Chronique du jour : Ici mieux que là-bas
Les ancêtres redoublent d’actualité
Par Arezki Metref
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De
qui, de quoi allons-nous donc causer aujourd’hui ? D’Apulée, tiens,
comme par hasard !
Ça devient une habitude, ma parole. Parlons-en ! Et pour dire quoi ? Eh
bien, pour donner la bonne nouvelle. La wilaya de Souk-Ahras rempile
pour Apulée, un gars du coin. Après le colloque organisé in situ par le
HCA en juin 2015, on a la bonne surprise d’apprendre que les gens du cru
accueillent une fois encore le retour de l’un des leurs.
Il est heureux qu’un mec comme Apulée, qui a bourlingué à tout-va,
regagne, 2 000 ans plus tard, ses pénates. Faut dire qu’il est
accueilli, pendant tout ce temps, sous les lambris de toutes les
académies du monde, mais que chez nous, chez lui, il est un pur SDF de
la mémoire.
Pas de commentaire particulier à faire sur l’initiative, sinon peut-être
celui-ci, d’un mot : si chaque région d’Algérie avait la bonne idée de
mettre à l’honneur ses personnages historiques, on se retrouverait au
bout du compte à reconstituer notre patrimoine national en entier.
Et si on parlait de Donat aussi, un autre SDF de la mémoire ?
Qui est-il celui-là ? Eh bien c’est celui à propos duquel le ministre de
la Culture, Azzedine Mihoubi, annonce la réalisation prochaine d’un
film. Mais encore ? Donat est l’un des personnages les moins connus et
les plus fascinants de notre histoire antique. Cet évêque numide du IVe
siècle s’était rebellé contre l’autorité ecclésiale qui imposait des
évêques non africains, vassaux de ses propres intérêts et non défenseurs
de ceux des Numides. En caricaturant, on pourrait parler aujourd’hui
d’«évêques harkis». Toutes proportions gardées, on pourrait s’aventurer
à supposer que l’héritier contemporain de Donat aurait pu être le
cardinal Duval, archevêque d’Alger qui avait pris fait et cause contre
la domination coloniale.
Donat, à qui s’étaient ralliés 70 évêques numides, avait contesté le
parachutage d’un évêque romain, revendiquant une représentativité
ecclésiale locale. La réaction de l’Empire fut évidemment à la mesure de
l’affront. On déclara que le donatisme était un schisme puis une
hérésie. Les choses se corsèrent lorsque, passant du stade strictement
religieux à un terrain plus social, les communautés donatistes
persécutées furent rejointes par les Circoncellions, de redoutables
guérilleros paysans itinérants qui brûlaient les fermes des nantis,
exigeant la libération des esclaves et l’effacement des dettes des plus
pauvres.
Et puis, parlons de… Dahmane Dahmani.
Les lecteurs qui ont eu l’indulgence de me suivre lors de mes
pérégrinations californiennes de l’année dernière, devraient le
connaître puisqu’ils se sont laissés conduire par lui. Dahmane Dahmani
est cet ami algérien qui vit en Californie depuis plus de 40 ans. Pour
autant, il n’a jamais coupé les ponts avec le pays. Et moi qui
l’imaginais entre San Diego et Sacramento, il m’envoie un message
l’autre jour pour me dire qu’il était dans son village de Kabylie, Ath
Saâda, près d’Ighil Ali, dans la wilaya de Béjaïa.
Le 14 octobre 2016, Dahmane et les gens du village ont créé une
association, «Feljarra N’Ledjdouhdh», «A la mémoire des ancêtres». L’un
des buts de cette association est de restaurer et de rénover l’école du
village construite en 1871. Il est évident que cette école plongée par
le temps dans un état «comateux» fait partie du patrimoine matériel et
immatériel du village. Et de ce point de vue, envisager de lui redonner
vie dans une initiative citoyenne qui ne doit pas nécessairement quelque
chose à l’Etat – qui, de toute évidence, s'en lave les mains – , est
plus que louable. Et comme il vient d’être dit, c’est effectivement
l’ensemble de ces initiatives locales qui permet la réhabilitation de ce
qui nous constitue. Dans beaucoup de pays, la sauvegarde du patrimoine
est le fait d’associations de proximité. Comme celle-là !
Prenant connaissance de cette information, je me suis mordu les doigts
de ne pas avoir connu une telle mobilisation pour sauver l’école de
notre village d’Agouni Ahmed, aux Ath Yani, qui existait, elle aussi,
depuis la fin du 19 siècle. Elle a été démolie vite fait, bien fait, en
moins de temps qu’il faut pour le dire. A sa place, on a construit un de
ces bâtiments banals, sans âme, sans passé, sans charme, dédié à la
formation professionnelle.
Dans cette action de lèse-patrimoine historique, je ne sais qui il faut
incriminer. Est-ce l’APC de l’époque ou est-ce plutôt l’absence de
mobilisation citoyenne ?
Et on finit sur quelqu’un qui n’a radicalement rien à voir avec les
ancêtres… Mais avec l’actualité, si !
Suite à la chronique du 15 mai 2016, intitulée «L’Empire
contre-attaque», qui concernait les manœuvres pour vriller le pouvoir de
la protégée de Lula au Brésil, le lecteur sera peut-être heureux de
savoir que le tombeur interlope de Dilma Rousseff est tombé à son tour.
Et d’une pile de scandales autrement plus haute. Comme quoi…
Eduardo Cunha, ce Machiavel brésilien, ex-président de la Chambre des
députés, qui avait magouillé pour salir et faire tomber l’ancienne
Présidente, en août dernier, vient d’être arrêté pour corruption,
enrichissement personnel et détournement de fonds. Évangélique
ultraconservateur, il est l’un des hommes les plus haïs du pays au point
de s’être fait molester à plusieurs reprises dans la rue. Décrit comme
une «crapule notoire», il subit un retour de balancier ou plutôt un
retour de balance, symbole de l’équité, si l’on considère que l’action
du juge anti-corruption qui l’a fait interpeller contribue à redonner
une crédibilité à la justice.
A. M.
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