Culture : L�ERMITE DU DJURDJURA D�AMAR METREF
Un porte-voix des humbles


L'Ermite du Djurdjura d'Amar Metref, sous-titr� Roman d'une vie et d'une �poque, poss�de tout � la fois les qualit�s dramatiques propres � la forme romanesque et celles de l'authenticit� du t�moignage. M�nageant une large place aux notations historiques et ethnologiques, il donne une mine d'informations sur le v�cu d'une r�gion, de ses habitants, et � travers elle, de toute l'Alg�rie.
Roman d'une vie, celle de Ramdane n� � la fin du XIXe si�cle � Agouni-Ahmed, village des A�t Yenni, qui deviendra l'un des principaux r�dacteurs de La Voix des humbles, tribune des instituteurs dits indig�nes, sous le pseudonyme de l'Ermite du Djurdjura. Roman d'une �poque, celle de l'Alg�rie coloniale de la fin du XIXe si�cle jusqu'� l'ind�pendance, soumise � l'asservissement et au m�pris du colonat. Comme beaucoup de petits Kabyles de cette �poque, Ramdane na�t au sein d'une famille pauvre mais aimante et bienveillante � l'�gard de ses enfants. Il a 10 ans, lorsque son p�re meurt. Yamina, sa m�re, une femme de t�te et de c�ur, assume avec d�termination les contraintes du quotidien. Bien que non instruite, elle saisit intuitivement l'importance de l'�cole. Un couple d'instituteurs fran�ais �anim�s de la foi la�que que l'Ecole normale leur avait inculqu�e � remarquera l'�tonnante intelligence de Ramdane et le guidera vers sa vocation d'enseignant. Premier voyage � Alger o�, tout impr�gn� de l'�uvre d�Hom�re, Ramdane d�couvre �la grande bleue�. Le bl�dard se m�tamorphose en citadin pour entrer � Sarrouy, l'�cole primaire sup�rieure, avant d'int�grer quelques ann�es plus tard l'Ecole normale de Bouzar�ah, �contact d'une autre civilisation, d'un autre mode de penser qu'ils devaient s'approprier sans �tre d�personnalis�s, sans �tre ali�n�s�. Si la discipline y est monastique, qu'on ne s'y trompe pas, il s'agit, en implantant cette institution en Alg�rie, de casser l'influence des missionnaires du Cardinal Lavigerie. Ramdane a dix-neuf ans lorsqu'il re�oit sa premi�re affectation � Marsotte, � la fronti�re alg�ro-tunisienne. La famille s'agrandit et les affectations se succ�dent : Rabta, Tighilt Oukerrouch, Tirmitine... Partout, une population pauvre mais g�n�reuse, �fig�e dans ses valeurs surann�es et sublimes � la foi�, l'accueille avec le respect que l'on voue aux lettr�s. Il y croise des figures hautes en couleur comme ce cantonnier lecteur de Diderot et de D�Alembert, ou le directeur d'�cole, M. Servet, avec qui il prend go�t au d�bat contradictoire. C'est le temps du code de l'indig�nat qui encha�ne l'autochtone � une condition de sous humanit�. Les �petits Blancs�, voraces et sans scrupules, s'approprient les terres r�duisant leurs propri�taires l�gitimes � la servitude, avec la complicit� des �sous-fifres indig�nes�, ca�ds et bachagas. Spoliations, bastonnades, humiliations... Ramdane s'engage dans l'action politique et syndicale et partage son temps entre ses �l�ves � qui il dispense l'instruction n�cessaire � l'�mancipation des esprits, et la lutte contre l'injustice sociale et l'obscurantisme par La Voix des humbles, d�fi �aux chantres de la sup�riorit� raciale�. Dans son combat contre l�ignorance, les faux d�vots et les mystificateurs, il fera siennes ces paroles de Ben Badis : �Peu importe la langue dans laquelle vous enseignez... La v�rit� peut s�enseigner dans toutes les langues.� Pendant la Seconde Guerre mondiale, le colonialisme redouble de f�rocit� et c'est la traque aux progressistes. R�voqu� de l'�ducation nationale, Ramdane redevient fellah dans son village natal, sit�t confront� aux confiscations abusives, � la mis�re et � la maladie. Apr�s guerre, la colonisation redevient arrogante, et les massacres de S�tif ont exacerb� les sentiments nationalistes et patriotiques. Les instituteurs �indig�nes�, � force de pugnacit�, ont arrach� quelques droits : parit� des salaires, nominations des directeurs au m�rite. Ramdane retrouve son poste � Taourirt dans la plus vieille �cole du pays. Mais le dernier combat est � venir. La r�volution est en marche, et Ramdane reprend ses r�unions clandestines. Surveill�, harcel�, perquisitionn� par la gendarmerie, il sera, lors d'une rafle de repr�sailles, arr�t� avec ses fils. Il n'aura la vie sauve qu'en s'enfuyant � Alger. A l'ind�pendance, l'ancien instituteur reprend du service dans une �cole de la cit� Amirouche. Puis, la vieillesse venue, il redevient berger s'adonnant aux promenades discursives entre amis et autres plaisirs d'une vie apais�e. Ainsi s'ach�ve le roman de la vie d'un homme exemplaire, celui d'une �poque, celui d'un pays. L'Ermite du Djurdjuraest un document rare qui puise � la source de l'amour du pays et de la complexit� de son histoire.
Marie-Jo�lle Rupp
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L'Ermite du Djurdjura, Roman d'une vie et d'une �poque, Amar Metref, ed. El-Amel, 2011





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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2013/02/14/article.php?sid=145180&cid=16