Culture : CES FEMMES QUI ONT COMBATTU LA FRANCE DE SI HADJ MOHAND ABDENOUR
L’histoire d’une moudjahida nommée Asma Ouerdia


Né en Haute-Kabylie quelques années avant le déclenchement de la révolution armée, Si Hadj Mohand Abdenour est un enfant de la guerre. Celle-ci l’a profondément marqué, au point de lui consacrer plusieurs ouvrages mémoriels. Ces femmes qui ont combattu la France est son dernier livre paru.
Contrairement aux précédents ouvrages, cet hommage aux femmes — à travers leur combat pendant la guerre de Libération nationale — a été publié à compte d’auteur. Cependant, et cela va sans dire, l’auto-édition est une entreprise titanesque et pleine de difficultés. La qualité du livre (fond et forme) étant sous l’entière responsabilité de l’auteur-éditeur, il est absolument nécessaire de se relire et de se corriger une fois le texte achevé et la mise en page présentée dans sa forme définitive (recueillir des avis de professionnels est alors vivement conseillé). A elle seule, la présentation du livre (ou son apparence proprement dite) nécessite un retravail des textes d’accompagnement, des pages de couverture, des graphismes, des caractères d’impression choisis, de la titraille, de la qualité du papier, etc.
 Les dangers qui guettent l’auto-éditeur sont bien réels, surtout s’il fait l’impasse sur l’aspect de la qualité, aspect qui constitue le seul critère de pérennité d’un ouvrage. C’est dire qu’il peut y avoir loin de la coupe aux lèvres, quand bien même l’on est animé de bonne volonté et de désir de bien faire. Dans le cas présent, Si Hadj Mohand Abdenour n’a pas su éviter le piège des contraintes — les limites à ce qu’il peut faire — et c’est d’autant regrettable qu’il avait réuni suffisamment de matière pour donner à lire un bon récit.
Par exemple, l’auteur a laissé traîner de nombreuses erreurs d’orthographe, de grammaire, de syntaxe... Des dissonances qui écorchent les oreilles du lecteur, tant les «coquilles» qui émaillent le texte tendent à se répéter paragraphe après paragraphe. Une telle cacophonie ajoute à un ensemble confus aussi bien dans la forme que dans le contenu. Quant à la structure du récit, elle tient difficilement la route en raison de pièces manquantes, de parties inutiles et de redondances. Que penser aussi du titre de l’ouvrage —
au reste assez pompeux et grandiloquent —, si ce n’est qu’il préfigure le décalage avec les développements qui vont suivre ? Oui, car avant d’entrer dans le vif du sujet, le lecteur peut déjà se demander à quoi servent les textes introductifs (la maison de Roland, où «on prêchait le protestantisme» ; les anecdotes sur les ancêtres de la region ; le commentaire sur une photo prise en 1957 et dans laquelle figure Asma Ouerdia). Malgré ces lacunes et imperfections, le travail de Si Hadj Mohand Abdenour mérite d’être salué. Parce qu’il fait revivre la mémoire des femmes et des hommes engagés dans la guerre de Libération, en particulier celles et ceux restés dans l’anonymat.
Le lecteur a entre les mains un témoignage qui contribue, même de façon un peu brouillonne, à enrichir le récit national.
Surtout, l’auteur a tenu à mettre en exergue le combat des femmes, à travers leur rôle et leur engagement dans cette guerre atroce. Il met aussi en relief la prise de conscience précoce de beaucoup d’entre elles, ces femmes ayant pris part au combat libérateur spontanément, chacune à sa façon. a ces femmes qui se sont battues en silence, il donne enfin la parole et c’est tout à son honneur.
«En particulier la moudjahida Asma Ouerdia qui, malgré son âge avancé, a bien voulu mettre à ma disposition ses souvenirs et répondre à toutes mes questions concernant les événements de la guerre qu’elle a vécus avec ses compagnons.» (Remerciements de l’auteur). C’est donc à partir du parcours de cette moudjahida que Si Hadj Mohand Abdenour est allé vers d’autres profils de femmes et d’hommes, mettant en lumière des faits d’armes et de résistance ou simplement des scènes de la vie quotidienne des combattants et des familles confrontées à l’armée coloniale. Asma Ouerdia raconte, en toute humilité, ces années terribles où, souvent, on n’avait d’autre choix que de se battre ou mourir. Très jeune, elle a alors risqué sa vie en s’impliquant dans la guerre. Ici, son témoignage autobiographique (écrit parfois à la première personne) va ainsi alterner avec d’autres destins, avec des séquences kaléidoscopiques et mouvementées par lesquelles l’auteur revisite la mémoire individuelle et collective. Grâce à quoi, le lecteur découvre énormément d’informations factuelles (actes de guerre, actes d’héroïsme, rapports sociaux, rapports personnels, torture, violence, cruauté, exécutions sommaires...) et il commence à se passionner pour l’histoire d’Asma Ouerdia et les siens. Une histoire authentique.
Nous sommes à Redjaouna, en 1956. Le village surplombe la ville de Tizi-Ouzou et il est un haut lieu de la lutte armée. «Elle se nomme Ouerdia dite Ourida, épouse Asma Mokrane. Elle est née à Tizi Ouzou, le 5 mai 1933, rue des Frères Meriem, au sein de la famille Bellahcène, originaire du village Ichikar (Makouda). Elle épousera Mokrane le 16 février 1952 alors qu’elle n’avait que 18 ans. Les deux époux s’installeront au village de Redjaouna...» Des noms, des dates, des événements : l’auteur n’omet aucun détail et cherche à donner le plus de précisions possibles sur le cadre où se déroule cette histoire, sur ce qu’il y a en dehors du décor, sur les personnages qui commencent à entrer en scène et sur leurs motivations.
Asma Ouerdia fait partie d’une famille de révolutionnaires de la première heure. «Son domicile d’Imaghissen de Redjaouna servira de refuge avec abri et d’infirmerie pour les maquisards, où intervenait régulièrement le Dr Yahia Salhi en qualité de médecin de l’ALN pour soigner les blessés dans la clandestinité. Ouerdia avait la responsabilité des entrées et sorties de cet abri devenu, selon les propres termes d’un capitaine de l’armée française, ‘’un repaire de terroristes’’, dont les têtes seront mises à prix.»  Parmi ces «terroristes», des femmes chargées du renseignement et des liaisons au sein de l’ALN (dont Azouz Cherifa et Bellahcène Zahia).
Il y a aussi tous ces valeureux combattants de la Révolution a qui le livre rend hommage : Si Mokrane, Ahmed Dekli, les Frères Meriem, Ahmed Lamali, Aït Amar Ramdane, Hocine Mostefaoui et tant d’autres.
Hocine Tamou

Ces femmes qui ont combattu la France, édition à compte d’auteur, année 2017, 152 pages.





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