Chronique du jour : CE MONDE QUI BOUGE
Le plus va-t-en-guerre des Présidents français est parti… sans gloire


Par Hassane Zerrouky
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Ce 14 mai, en regardant Emmanuel Macron descendre les Champs-Elysées et marquer un arrêt à l’endroit où un policier a été tué le 20 avril dernier, je ne pouvais pas m’empêcher de penser à ces milliers d’Algériens brutalement chargés par la police française sur cette même avenue le 17 Octobre 1961, épisode qu’évoque Smaïl Goumeziane dans Fils de Novembre (Ed. Edif 2000). Son père et lui (il avait 16 ans) ne durent leur salut que grâce à la patronne d’un bar situé dans une rue latérale, qui les avait cachés dans la cuisine du bistrot.
Il importe de rappeler ces faits et d’autres, comme la mort de ces sept ouvriers algériens tués par balles le 14 juillet 1953 place de la Nation, pour avoir scandé des slogans indépendantistes et brandi l’emblème algérien, lors d’une manifestation organisée par la CGT et le PCF, si l’on veut réconcilier les mémoires car rien n’est plus cruel que la culture de l’oubli.
Fermons la parenthèse. Le social-libéral Emmanuel Macron succède donc à François Hollande. De ce dernier, on retiendra cette image – c’était le 13 janvier dernier à Gao au Mali – d’un Président français en fin de mandat, faisant une sorte d’adieu aux armes aux 4 500 militaires de la force française Barkhane, quatre ans après l’opération Serval, nom de code de l’intervention française de janvier 2013 au Mali, opération ayant permis de stopper l’offensive djihadiste sur Bamako. Fin décembre 2013, à l’instar de Nicolas Sarkozy qui s’était rendu en septembre 2011 à Benghazi (Libye) fêter la chute de Kadhafi avec son ami Bernard-Henri Lévy (BHL), Hollande était allé prendre un bain de foule à Tombouctou, sans toutefois BHL dans ses bagages.
Juste avant Tombouctou, c’était l’opération Sangari : l’ex-soldat Hollande volait au secours de la Centrafrique aux mains du putschiste Michel Djotodia et des milices islamistes de la Séléka depuis mars 2013. Michel Djotodia, qui avait renversé le corrompu François Bozizé, est chassé du pouvoir par les militaires français. Mais, malgré l’intervention française, l’ex-pays de feu Bokassa, qui s’était proclamé empereur de la Centrafrique en décembre 1977, avec l’appui de son ami l’ex-Président français Giscard d’Estaing que l’autocrate centrafricain avait remercié en l’arrosant de diamants, est loin d’être tiré d’affaire : le pays est, depuis, plongé dans le chaos.
Après Serval, Sangari, Barkhane, la France se lance en septembre 2014 dans une nouvelle intervention guerrière : l’opération Chamal en Irak, contre Daesh qui venait d’établir un Etat à cheval sur l’Irak et la Syrie. Un an plus tard, le 27 septembre 2015, Chamal est étendu à la Syrie : les avions français bombardent Raqqa, le fief de Daesh. Au total, entre septembre 2014 et mars 2017, plus de 6 000 sorties aériennes ont été effectuées en Irak et en Syrie.
L’ex-soldat Hollande a quand même un regret : Sarkozy avait eu la peau de Kadhafi, lui aurait voulu avoir celle de Bachar Al-Assad. Par la faute de Barack Obama qui, non convaincu que l’armée de Bachar aurait fait usage d’armes chimiques contre ses adversaires, avait refusé de bombarder Damas. Reste que la décision du chef d’Etat français d’intervenir en Syrie, officiellement contre Daesh, a sans doute poussé la Russie à intervenir à son tour en Syrie le 30 septembre, trois jours après les premiers bombardements français.
L’entrée en guerre de la Russie en Syrie, puis la chute d’Alep un an plus tard, le 7 décembre 2016, ont donc fini par ruiner le rêve de Hollande d’en découdre et d’en finir avec Bachar Al-Assad. Résigné, lui qui répétait sur tous les toits qu’il n’est pas question que le dictateur syrien fasse partie d’une solution de sortie de crise, basée sur un compromis acceptable par tous les protagonistes syriens, ne posait plus le départ de Bachar comme un préalable à des négociations de paix. Et suprême humiliation, la France n’est plus invitée à la table de négociations. Quant à ses «amis syriens», dont l’ex-CNS (Conseil national syrien) que la France avait reconnu prématurément dès 2012, après avoir déclaré persona non grata Mme Lamia Chakkour, l’ambassadrice de Syrie à Paris, Hollande les a tout bonnement abandonnés en rase campagne. En résumé, celui qui aura été le Président le plus interventionniste, pour ne pas dire le plus va-t-en-guerre, des dirigeants français de la 5e République – il aura fait quatre guerres – a quitté sans gloire le pouvoir : aucun objectif guerrier qu’il s’était fixé n’a été atteint et les islamo-wahhabites sont toujours là. L’avenir nous dira si sous le mandat d’Emmanuel Macron, Paris va se livrer à un inventaire salutaire de sa politique étrangère, renoncer à l’atlantisme, pour ne pas dire impérialiste, avec lequel avaient renoué Nicolas Sarkozy puis François Hollande. Contrairement à Jacques Chirac…
H. Z.



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