Culture : EVASIONS POÉTIQUES DE LEÏLA LEGMAR
Comme les vibrations d’une toile
Quand, dans sa force
sereine, la poésie exprime le mystère de la vie et réfléchit toutes les
beautés du monde, elle devient rêve de lumière et de liberté.
Leïla Legmar peint avec les mots le rêve dont l’artiste se nourrit.
Dans son deuxième recueil intitulé Evasions poétiques, le lecteur est
invité à un merveilleux voyage à travers la fresque polyphonique qu’elle
a amoureusement composée. Leïla Legmar laisse s’y éclater cet art du
langage, tout en conjuguant rigueur et passion. «Le mot cible
l’harmonie/L’ami proche, l’intime, /Terme adéquat, précis, / Celui qui
chante la rime», écrit-elle dans le poème Aquarelle poétique. Comme si
la parole la plus profonde de l’âme — la musique — rythmait le mouvement
du pinceau. Et, partout, elle égrène ses notes, même face au miroir :
«Que ne suis-je / Douce comme cette plume, / Traçant des mots d’amour /
Qui dissipent la brume, / Soleil d’un nouveau jour !» (Pour toi, poète).
Des morceaux qui évoquent de petites pièces instrumentales. Il y a en
tout 50 poèmes à forme fixe, que Leïla Legmar a organisés comme le
ferait un compositeur de sonates ou de concertos.
Sur la feuille, les mots courent dans leur ingénuité, simples et alertes
: «L’amour est le plus beau cadeau / Que la nature pourrait offrir ; /
Je ne saurais trouver les mots / Pour dépeindre ce grand plaisir»
(Plaisir d’aimer). Ah ! cette beauté et cette musicalité des mots. Par
exemple quand le poète, un peu las, s’évade dans le silence, source de
volupté et régénérant l’âme, à la fois refuge et muse de l’inspiration
poétique. «J’aime ce silence / Ses bras me mènent à la jouissance ; / Un
tout petit sourire de connivence / M’apparaît comme une délivrance»,
aime s’épancher l’imagination du poète. L’absence cruelle, la triste
solitude, la souffrance sont momentanément oubliées. Le silence devient
le doux compagnon, l’ami fidèle ou l’amant fantasmé : «Il m’inonde de
tendresse, / J’appréhende son absence, / Je me fie à ses promesses, / Je
l’aime tant, mon silence !» Lorsque le silence se prolonge dans la nuit,
il se fait oppressant. Apparaît alors le visage de l’Autre, l’absent :
«Le silence douloureux / M’enserre dans ses bras, / Les larmes dans mes
yeux, / Crient mon besoin de toi !» Enfin le jour se lève, l’exilée
retrouve sa Muse. Elle veut chasser les nuages et encore croire à demain
: «Sur l’écran de toute ma vie, / tu dessines de belles images, / Tu
redonnes à mon esprit, / La souplesse d’un autre âge !» (Merci ma muse).
Le jour nouveau fait éclore une rose au bout des dents du poète. Leïla
Legmar abandonne ses accents élégiaques, elle se met à chanter la
nature, l’amour, la joie, l’enthousiasme, la générosité, les enfants, la
mer, le soleil, l’espoir, la maman, la sensualité, Alger, l’amant...
Tant et tant de poèmes qui sont un hymne à la vie et à la poésie
enchanteresse. Thématique plurielle d’une femme très sentimentale, d’une
extrême sensibilité et animée par le souffle de l’amour humain pour ses
semblables. Plume éclectique et altruiste, autobiographie en fragments,
fragrances sur un chemin de vie... Hymne aussi à la liberté, à toutes
les libertés, à commencer par le droit pour la femme de naître et de
vivre libre. Comme ce vibrant hommage à Katia Bengana, la «Femme-enfant
assassinée» par les terroristes à Meftah : «Katia ne voulait pas
obtempérer, / Ni à l’obscurantisme se soumettre ; / Elle revendiquait,
en toute liberté, / Le droit d’être et non de paraître.» Ainsi
bourgeonnent au printemps les poèmes de Leïla Legmar. Evasions poétiques
mûrissent ensuite doucement, à la belle saison, pour qu’elles éclatent
enfin de mille couleurs et d’une infinie variété de sons et de
rythmes. C’est le temps des retrouvailles et du plaisir
d’aimer. L’amour, «le plus beau cadeau». N’est-ce pas que la poésie de
Leïla Legmar apporte un souffle nouveau, un souffle cathartique ? Tout
est dit avec grâce par tous ces mots, ces voix qui se relaient et qui
définissent le mieux le poète. Par le pouvoir des mots, grâce à l’art du
langage poétique, les images vibrent comme la toile du peintre. Le
strict respect des règles de la rime, de la prosodie et du nombre de
vers donne à savourer des textes finement ciselés, d’une composition
très harmonieuse. Pour le lecteur raffiné ayant un goût d’esthète, le
recueil offre des chances de s’évader, de s’absorber dans ses propres
désirs et ses rêves.
Du point de vue de la conception éditoriale de l’ouvrage, le travail
réalisé par l’Enag est excellent. De quoi satisfaire les lecteurs les
plus exigeants. Leïla Legmar est née en 1946 en Algérie.
Aujourd’hui installée à Lyon, elle a fait carrière dans la
diplomatie. Son premier recueil de poésie, Plume passionnée, a été édité
chez Edilivre (France, septembre 2012).
Hocine Tamou
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Leïla Legmar, Evasions poétiques,
Enag Editions, Alger 2014, 114 pages.
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