenir cette constatation capitale : plus on remonte dans le temps et se rapproche des sources, plus on d�couvre l�essence d�mocratique et rationnelle de l�Islam. Plus on s��loigne des sources coraniques et de l�exemple du Proph�te, plus on se rapproche de la d�cadence. C�est au retour � cette d�cadence qu�appellent, que veulent obliger, la pens�e traditionnaliste qui s�est impos�e par le despotisme et le dogmatisme et l�islamisme, son h�ritier, qui a aujourd�hui les faveurs de l��lectorat th�ocratique. Ils ne portent pas � la main la lampe d�Aladin, mais une torche comme aux temps o� l�humanit� vivait dans les grottes. Si l�obscurantisme n�avait pas vaincu l��lan des lumi�res coraniques, les sciences, la technologie, l�humanisme, les droits de l�homme et la pens�e politique auraient gagn� un mill�naire, et la civilisation islamique serait aujourd�hui universelle. Mais il s�est pass� ce qui s�est pass� FI KADIM EZZAMAN.
N. B.

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