Reportage : Le braconnage se fait au vu et au su de tout le monde
Qui arrêtera le massacre de la faune du Djurdjura ?


Depuis plusieurs années, un phénomène nouveau est apparu dans les mœurs de la société sans que les pouvoirs publics, ou du moins les premiers responsables concernés, puissent faire grand-chose : il s’agit du braconnage des espèces animales vivant dans les forêts voisines et même dans le périmètre du Parc national du Djurdjura ou PND, organisé régulièrement et à longueur d’année par des groupes de jeunes dans le seul but de se distraire, mais qui a pour effet, et à chacune de ces «battues», la mise à mort, parfois d’une manière atroce, d’animaux sauvages, répertoriés pourtant espèces à protéger.
Selon des citoyens de la région de M’chedallah qui activent au sein de l’association «Les amis de la nature», depuis quelques années, plusieurs groupes de jeunes et même d'adultes, venant depuis la lointaine Tazmalt dans la wilaya de Béjaïa, mais également des gens natifs de Bouira, spécialement de la région de M’chedallah, organisent des battues dans le seul but de s’amuser en traquant les bêtes sauvages.
Ce drôle de jeu avait commencé dans un premier temps le long de l’oued Sahel et ses environs ; des jeunes s’adonnant à cœur joie au dénichage des rares animaux sauvages, surtout les sangliers et autres chacals qui s'y cachent lorsqu’ils sont, dans leur quête de nourriture en s'aventurant hors de leur habitat naturel des forêts voisines ainsi que dans le PND, surpris par le lever du jour, en attendant la nuit prochaine pour regagner en toute tranquillité leur cache.
Au fil des années, ces jeunes qui ne laissent aucun animal tranquille et où même les nids d'oiseaux rapaces comme l’aigle ou le passereau, ou ceux des cigognes migratrices sont détruits en jetant à même le sol les œufs et parfois les petits, ne trouvant rien au niveau de ces oueds, ont commencé à se hasarder dans les forêts, principalement celles situées au nord de l’oued Sahel, c’est-à-dire directement en contact avec le PND, puisque l’autre versant de l’oued, la forêt Tamellahth, est dangereuse et contiendrait, outre les terroristes qui continuent encore à l'infester, des mines posées par ces derniers.
Aussi, au fil des années, ces groupes de jeunes qui furent suivis entre-temps par d’autres ont pris comme terrain de prédilection pour leur loisir ce vaste périmètre compris entre la région de Haïzer jusqu’à Takerboust, particulièrement dans la vaste forêt située au sud de Tikjda, ainsi que la forêt de M’chedallah et le massif de Tala Rana dans le nord de Saharidj qui fait partie du PND.
Des groupes dont le nombre dépasse la vingtaine, armés de gourdins et accompagnés de leurs chiens dont certains, des dogs argentins, peuvent, selon un des membres de ladite association, Boukrif Hamza, qui rappelle avoir alerté qui de droit depuis plusieurs mois, en vain, peuvent arracher d’un seul coup de mâchoire un morceau de chair à un sanglier, mais également des dogs allemands, des pitbulls, etc. Leur nombre atteint parfois la cinquantaine.
Ainsi, à longueur d’année, ces groupes de jeunes organisent, surtout durant les week-ends, des expéditions dans un air de fête en balayant tout un périmètre, ne laissant aucun coin tranquille, de sorte qu’à la fin, pas un animal ne pourra échapper à ces hordes sauvages.
Ainsi, hyènes, genettes, mangoustes, porcs-épics, sangliers, chacals, hérissons, renards, sangliers et même les perdrix et autres oiseaux qui nidifient soit à même le sol ou dans ces petits buissons sont pourchassés, alors que d’après les lois de la République et la classification des parcs nationaux, le PND est classé mondialement comme aire protégée, tant par sa flore que par sa faune dont beaucoup d’espèces animales et végétales sont uniques au monde. Le comble, comme pour rendre donner à leur jeu favori encore plus de folie et d’attrait, ces expéditions sont filmées et les victimes du jour mises en ligne sur les pages Facebook de certains participants. Dans ces pages, on ose même montrer les procédés de capture de certains animaux sauvages comme l’hyène où ces gens inconscients montrent comment on dresse une cage à travers les petits bois avec une seule ouverture en mettant à l’intérieur un poulet mort comme appât, avant de piéger la pauvre bête à l’intérieur et la livrer à la merci de ces chiens de race, élevés dans les techniques de combat.
«Tout cela est malheureusement filmé et montré à la face du monde et arboré comme gloire de la part des jeunes qui agissent le plus souvent par méconnaissance des lois de la République qui protègent les animaux», dira Hamza Boukrif qui n’a cessé de dénoncer à travers sa page Facebook ces agissements. Des jeunes qui exterminent des espèces rares et protégées par l’ONU et qui sont aujourd’hui la propriété de l’humanité.
Même les sangliers dont on ne dit que du mal avec les ravages qu’ils causent dans nos cultures doivent être protégés et si battues il devrait y avoir, celles-ci doivent être réglementées en comptant auparavant leur nombre et surtout les sujets qui doivent être abattus, leur sexe, leur âge, etc., afin de ne pas les exterminer, car les sangliers sont d'un côté nécessaires comme nourriture pour les autres félins et carnivores qui vivent dans ce milieu naturel qu'est le PND, ensuite, les bêtes abattues lors des battues serviront pour les félins et autres carnivores vivant dans des parcs zoologiques du pays.
Pour rappel, le Parc national du Djurdjura qui s’étale sur 18 000 hectares entre les wilayas de Tizi-Ouzou et Bouira et dont le point culminant est le pic de Lalla Khadidja à 2 308 m, est classé réserve mondiale de biosphère par l’ONU en 1997.
Il compte en son sein quelque 990 espèces floristiques dont 32 endémiques et uniques au monde, 145 espèces rares et 70 très rares. Pour les espèces faunistiques, il existerait 23 espèces qui y vivent dont 10 protégées comme l’hyène rayée, la genette et la mangouste et bien entendu, le singe magot. Pour les oiseaux, il existe 122 espèces dont l’aigle royal, le gypaète barbu, le percnoptère, etc.
Aussi au vu de toutes ces richesses tant floristiques que faunistiques, si les pouvoirs publics ne réagissent pas à temps pour arrêter ce massacre et surtout si des campagnes de sensibilisation ne sont pas menées envers ces jeunes, par leurs parents d’abord, il n’est pas étonnant de voir dans un futur proche, non pas des chiens traquer ou encercler des animaux rares et les attaquer jusqu’à la mort, mais des combats entre des hordes de jeunes et à coups de pierres avec les colonies de singes magot jusqu’à leur extermination pour créer le buzz à travers la Toile.
Des scénarios terribles mais malheureusement très probables.
Yazid Yahiaoui



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