Actualités : LE 28 JUIN 1957, TOMBAIT AU CHAMP D’HONNEUR MALIKA
GAÏD, UNE ICÔNE DE LA GUERRE DE LIBÉRATION
Contre le crime de l’oubli
«Lorsqu’elle a reçu trois balles à l’abdomen et deux
balles à la poitrine de l’arme d’un harki qu’elle avait giflé, elle est
tombée sans le moindre cri de douleur.»
A 24 ans, le 28 juin 1957, Malika Gaïd tombait au champ d’honneur à
l’issue d’un combat contre l’armée française. Elle aurait maintenant 84
ans – elle est née le 24 août 1933 — si elle n’avait pas fait le choix
d’offrir sa vie, les armes à la main, comme gage à la dignité et la
liberté de son peuple et de sa patrie. Elle a donné sens à sa vie en la
dédiant au sacrifice et au patriotisme des Algériennes. Elle restera à
jamais une icône d’un grand combat libérateur. A la fleur de l’âge, elle
a eu la grandeur de mettre sa vie sur l’autel du sacrifice.
Malika Gaïd, benjamine d’une famille de 7 filles et garçons, fait partie
de cette frange juvénile restreinte de la Kabylie orientale qui avait
les moyens de vivre une vie d’insouciance mais elle a fait le choix
d’endosser les soucis de son temps, de son peuple et de sa terre.
Malika est la fille d’un foyer qu’on pouvait classer dans les années
cinquante dans la petite bourgeoisie des montagnes des Ath Yala (Guenzet),
en Petite-Kabylie dans le nord de Sétif. En dépit de sa relative aisance
matérielle et, surtout, intellectuelle, la famille Gaïd s’est donnée
corps et âme à la cause nationale donc à notre dignité et notre liberté.
Malika a hérité des gènes révolutionnaires des parents. L’engagement de
cette famille a poussé ses membres à sillonner le pays pour prodiguer
l’éducation, sensibiliser le peuple et contribuer à la construction des
structures et des instances qui seront plus tard les outils politiques
de la libération du pays du joug colonial. Tous ses frères et sœurs sont
nés à Tamourth, c'est-à-dire au village de Thimenkache, à quelques
encablures de Djeddi Yala où, dit la légende, l’ancêtre des Ith Yalas,
quittant la Kalaâ des Beni Hamed pour échapper à la furie destructrice
des Beni Hilal, s’était établi sur le flanc de la montagne.
Mohand Amokrane, le père de Malika, enseignant à Titest puis à Ath
Ouartilane – il avait comme élève un certain Fodhil El-Ouartilani —
devait renoncer à son identité de musulman algérien pour pouvoir être
titularisé et intégré au corps de la Fonction publique française.
Quittant donc l’enseignement et la région des Ath Yala, il a été
embauché par la CFRA, l’ancêtre de la RSTA et de l’actuelle Etusa à
Belcourt, Belouizdad actuellement.
La future moudjahida qui sera la seule femme à assister au Congrès de la
Soummam en qualité d’infirmière des participants verra donc le jour à
Belcourt à la date indiquée. Plus tard, Malika Gaïd intégrera l’école
des infirmières de Sétif. Une fois le diplôme en poche, elle travaillera
à l’hôpital de Kherrata avant de revenir au pays de ses parents à
Guenzet pour occuper son poste au centre de santé de la localité.
«Lorsqu’elle a reçu trois balles à l’abdomen et deux balles à la
poitrine de l’arme d’un harki qu’elle avait giflé, elle est tombée sans
le moindre cri de douleur», rappelle son frère Tahar. C’était le 27 juin
1957, dans la montagne de la commune de Saharidj, à l’est de la wilaya
de Bouira. Mais avant cet instant, la martyre s’est battue les armes à
la main pour défendre contre la horde d’assaillants de l’armée française
et de harkis la grotte où se trouvaient les blessés de l’ALN. Une fois
ses munitions épuisées, elle n’avait pas cessé de crier «Tahia El
Djazaïr». Bien que captive, elle ne s’est pas avouée vaincue.
Humiliation suprême infligée à un traître, elle l’a giflé. Tahar relate
le comportement de sa sœur bien avant le 1er Novembre 1954. «En 1953,
nous habitions Bordj-Bou-Arréridj. Comme nous étions des militants du
PPA, nos responsables nous avaient chargés de coller des affiches
exigeant la libération de Messali Hadj. Au centre-ville, il y avait tant
de policiers que nous n’avions pas osé faire notre travail. C’est elle
qui est sortie, toute seule, à une heure du matin pour coller les
affichettes.» Elle n’avait que 20 ans. Rien ne semble tempérer
l’ambition de la jeune fille d’apporter sa contribution au combat
libérateur de son peuple. «En octobre 1955, elle fait, toute seule, le
voyage de Guenzet vers Alger. Comme je travaillais avec Abane Ramdane,
elle m’a demandé de solliciter pour elle l’autorisation de monter au
maquis. Seulement, Abane était réticent parce que selon lui, la société
algérienne n’était pas encore prête à voir une femme au maquis», nous
dira Tahar.
Mais le destin de l’héroïne prendra un tournant décisif lors de sa
rencontre avec celui qui deviendra la hantise de l’armée française,
Amirouche en l’occurrence.
A Guenzet où elle était infirmière, Malika était dans son élément. Et
pour cause, en 1956, les combattants de ce qui deviendra après le
Congrès de la Soummam, l’Armée de libération nationale (ALN), étaient en
nombre dans cette région montagneuse. Ils avaient pour mission
principale, d’éradiquer le maquis de Bellounis, installé au mont de
Thilla. Une fois les forces de Bellounis chassées, Guenzet est devenue
un territoire libéré. Ce que l’armée française ne pouvait concéder
d’autant plus que la région était une place stratégique et une terre
d’où sont sorties des figures de proue de la guerre de Libération.
L’armée française y déploya une force colossale pour marquer sa
présence. Amirouche, qui était le responsable de la région, conseilla
donc à Malika de rejoindre le maquis. Elle n’attendait que cela.
Elle a toutefois émis une condition, «ne pas se limiter au seul rôle de
simple infirmière : avoir sa tenue militaire et son arme de guerre»,
confiera Tahar. D’ailleurs, à sa mort, Amirouche avait écrit une lettre
à la famille de la chahida dans laquelle il témoigna que non seulement
la cause nationale a perdu une femme qui soignait des combattants et qui
remontait le moral aux moudjahiddine mais une réelle combattante.
Ghafir Mohand, dit Moh Clichy, ancien cadre de la Fédération de France
et natif de Guenzet, dit, en hommage à cette héroïne : «Le Djurdjura a
Fatma N’soumer, le mont de Guenzet a Lalla Malika.» Au regard du
parcours de Malika Gaïd, la comparaison n’est pas superflue.
Abachi L.
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