Corruptions : Décret publié au Journal officiel
Tout ce qu’il faut savoir sur les missions de l’Inspection générale
auprès du Premier ministère
Dans «Le Soir corruption» du lundi 3 juillet 2017,
nous avions présenté le projet de création d’une inspection générale
auprès du Premier ministre. Le décret de ce nouvel organe vient d’être
publié au Journal officiel n°38 du 29 juin 2017 qui a été mis en ligne
il y a quelques jours.
Ce décret exécutif n°17-205 du 28 juin 2017 porte création d’une
inspection générale auprès du Premier ministre et fixant ses missions et
son organisation. Il est donc créé auprès du Premier ministre une
inspection générale dénommée ci-après l’inspection. L’inspection est un
organe d’information et d’évaluation de la mise en œuvre des politiques
publiques arrêtées dans le cadre du plan d’action du gouvernement. Dans
ce cadre, elle est chargée de mener des missions d’inspection, de
contrôle et d’évaluation, notamment sur : l’application de la
législation et de la réglementation régissant le fonctionnement des
services de l’Etat, des collectivités territoriales, des entreprises,
organismes et structures en relevant ainsi que des organismes privés
bénéficiant du concours financier de l’Etat ; l’application et la mise
en œuvre des instructions et décisions du président de la République et
du Premier ministre ainsi que celles arrêtées en Conseils des ministres
et en réunions du gouvernement ; la réalisation des projets
d’investissement et de développement ; la qualité de la gestion des
services suscités et de leurs prestations.
10 à 20 inspecteurs seulement !
L’inspection est dirigée par un inspecteur général assisté de 10 à 20
inspecteurs. Les fonctions d’inspecteur général et d’inspecteur sont des
fonctions supérieures de l’Etat, classées et rémunérées par référence
respectivement aux fonctions de chargé de mission et de directeur
d’études auprès des services du Premier ministre.
La répartition des tâches et le programme de travail des inspecteurs
sont fixés par le Premier ministre, sur proposition de l’inspecteur
général.
L’inspecteur général anime, coordonne et suit les activités des
inspecteurs.
L’inspecteur général reçoit, dans la limite de ses attributions,
délégation de signature du Premier ministre. L’inspection intervient au
moyen de missions de contrôle qui peuvent être inopinées ou annoncées.
Elle peut, en outre, être chargée par le Premier ministre de missions
d’enquête sur des situations particulières ou exceptionnelles.
L’inspection s’appuie, dans ses interventions, sur le concours et la
collaboration des organes d’inspection et de contrôle ainsi que des
structures centrales et locales de l’administration concernée.
Eviter toute ingérence dans la gestion des services inspectés
Les inspecteurs peuvent être assistés, dans le cadre de l’exercice de
leurs missions, par des agents mis à leur disposition, par
l’administration centrale concernée, et choisis en raison de leur
responsabilité et leurs compétences. Dans le cadre de leurs
interventions, l’inspecteur général et les inspecteurs sont habilités à
demander toute information et à consulter et reproduire, le cas échéant,
tout document lié à l’activité de la structure inspectée. Tout refus
opposé aux demandes de présentation, de communication ou de
renseignement formulées par les inspecteurs et toute entrave à
l’exercice de leurs missions, pour quelque motif que ce soit, sont
portés, sans délai, à la connaissance de l’autorité hiérarchique
concernée qui doit prendre les mesures nécessaires à cet effet et en
informer l’inspection. Les inspecteurs sont tenus, dans l’exercice de
leurs missions, y compris après leur cessation de fonction, notamment :
de préserver, en toute circonstance, le secret professionnel sur les
faits constatés, au cours de leur mission ; d’éviter toute ingérence
dans la gestion des services inspectés, en s’interdisant
particulièrement toute injonction susceptible de mettre en cause les
prérogatives dévolues aux responsables desdits services ; de restituer,
en l’état, les documents consultés.
Rapport annuel d’activités non rendu public
L’inspecteur est tenu, en cas de constatation de faits graves, portant
préjudice au bon fonctionnement du service, organisme et structure
inspectés, saisir immédiatement, par rapport, l’autorité hiérarchique ou
de tutelle concernée, pour prendre, le cas échéant, toute mesure
conservatoire jugée utile et en informer l’inspection. Toute mission
d’inspection est sanctionnée par un rapport que l’inspecteur général
adresse au Premier ministre.
L’inspecteur général élabore un rapport annuel d’activités, dans lequel
il formule ses observations et suggestions portant sur le fonctionnement
des services cités à l’article 2 ci-dessus, qu’il adresse au Premier
ministre.
LSC
L’inspection, un organe de plus, un organe de trop ?
Le 23 juin dernier, le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune,
annonçait, nous citons : «la création, au niveau du Premier ministère,
d'une inspection générale qui a pour mission de contrôler les finances
publiques et conférer davantage de transparence au financement et à la
réalisation des projets publics» et que «le gouvernement procédera
prochainement et pour la première fois à la mise en place d'une
inspection générale au niveau du Premier ministère, regroupant toutes
les compétences économiques, financières et juridiques qui se penchera
sur les problèmes majeurs en matière de marchés publics».
Nous avions aussi noté, citation : «Cette inspection aura pour mission
le contrôle minutieux des finances publiques, notamment les marchés
nécessitant des fonds conséquents», avait indiqué le Premier ministre
,M. Tebboune, ajoutant : «Nous parviendrons, à travers cette commission
et avec le concours de tous les ministères concernés, à la transparence
que nous nous sommes engagés à conférer en matière de marchés publics et
à l’augmentation du rendement des investissements lancés.»
Cafouillage dans la dénomination
Nous remarquerons — au vu des propos du Premier ministre rapportés
par l’APS (Algérie presse service, agence gouvernementale) —, que ce
dernier avait mis en avant deux dénominations à propos de ce nouvel
organe chargé de se pencher sur «les problèmes majeurs en matière de
marchés publics» : inspection générale et commission. Selon telle ou
telle appellation, la signification n’est pas la même et chacune n’aura
pas le même poids réglementaire.
Si le choix se porte sur une inspection générale, il faudra visiblement
revoir et compléter le support réglementaire relatif aux missions du
Premier ministère. Si c’est uniquement une commission — une de plus —,
malheureusement, on en connaît le sort à très court terme. Le projet
n’étant pas très mûr et impliquant nombre de ministères, selon les
propos du Premier ministère, on s’achemine plutôt vers la mise en place
d’une commission simplement consultative qui aurait à fournir des
propositions sur la pertinence du choix des grands projets liés à la
commande publique, voire à suggérer un arbitrage aux décideurs.
La montagne qui accouche d’une souris !
Toujours au vu des déclarations officielles du 23 juin dernier, nous
considérions qu’il était fort probable que dans les semaines à venir
nous en saurons plus sur les objectifs exacts et les contours de cette
inspection générale ou de cette commission auprès du Premier ministre,
ce dernier devant certainement signer une circulaire dans ce sens et
qu’il serait souhaitable de la rendre publique. Il y va de la bonne
utilisation de l’argent public, transparence oblige. Puis, première
surprise à la parution du décret de Tebboune sur cette inspection (JO du
29 juin 2017) : on a la nette impression que les pouvoirs publics ont
fait marche arrière et que c’est la montagne qui accouche d’une souris !
Cette inspection, finalement, aura uniquement une mission d’information
et d’évaluation. On est très loin des objectifs déclarés par Tebboune le
23 juin dernier où il parlait de contrôle : entre les déclarations du 23
juin et la parution du texte, les objectifs ont été revus à la baisse.
Pourquoi avoir revu à la baisse les objectifs de cette inspection ?
Visiblement, il n’y a pas eu de consensus au sein du pouvoir sur
l’opportunité d’un tel organe. Il y a, visiblement, des courants au sein
du pouvoir qui craignaient les fonctions de contrôle des marchés publics
que pouvaient avoir cette inspection.
Il est vrai par ailleurs que, par rapport aux objectifs initiaux, cette
inspection pouvait faire double emploi avec l’IGF sous tutelle du
ministère des Finances, une IGF qui, au demeurant, ne fonctionne pas
beaucoup. Le pouvoir ne veut pas de véritable organe de contrôle
effectif de l’utilisation de l’argent public.
Il ne veut ni d’une IGF ni d’une Cour des comptes, encore moins d’une
inspection aux mains du Premier ministre, ce qui pourrait donner à ce
dernier un peu trop de pouvoir, et ça, il n’en est pas question.
Djilali Hadjadj
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