Actualités : Pensée
17 octobre 1994 - 17 octobre 2014
A Mohamed-Rédha Aslaoui
Le 17 octobre 1994 à 15h30, le terrorisme islamiste
assassina, à l’arme blanche, à l’intérieur de son cabinet dentaire (sis
2 rue Bab-Azzoun Alger), le docteur Mohamed-Rédha Aslaoui à l’âge de 53
ans.
Cher époux et cher ami,
Vingt ans mon ami. Vingt ans et c’est hier. Vingt ans que notre fils et
moi supportons ton absence. Ce manque que tu as laissé dans nos vies et
qui ne sera jamais comblé.
Vingt ans que je me dis chaque jour qu’il n’y aura plus des «encore»
avec toi et qu’il n’y a que des «jamais plus». Plus rien comme avant.
Rien de rien. Pourtant, je me suis jurée, jour après jour, de ne pas
faire plaisir à tes assassins dont la jubilation n’est pas seulement de
tuer les victimes mais d’anéantir les vivants. Alors, jour après jour,
j’ai serré les dents, je me suis relevée en me rappelant ce que ma mère
(Allah yarhamha) m’avait appris : «N’est pas tombé celui qui fait une
chute et sait se relever.»
- Je me suis relevée en disant à haute et intelligible voix à tes
assassins qu’ils ne m’ôteront jamais les souvenirs heureux enfermés dans
mon cœur, dans ma mémoire.
- Je me suis relevée en disant à tes assassins : «Il est vivant. Il est
présent. Contre cela vous ne pouvez rien.»
- Je me suis relevée en me disant : «Certes, la mort est une lampe qui
séteint, mais il est là et il veille sur notre fils et sur toi. Le jour
se lève. Il est vivant.»
- Je me suis relevée et les barbares qui t’ont arraché à moi ne m’ont
pas empêchée, ne serait-ce qu’un jour ou une nuit, de t’appeler et de te
parler. Te parler comme nous le faisions. Te parler et entendre ta voix.
- Je me suis relevée et que les barbares qui t’ont arraché à moi sachent
que tu es ma présence de chaque jour. Qu’ils ne pourront jamais me voler
mes vingt-quatre années de bonheur conjugal et notre complicité.
Qu’ils sachent que ton humour, tes plaisanteries et ta joie de vivre,
dont ont témoigné tes amis, te rendent encore plus présent dans mon
cœur. Je ne peux pas évoquer ton souvenir sans repenser à telle ou telle
anecdote plaisante... je me surprends à rire. Qu’ils sachent tes
assassins, que Khalid notre fils a lui aussi serré les dents. Tu peux
être fier de lui. Il est comme tu voulais qu’il soit : un fils
irréprochable. Dans son cœur tu es vivant et présent en toute
circonstance. Dommage que tu n’aies pas connu ses filles... tes
petites-filles.
Vingt ans mon cher ami et tu es parmi nous, avec nous. Vois, cher Rédha,
tes fidèles amis, Aziz, Anissa, Fatima ma sœur et ton amie, Sahraoui ont
entendu te rendre hommage en cette vingtième année pour te dire que tous
se souviennent. Que tu es vivant. N’est-ce pas là le plus beau
pied-de-nez à la barbarie islamiste ? Je n’oublie pas ton ami Djaffar,
lui qui t’appelait «touil» depuis l’époque où vous étiez tous deux
étudiants à l’université en chirurgie dentaire. Lui et son épouse Houria
(mon amie) auxquels nous devons notre rencontre en 1969 à Miliana. Ils
fêtaient leurs fiançailles... Notre histoire commençait... Que tes
assassins sachent que sans nous revoir tous deux, par la pensée et les
souvenirs je fais exister notre belle histoire. Elle ne s’est pas
arrêtée car je continue chaque jour à la vivre et à lui donner une
suite.
Qu’ils sachent les barbares islamistes que je me souviens de
tout. Absolument tout. Nos jours heureux et tout ce que nous avons
partagé. Je me souviens aussi des instants où j’ai failli sombrer dans
la folie lorsqu’on m’annonça ton assassinat. Je me dis : «Il est dans le
coma... il est vivant. J’espère... j’espère et je suis loin d’Alger. Il
va être tiré de là. Nous allons nous parler dans quelques heures... Un
sursis... juste un sursis...» J’ai feint de ne pas comprendre qu’ils
étaient cinq monstres contre un homme désarmé et qu’ils s’acharnèrent
sur ton corps : seize coups de couteau ! Impossible pour toi de lutter
contre eux. De cette lutte inégale, j’ai récupéré ton alliance, tes
lunettes et un morceau de ton bracelet-montre (via la police).
Je ne me dis pas que ce sont les preuves de ta mort. Je me dis que
chacun de ces objets a une histoire : notre histoire !
«Le déni» — le mien — comme dit mon amie Anissa Benameur, me laisse
croire que les barbares islamistes laissent une chance à leurs
victimes. C’est alors que s’imposa à moi la dure réalité : c’est
fini. J’ai perdu une partie de moi-même et c’est dur. Plus dur pourtant,
fut de supporter souvent stoïquement les inepties des uns ou des autres
: «La vie continue»... «la vie reprend ses droits». «Il faut tourner la
page». La pire des insanités fut celle d’entendre : «C’est le mektoub.»
Mektoub ? Non et mille fois non. Mortels nous le sommes tous. Ce n’est
pas une fatalité, mais une simple loi de dame nature. Mais jamais au
grand jamais mon cher Rédha pas plus toi que toutes les autres victimes
du terrorisme n’avez mérité de mourir assassinés par une horde de
criminels prêts à détruire l’Algérie de Novembre.
L’islamisme est une idéologie totalitaire et comme telle, il s’impose
par la terreur, la kalachnikov, l’arme blanche et les bombes. Où est
donc la place du prétendu mektoub dont on m’a réchauffé les oreilles
durant vingt ans ? A moins que le mektoub ne serait que la justification
du crime le plus odieux ? Cela signifiait-il qu’il nous fallait au nom
d’un prétendu «mektoub» notre fils et moi-même accepter une mort aussi
inacceptable qu’inadmissible parce que injuste ? Non et mille fois non.
Trop injuste ce «mektoub» auquel je ne crois absolument pas. L’autre
niaiserie que j’eus à subir tout au long de ces vint années fut
d’entendre :
«Pourquoi l’a-t-on assassiné ? Qu’a-t-il fait ?» Affligeants que ces
propos ! Un bébé a-t-il des opinions ? Non, me répondrait-on. Pour
autant la barbarie islamiste n’a-t-elle pas maintes fois éventré des
mères enceintes et brûlé leurs bébés ? Les bombes islamistes n’ont-elles
pas déchiqueté des innocents qui, hélas, se trouvèrent au mauvais
endroit ? La barbarie terroriste n’a-t-elle pas assassiné
indistinctement des amis chrétiens résidant en Algérie — algériens de
surcroît pour la plupart — des imams musulmans, des femmes, des hommes,
des enfants ? Et si l’on pose la question stupide pourquoi eux ? La
réponse est vite trouvée : il n’y en a pas. Lorsqu’on n’établit plus de
différence entre le coupable et l’innocent, ou entre l’assassin et la
victime, c’est le terrorisme islamiste qui est victorieux. Non, mon cher
Rédha, pas plus que toi que les autres victimes du terrorisme ne fûtes
coupables. Pour ta part, amoureux de tes livres, de ta musique et
passionné de cinéma, comment pouvais-tu ressembler à tes tueurs ? Eux
seuls sont coupables. Récemment, après l’horrible assassinat d’un
ressortissant français, Hervé Gourdel, le président de la République
française, François Hollande, déclarait : «Hervé Gourdel a été assassiné
parce qu’il était français.» Durant les années sanglantes, de terrible
solitude où nous nous battions seuls contre la bête immonde nous n’avons
pas dit plus que Monsieur Hollande. Nous disions nous aussi que les
chrétiens étaient assassinés parce qu’ils étaient chrétiens, les
journalistes parce qu’ils étaient journalistes, les policiers et les
militaires parce qu’ils étaient forces de sécurité, les femmes parce
qu’elles étaient femmes.
Nous n’avons pas été écoutés, pas même entendus. Et lorsqu’on daignait
nous prêter de temps à autre une oreille à peine attentive l’on nous
disait : «Qui tue qui ?» «pays à feu et à sang», «guerre civile» (une
guerre entre des populations désarmées et des groupes armés islamistes
est-elle une guerre civile ?). Sans doute avec ce monstre qu’est Daesh,
l’heure aujourd’hui n’est pas aux reproches. Je suis consciente de
cela. Mais vois-tu, mon cher Rédha, la terrible injustice faite à vos
mémoires et à votre droit d’être reconnus comme victimes «de la barbarie
la plus odieuse» (Laurent Fabius) fut votre autre assassinat.
Aujourd’hui, l’Europe et les USA, en état de sidération, «découvrent»
des djihadistes ayant perdu toute humanité. Puissent toutes les forces
du monde s’unir pour anéantir la barbarie islamiste là où elle se
trouve. Il n’y a rien à attendre de ceux dont les deux motivations sont
:
l’intolérance et le rejet de l’autre lorsqu’il ne leur ressemble pas.
Encore faut-il aujourd’hui, mon cher Rédha, qu’on ne se trompe plus de
cible et de combat. L’armée algérienne, au péril de sa vie, est allée,
depuis des jours et des jours, débusquer les assassins d’Hervé Gourdel,
«paix à son âme». Alors le «qui-tue-qui ?» et l’urticaire récurrente de
Patrick Baudoin et consorts contre les généraux algériens et les forces
de sécurité en général, sont passés de mode. Du moins, faut-il
l’espérer.
Mon très cher Rédha, que tes assassins, amnistiés et pardonnés, sachent
qu’ils peuvent se promener en toute liberté dans la cité grâce à la
«charte de l’impunité» appelée charte de réconciliation nationale. Aucun
texte de loi ne peut imposer l’amour entre des hommes qui ne se
ressemblent jamais quand bien même ils vivent dans le même pays. La main
tachée de sang même javelisée au nom du «pardon» décrété demeurera
éternellement celle qui a égorgé.
Et que l’on ne me rétorque pas, mon cher Rédha, qu’il ne faut pas semer
la haine... La rancœur. Des mots creux. De simples mots. Ceux qui t’ont
assassiné toi et toutes les autres victimes du terrorisme l’ont-ils fait
au nom de l’Amour ? De qui se moque-t-on, enfin ? Qui a semé la haine
dans les écoles et dans les mosquées ? Une chose est sûre, mon très cher
Rédha, en cette vingtième année, pour moi hier, aujourd’hui, demain, je
te refais le serment de ne jamais pardonner les crimes commis par la
barbarie terroriste.
Je te fais le serment de ne jamais m’asseoir aux côtés de ceux qui,
fidèles à leur idéologie obscurantiste, ne se lèvent pas lorsque résonne
l’hymne national. Celui pour lequel si Larbi Ben M’hidi a offert sa vie
et sa jeunesse. Ils le font en toute impunité et sans que «dame
démocratie», présente pourtant au moment des faits, se montre le moins
du monde choquée. De compromis en compromis, mon cher époux, avec le
kamiss et la barbe, où va-t-on ou plutôt où ira-t-on ? Que recherche
«dame démocratie» en quête de câlins dans la barbe islamiste ? Mon cher
Rédha, j’honorerai ta mémoire jusqu’à mon dernier souffle car en sus
d’être ton épouse, je suis fière d’être l’épouse d’une victime du
terrorisme islamiste.
Rédha, mon cher époux, mon ami, merci pour tout ce que tu m’as
généreusement donné. Grâce à toi, je fus une épouse et une femme
professionnellement comblée puisque tu ne t’opposas jamais à mes choix.
Mieux : tu m’encourageais et me soutenais. Toutes choses qui me
manquent... Mais tu es en moi et avec moi. Vivant et présent.
Demain 17 octobre 2014, Leïla son épouse, Khalid son fils, Fatima
Hemmadi sa belle-sœur, ses amis Anissa, Aziz, Djaffar, Kader, Sahraoui,
prient tous ceux qui ont connu et aimé le docteur Mohamed-Rédha Aslaoui
de s’associer à leur affectueuse pensée.
Repose en paix, mon très cher Rédha.
Ton épouse : Leïla Aslaoui-Hemmadi
Mon ami, mon frère
Il est dix-huit heures ce 16 octobre 1994. La sonnerie du téléphone
retentit. C’est toi. Toi et ta voix chaude bien timbrée qui me manque
tant. Tu me dis que tu as écourté tes vacances (une quinzaine de jours
en France en compagnie de Leïla ton épouse et votre fils Khalid). La
raison, m’expliques-tu, est ton agenda professionnel : tu as fixé des
rendez-vous à quelques-uns de tes patients pour le 17 octobre 1994. Tu
m’apprends que tu es rentré seul, ta famille n’ayant pas de contraintes
particulières, tu avais entendu la laisser goûter encore à quelques
jours de repos. Rendez-vous médicaux !
En cette année sanglante de 1994, cela paraît surréaliste. Pourtant,
pour qui comme moi, connaissait ton profond respect pour tes malades et
ta rigoureuse observance de la ponctualité, il n’y eut aucune
inconscience de ta part.
Ciblé, menacé, tu l’étais comme tant d’autres de tes confrères, comme
tant d’autres de tes compatriotes. Mais nous nous disions tous deux que
cela ne t’arriverait pas à toi. Non, pas toi mon ami, mon frère ! Je
m’accrochais à cela : «Pas lui, non, pas lui !»
Ce soir du 16 octobre 1994, tu me dis que tu me rendras visite à la
maison le 18 octobre 1994. A l’heure du petit-déjeuner, une agréable
habitude que nous avions érigée en «institution». Histoire de partager
des moments ensemble. Un petit plaisir pour affronter un quotidien
effroyable. Je t’attends. Tu es en retard et ce n’est absolument pas
dans tes habitudes. Je t’attends… Rentre mon frère Mourad, une autre
victime du terrorisme islamiste «Allah yarahmou».
- Qui attends-tu ? me demande-t-il.
- Rédha, lui dis-je.
Il me regarde, je perçois de la gêne et de l’étonnement dans ses yeux.
Je n’ai pas le temps de l’interroger.
- Tu ne connais pas la nouvelle ?
- Quelle nouvelle ?
- Rédha a été assassiné hier à l’intérieur de son cabinet dentaire à
15h30.
Je ne comprends absolument pas ce qu’il me dit. Pas plus moi que mon
épouse. Je me dis qu’il s’est trompé. Ce ne peut pas être toi… pas toi.
Certes, je n’ai pas écouté la veille les informations télévisées,
version algérienne, parce que je ne supporte plus la longue litanie de
morts assassinés, mais je ne veux pas y croire. Mon frère s’est
certainement trompé. Il me répète que tu es parti. Que tu es mort et je
ne comprends pas. Mes larmes coulent sans que je puisse les arrêter et
me voici plongé dans l’horreur. Je me dis : «C’est impossible, il ne
peut pas ne pas venir alors que je ne lui ai pas dit au revoir.»Je me
dis que nous étions deux frères aux destins liés car nous avions le même
amour pour la vie, un attachement identique aux valeurs familiales, nos
repères et principes éducatifs se ressemblaient en tous points. Je me
dis que tu ne peux pas m’avoir lâché la main.
Tu ne peux pas m’avoir laissé seul. Puis la triste réalité s’est imposée
à moi. Affligeante et douloureuse absence. Le vide, le néant. Je ne m’y
habitue pas, Rédha mon ami, qu’on ne me dise pas cela fait vingt ans !
Vingt ans, c’était hier Rédha, et tu me manques.
Tu me manques tant ! Nous aurions eu tant et tant de choses à partager
comme deux frères car tu étais un membre de ma famille et il n’est pas
un jour où je ne pense à toi. Je te revois ami, sourire aux lèvres, les
yeux rieurs derrière tes lunettes monter à mon bureau (Victor-Hugo)
avant de te rendre au cabinet. J’attendais ces moments avec impatience
parce qu’ils me mettaient en gaieté et que ta bonne humeur irradiait
tout ton entourage. Ta générosité naturelle et ta grande modestie
faisaient le reste. Certains matins, il nous prenait l’envie de faire
une petite halte au café Victor-Hugo où se retrouvaient réalisateurs de
films, comédiens et acteurs. Ils découvrirent en toi un homme de grande
culture et un cinéphile passionné. Certains te confièrent le soin de
lire des projets de scénario et d’émettre ton avis. Il s’agissait de
grands cinéastes, peu importent les noms aujourd’hui ! C’était toi mon
ami, authentique, sans suffisance mais à l’esprit et au cœur si riches !
Il ne se passe pas, te disais-je, un jour, sans que je ne pense à toi.
Que de choses avons-nous partagés ensemble ! Que de souvenirs ! Gouraya
avec les joies de la mer et des vacances avec nos familles. Taghit,
Béchar, Kenadsa, ce Sud que tu aimais faire découvrir parce qu’il était
cher à ton cœur. Le grand voyage dans l’autre Sud avec nos familles et
nos fous rires partagés dans la bonne humeur et l’insouciance. Ton amour
pour les chevaux qui t’amenait à te rendre régulièrement à Tiaret à la
jumentrie au moment de la fête annuelle. Je t’accompagnais. Un autre
plaisir et d’autres moments d’amitié ensemble.
Te souviens-tu, ami, de nos autres voyages ? L’Espagne, New York en
compagnie de ton frère Omar, la France et nos longues marches à Paris…
Te souviens-tu, ami, du jour où Khalid ton fils attendait les résultats
du baccalauréat (juin 1991) ? Habitué à passer la nuit chez nous, il
avait entendu le faire en attendant le sésame… Des journées mémorables
dont nous avions beaucoup ri après le dénouement heureux… Je me souviens
comme si c’était hier de ta fierté de père lorsque tu lui annonças
heureux : «Sahit bachelier !» Et lorsque tu eus cinquante ans, nous
fêtâmes ton anniversaire à la maison en compagnie de nos familles. Te
souviens-tu de ce jour-là et de la «carte» ainsi appelée par nous tous
?… Là encore quelle bonne humeur et quelle joie ! Si l’on m’avait dit ce
jour-là que tu disparaîtrais assassiné trois ans après, j’aurais
franchement ri ou cru à une plaisanterie de mauvais goût. Tu étais la
vie et tu ne méritais pas de mourir assassiné. Tu avais les belles
qualités des Sudistes de Asla, Mécheria, Béchar, tes origines dont tu
étais si fier. Tu avais le raffinement et l’élégance du citadin que tu
fus, toi le «Milianais d’adoption» (Miliana où tu vécus quinze ans). Tu
avais la sagesse des grands, l’humilité des personnes authentiques et
sûres d’elles. Tu avais l’intégrité de ceux qui méconnaissent le
mensonge et la tricherie. Tu avais la bonté de ceux qui partagent tout
au nom de leurs valeurs et de leurs principes, n’attachant aucune
importance aux choses matérielles. C’était toi, toi mon ami, toi mon
frère. Comment est-il possible de supporter ton absence ? Notre amitié
était telle que nous n’avions guère besoin de parler. Sourires entendus,
un regard échangé et nous voilà complices. Tu savais tout de moi et je
savais tout de toi. Et puis, soudain je me retourne… La bêtise humaine
t’a rayé du monde des vivants. Une haine mon ami, mon frère, à laquelle
tu ne pus t’opposer, car toi, contrairement à tes assassins, tu n’étais
que bonté et humanité.
Mais vois-tu, Rédha mon ami, qu’ils sachent ceux qui t’ont arraché à ta
famille, à tes amis, que tu es vivant dans nos mémoires, dans nos cœurs.
Lorsque nous évoquons ton souvenir avec Leïla, c’est toujours pour nous
remémorer une anecdote plaisante, ton humour à toute épreuve et en toute
circonstance. Tu es vivant, bien vivant.Je pleure mon ami de t’avoir
perdu. Mais je me réjouis chaque jour de t’avoir connu. Et cela, tes
assassins ne peuvent pas l’effacer.
Adieu mon ami, adieu mon frère.
Repose en paix, Rédha.
Aziz Mazari
A Mohamed-Rédha Aslaoui, mon regretté ami
On m’annonce que Rédha n’est plus. Je suis loin d’Alger. Sidération,
stupeur et hébétude dans le sens le plus démentiel de chacun de ces
termes. Vite, il me faut stopper la douleur. Le déni ! Pas n’importe
lequel ; mais celui où instinctivement on refuse de comprendre ce que
l’on nous dit parce que l’on ne veut pas entendre.
Surtout pas entendre. Jamais. Il me faut vite donner un sens à ce déni.
Je m’accroche au fait que Rédha m’a prêté des cassettes et que je dois
les lui rendre. C’est important.
Qu’on me laisse les lui restituer puis j’accepterai qu’il parte.
J’ignorais que je n’accepterais jamais les conditions dans lesquelles il
est parti. Puis vint la question que seule la douleur fait qu’on se la
pose car elle est aussi inutile qu’incongrue. Pourquoi ? Pourquoi lui ?
Pourquoi Rédha ?
La réponse est vite venue : il n’y en a pas. Ils se sont servis de Rédha
pour mieux alimenter encore et encore la terreur infligée à ceux qui ne
leur ressemblent pas. Le sang des victimes est leur oxygène.
Quelle bravoure ! Qu’attendre donc de ces hordes barbares dont la seule
religion a pour noms : terreur, sang et délectation de la douleur des
vivants ? Il est aisé de terroriser et de tuer lorsqu’on est incapable
de s’imposer autrement. Cela a un nom : lâcheté.
Rédha, mon ami, ta vie fut exemplaire aussi bien personnelle que
professionnelle. Ton engagement et tes qualités humaines continuent à
rendre fiers de toi, ton épouse, ton fils, ta famille et tes amis.
Savent-ils ces sanguinaires qu’ils n’ont absolument pas tué ton souvenir
et que tu es vivant dans la mémoire de tous ceux qui t’ont approché,
apprécié et aimé ? Dans leurs mémoires et dans leurs coeurs.
Dis aux autres victimes, cher Rédha, que nous ne les oublions pas. On
dit qu’il est impossible d’assassiner l’âme. Oui Rédha, c’est bien vrai.
On ne peut pas dire Rédha «n’est plus». Il est vivant et bien vivant.
Repose en paix, très cher ami.
Anissa Benameur
A mon regretté et cher beau-frère
Le 15-10-1994, il est huit heures du matin. Le téléphone sonne. Tu
appelles de Paris. Votre séjour familial se déroule sans encombre et les
nouvelles sont bonnes. Tu me dis que tu rentres seul sur Alger le 16
octobre.
Tu ajoutes que tu passeras voir Hadja Mériem «Allah yarhamha» (ta
belle-mère); elle qui disait de toi «c’est mon troisième fils». Je te
suggère timidement de prolonger tes vacances pour des raisons
sécuritaires. Tu me réponds par une boutade.
Comme à l’accoutumée, ta bonne humeur, ton humour percutant eurent
raison de moi. Et puis quoi, n’es-tu pas heureux de rentrer ? Je repose
le combiné. Mes craintes se sont envolées. Soudain le 17.10.94, nous
basculons dans l’horreur. Les barbares ont commis leur crime. Mais ces
sauvages ignoraient que les persones de ta trempe demeurent
éternellement vivantes.
17-10-1994 - 17-10-2014. Vingt ans après tu es là, toujours là, présent,
vivant.
Sais-tu, cher Rédha, que tout au long de ces vingt années, j’ai croisé
beaucoup de personnes qui t’ont connu ? C’étaient tes patients. Tous se
souviennent de ta gentillesse, de ta disponibilité, de ta discrétion, de
ta générosité envers les plus démunis et de la qualité des soins que tu
leur prodiguais selon ta devise : «Travail bien fait et parfaitement
achevé.»
Vingt ans et tu es là parmi nous, vivant et présent. «Mima» (Leïla) t’a
fait connaître à tes petites-filles et je t’ai souvent imaginé en
grand-père gâteau. Ce papy adorable qu’elles auraient eu si.... Je me
souviens aussi de cet ami médecin qui me dit un jour «en plus de ses
qualités humaines, Rédha a une vaste culture. On ne s’ennuie jamais avec
lui».
Salut Rédha, salut l’ami.
Repose en paix, cher beau-frère.
Tu demeureras un exemple pour Khalid ton fils et tes petites-filles.
Fatima Hemmadi
A mon ami, mon frère Mohamed-Rédha Aslaoui
Quels mots trouver, mon cher Rédha, pour dire notre amitié, nos
souvenirs demeurés intacts dans ma mémoire ? Tous - même les mieux
choisis - me paraissent futiles parce qu’incapables d’exprimer ce que je
ressens. Comment te dire, cher ami, juste avec des mots le terrible vide
qu’a laissé en moi ton départ brutal et totalement inattendu ? Certes,
nous nous savions tous ciblés mais à aucun moment je n’ai pensé que ce
serait toi. Surtout pas toi !
Jour après jour, il me fallut pourtant me dire que c’était bien vrai...
Hélas bien vrai ! Alors pour ne pas sombrer, je me suis plongé dans mes
souvenirs. Nos souvenirs. Oui je nous revois tous deux joyeux lurons.
Toi Rédha mon ami, mon grand-frère que j’écoutais et respectais. Moi «gaston-la-gaffe»
comme tu te plaisais à me surnommer - toi seul avais l’autorisation de
m’appeler ainsi - Que d’anecdotes pourrai-je relater ! Que de moments
agréables partagés ensemble ! Et en cas de coup dur, tu étais celui qui
répondait «présent» lorsqu’on avait besoin de toi.
Rédha mon frère, les mots se bousculent dans ma tête, et j’ai juste
envie de te dire que tes taquineries, ton humour et surtout tes conseils
me manquent. Tu me manques et les larmes coulent sur mes joues
vieillies. Te souviens-tu du parcours que nous faisions souvent du
cabinet dentaire à ton domicile ? Tout était matière à plaisanteries
avec toi et ta bonne humeur était communicative. Ta droiture et ta
générosité faisaient le reste.
Vingt ans, cher frère... Tu n’es plus là mais vivant tu l’es et le
demeureras dans nos coeurs.
Rédha mon ami, mon frère, j’aurais voulu te dire tant et tant de choses
mais je ne le peux pas... Les larmes m’empêchent de continuer. Tu fus
grand et tu resteras grand, toi le grand Mohamed-Rédha Aslaoui.
Repose en paix mon ami, mon frère.
Sahraoui Hamdani
A mon ami, le regretté Mohamed-Rédha Aslaoui
Vingt ans que notre cher ami et frère Mohamed-Rédha Aslaoui s’en est
allé.
Vingt ans est-ce court ? Est-ce long ? Cela dépend pour qui ... Pour
moi, c’était hier. Il me suffit d’entendre un mot... de me souvenir
d’une anecdote, aussitôt j’entends ta voix. Je revois ton sourire et ce
qui te caractérisait : la bonne humeur. Te rencontrer le matin était la
garantie de passer une excellente journée car ta joie de vivre était
communicative. Tu aimais la vie. Tu étais la vie. Alors, cher ami,
comment t’oublier ? Tu n’es plus là mais tu es avec moi et toujours avec
moi. Que d’images ! Que de souvenirs !
Ta générosité inégalée t’avait valu le surnom de «dentiste des pauvres»,
toi qui soignais gracieusement ceux parmi tes patients qui ne pouvaient
pas payer leurs soins. Nombreux furent ceux qui ont témoigné après ta
disparition de ta bonté et de ta disponibilité. Tu es parti mais tes
assassins ignoraient que tu resterais vivant parmi nous.
Lorsqu’arrive le 17 octobre de chaque année, avec Leïla, ton épouse, et
Khalid votre fils que tu chérissais tant, nous parlons de toi au
présent. Sais-tu pourquoi ? Parce que ton amitié sincère, ton humour,
ton altruisme, ne se conjuguent pas au passé. Parce que tu es présent
Rédha dans nos coeurs et nos mémoires.
Repose en paix Rédha.
Adieu.
Kader Messous
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