Actualités : IMPOSÉS PAR LA CRISE
À quand les superministères ?
L’Algérie devrait-elle aller vers la création de
superministères afin de parvenir à une réduction des dépenses de
fonctionnement de l’Etat en ces temps de crise où les restrictions
s’imposent ?
Abla Chérif - Alger (Le Soir) - La décision de désigner Abdelmadjid
Tebboune à la tête du ministère du Commerce a fait ressurgir un débat
dans lequel s’impliquent de plus en plus d’experts.
Nommé ministre par intérim du département à la tête duquel officiait le
défunt Bakhti Bélaïb, le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme cumule
ainsi deux hauts postes de responsabilité, sans liens apparents,
prouvant la possibilité d’aller vers un nouveau schéma auquel beaucoup
appellent. «Je dirais même que Tebboune cumule trois postes», s’insurge
Aït Ali Ferhat, économiste algérien connu pour ses appels incessants en
faveur du jumelage des ministères. Lesquels ? «N’oubliez pas qu’il
chapeaute également la construction de la Grande Mosquée d’Alger qui
relève en principe du ministère des Affaires religieuses. Non pas qu’il
ne puisse pas ou ne faille pas le faire, mais cette situation prouve au
contraire qu’il est parfaitement possible de revoir le schéma en place.»
Aït Ali Ferhat s’interroge : «L’agriculture, la pêche et les ressources
en eau sont des départements qui relèvent en principe d’un même secteur,
pourquoi les séparer en plusieurs ministères et des gestionnaires
différents qui ont parfois des visions opposées. «De la même manière,
j’estime qu’il faudrait regrouper le ministère de l’Economie et celui
des Finances, ceux du Commerce et même de l’industrie, le Tourisme et
l’Environnement, il s’agit d’un ensemble indissociable alors pourquoi le
dissocier.» A ses yeux, la configuration actuelle renvoie l’image de
départements qui se contredisent alors «qu’ils sont censés coordonner
leurs actions. Dans l’immédiat, l’économiste préconise la mise en place
d’un ministère du plan spécialement chargé de revoir la configuration en
place. «Une telle avancée permettra beaucoup plus que la restriction
budgétaire, c’est une question stratégique, car la mise en place de
superministères permettra d’avoir une vision d’ensemble, une vision plus
globale par un gestionnaire qui n’aura plus à s’embarrasser de
contradictions».
Rachid Tlemçani, politologue et sociologue connu pour ses positions en
faveur d’une restructuration administrative globale, s’étale un peu plus
longuement sur les répercussions que peut engendrer la création de
superministères. «A mon avis, il faut effectivement revoir complètement
et profondément la configuration administrative en place. Il ne faut pas
de replâtrage ou de colmatage, non, il faut mettre en place une
dynamique administrative qui servira à lutter contre la bureaucratie, la
corruption, mais qui permettra aussi de réduire grandement les dépenses.
Au niveau ministériel, il est difficile de donner un aperçu du taux de
réduction que cela pourrait engendrer en matière de dépenses de
fonctionnement, mais il n’y a pas que les ministères.» Selon Rachid
Tlemçani, la restructuration devrait s’étendre à toute l’administration.
«Aujourd’hui, qui est en mesure de dire à quoi sert une daïra du moment
que les papiers d’identité sont délivrés par les communes.
Quelle est sa raison d’être, et pourquoi donc ne pas l’éliminer ou la
dissoudre dans d’autres départements ? Posez-vous la question : combien
une daïra coûte à l’Etat ? Le budget dépensé pour son fonctionnement est
énorme.» Avec la création de superministères, le réaménagement de
certaines structures administratives permettrait, selon lui, de réduire
les dépenses de fonctionnement de l’Etat. L’avis est partagé par
d’autres experts convaincus eux aussi de la nécessité d’aller vers des
changements imposés non seulement par la crise mais par les mutations
profondes que connaît la société. «Depuis un long moment, les Algériens
ont droit à de grands discours des décideurs sur la nécessité d’aller
vers des restrictions en tous genres, malheureusement, elles ne
s’imposent qu’aux citoyens, aux Algériens qui ne sont pas responsable
des dilapidations et de la mauvaise gestion qui a exacerbé la crise dans
notre pays. Il serait peut-être temps qu’ils donnent l’exemple, et
qu’ils aillent vers une restructuration qui limite les dépenses
superflues. La multiplication des hauts postes de responsabilité, avec
tout le train de vie que cela entraîne, en fait partie alors nous leur
disons, donnez l’exemple.»
Peu de temps après l’adoption de la nouvelle Constitution, des
informations persistantes avaient évoqué la création imminente de ces
superministères dont certains (économie, planification) devaient être
mis directement sous la coupe du Premier ministère.
L’annonce, dit-on, devait en être faite peu de temps après le fameux
remaniement ministériel maintes fois annoncé et au cours duquel Sellal
devait être reconduit dans ses fonctions avec de plus larges
prérogatives. Le remaniement n’a jamais eu lieu, les superministères non
plus…
A. C.
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