Chronique du jour : CE MONDE QUI BOUGE
Trump, Erdogan, qu’ont-ils en commun ?


Par Hassane Zerrouky
Lundi, Donald Trump, qui n’aime pas les musulmans, a félicité par téléphone l’islamo-nationaliste Tayyip Erdogan pour «sa récente victoire au référendum» constitutionnel de dimanche par 51% de voix contre 49%.
Ces deux dirigeants, qui font beaucoup parler d’eux, partagent bien des choses. Les Etats-Unis et la Turquie sont de vieux alliés, membres de l’Otan, cette machine de guerre au service des intérêts occidentaux, dont le dernier «exploit» est d’avoir plongé la Libye dans un total chaos. Le mythe de la puissance adossé à un nationalisme réactionnaire voulant en imposer aux autres, est également une valeur partagée par les deux hommes. Tous deux n’aiment pas la presse qui fait son boulot et tous deux considèrent le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) comme une organisation terroriste. Enfin, ils ont également un même ennemi : Bachar Al-Assad. A ce propos, Donald Trump, dans le communiqué de la Maison Blanche, «a remercié Erdogan» d’avoir soutenu le bombardement américain contre l’armée syrienne et de convenir «de l'importance de tenir le Président syrien Bachar Al-Assad pour responsable».
Pour le chef de l’Etat turc, le soutien de Trump c’est «tout bénef». En dépit de sa courte victoire électorale acquise dans un contexte d’Etat d’urgence et de répression brutale des libertés, Tayyip Erdogan pense pouvoir réaliser son rêve : avoir les pleins pouvoirs, achever la mise au pas de la société, de la justice et des médias, et surtout faire rentrer dans les rangs cette partie des Kurdes et des progressistes turcs qui se battent pour un autre avenir pour la Turquie.
Quant à Trump, il sait que Tayyip Erdogan est à la tête de la plus grande puissance militaire de la région et que le dirigeant turc caresse le rêve d’unifier le monde sunnite sous la bannière turque contre le rival chiite iranien, une tâche que ne peut assumer l’autre allié de Washington dans la région, l’Arabie Saoudite. En effet, malgré ses moyens financiers colossaux, cette dernière en est incapable : au Yémen, Riyad est en train de se casser les dents face aux Houthis soutenus par l’Iran. Et l’armada militaire qu’elle a constituée et présentée comme une sorte d’Otan sunnite, est en train de montrer ses limites.
Face à l’Iran, Trump ne peut donc compter que sur la Turquie avec pour terrain de confrontation, la Syrie. En effet, Ankara soutient les mouvements islamistes regroupés au sein de Djeïch Al-Fatah (l’Armée de la conquête), coalition composée de Fatah Cham (ex-Front Al-Nosra, filiale syrienne d’Al Qaïda), les salafistes d’Ahrar Cham, Jund Al-Aqsa et une multitude de groupes islamistes. Une coalition qui, malgré la perte d’Alep, contrôle le nord syrien, à l’abri des tanks turcs.
Quant à lui, l’Iran, et son protégé le Hezbollah libanais, se battent, avec l’appui russe, aux côtés de l’armée syrienne.
En clair, pour Donald Trump et les militaires américains – il n’est entouré que de faucons – l’équation syrienne est simple : il faut rebattre les cartes de la région en modifiant le rapport de force qui penchait nettement en faveur des forces de Bachar tandis que ses services sont en train de plancher pour un soutien plus efficace à Djeïch Al Fatah dans le Nord syrien. D’où le bombardement de la base aérienne syrienne. Mais il veut plus : un soutien sans faille de ses alliés occidentaux qui, bien que mis devant le fait accompli, sont toujours au rendez-vous quoi que fasse l’Amérique, tout en exigeant de ses obligés arabes des pays du Golfe de passer à la caisse pour financer l’effort de guerre.
Plus préoccupant, Donald Trump, à l’inverse de Barack Obama, a donné carte blanche à son armée, déléguant à son ministre de la Défense Jim Mattis et à ses généraux, la conduite des opérations militaires à l’étranger. Ainsi en est-il du largage de la superbombe de 11 tonnes en Afghanistan, en attendant d’en découdre avec la Corée du Nord.
De ces faits, faut-il, au motif que Bachar Al-Assad est un affreux dictateur, fermer les yeux sur les vraies intentions des Etats-Unis soutenus par leurs alliés occidentaux, turcs et arabes, concernant la Syrie et le reste du monde ? Les Etats-Unis, que certains commentateurs avisés s’efforcent de dédouaner de leurs responsabilités dans l’émergence du djihadisme islamiste, disposent de plus de 700 bases militaires dans le monde contre une douzaine pour la Russie ; le budget militaire américain est de 608 milliards de dollars (soit 1,6 milliard par jour) contre à peine 48,4 milliards de dollars pour la Russie et 193 milliards de dollars pour la Chine. Et ce, sans compter le nombre incalculable d’interventions militaires US dans le monde.
H. Z.



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