Contribution : Les mathématiques en deuil : Maryam Mirzakhani est morte
Par le professeur Chems eddine Chitour
Ecole polytechnique d’Alger
«C'est un grand honneur et je serai heureuse si cela encourage de jeunes
femmes scientifiques et mathématiciennes. Je suis convaincue que de
nombreuses autres femmes recevront ce type de récompense dans les
prochaines années.»
Maryam Mirzakhani à l’annonce de la médaille Fields (site de Stanford)
«Une triste nouvelle pour la plus élégante des sciences : les
mathématiques. Maryam Mirzakhani est morte. Elle avait 40 ans et la vie
devant elle. Le destin en a décidé autrement. Une lumière s'est éteinte
aujourd’hui. Cela me brise le cœur..., partie bien trop tôt», a écrit
Firouz Michael Naderi, scientifique américano-iranien et ancien de la
Nasa, sur Twitter et Instagram au petit matin samedi. «Un génie ? Oui,
mais aussi une fille, une mère et une épouse.»
«En 1994, écrit Najafi, conseiller du président Rohani, alors que
j'étais responsable du ministère de l'Éducation, à notre grande
surprise, Maryam a battu nos attentes, en remportant une médaille d'or à
l'Olympiade internationale de mathématiques en tant que première
étudiante iranienne à le faire. Mirzakhani est un bijou pour toutes les
femmes iraniennes et pour toutes les femmes du monde entier. Elle est un
modèle pour être humble et humain ainsi que ses capacités
intellectuelles et académiques.» «Mais ce qui m'a impressionné encore
plus que son génie, ce sont ses vertus qui l'ont fait un être humain
complet. Au cours des années, elle a voyagé plusieurs fois en Iran pour
partager ses résultats de recherche avec des mathématiciens iraniens,
elle aime son pays, perdre cher Maryam à un si jeune âge apportera un
immense chagrin au monde des mathématiques et à la communauté
scientifique iranienne, car elle peut encore contribuer de manière
inestimable à la reconnaissance et à la compréhension des sciences
mathématiques.»(1)
Qui est Maryam Mirzakhani ?
Elle fut élève du lycée Farzanegan de Téhéran, un lycée pour jeunes
filles surdouées dépendant du Sampad, l'Organisation pour le
développement des talents exceptionnels. Elle est lauréate des
Olympiades internationales de mathématiques en 1994 à Hong Kong et de
celles de 1995 à Toronto, où elle établit un score parfait. Mirzakhani
obtient un BSC en mathématiques en 1999 de l'université de technologie
de Sharif à Téhéran, et un doctorat de mathématiques de Harvard en 2004,
sous la direction du lauréat de la médaille Fields, Curtis McMullen. En
septembre 2008, elle est nommée, à l'âge de 31 ans, professeur de
mathématiques à Stanford après avoir été maître de conférences à
l'université de Princeton. Voici l'introduction et la conclusion d'un
document de l'Union mathématique internationale consacré à la
mathématicienne à l'occasion de la remise de la médaille Fields(2) :
«Maryam Mirzakhani a apporté des contributions frappantes et très
originales à la géométrie et à l'étude des systèmes dynamiques. Son
travail sur les surfaces de Riemann et sur les espaces de modules met en
relation plusieurs disciplines mathématiques — la géométrie
hyperbolique, l'analyse complexe, la topologie et la dynamique — et les
influence à son tour. À cause de sa complexité et de son inhomogénéité,
l'espace des modules a souvent semblé ne pas être propice à une étude
directe. Mais pas aux yeux de Mirzakhani. Elle est dotée d'une forte
intuition géométrique qui lui permet d'appréhender directement la
géométrie de l'espace de modules. Familière avec une remarquable
diversité de techniques mathématiques et de cultures mathématiques, elle
incarne un équilibre rare entre des performances techniques superbes,
une audacieuse ambition, une vision qui porte loin et une curiosité
profonde. Mirzakhani est destinée à rester à la pointe de cette
exploration qui continue.»
«Enfant, Maryam Mirzakhani rêvait d'être écrivain mais la fièvre des
chiffres et des équations la prend au collège, pour ne plus la quitter.
Ses récompenses furent nombreuses. Notamment le prix Blumenthal 2009
pour l'avancement de la recherche en mathématiques pures et le prix
Satter 2013 de l’American Mathematical Society. Maryam Mirzakhani était
devenue, en 2014, la première femme lauréate de la plus prestigieuse
récompense en mathématiques.»
Les olympiades de mathématiques
Les premières Olympiades internationales de mathématiques se sont
déroulées en 1959 en Roumanie. Depuis, elles ont eu lieu tous les ans,
sauf en 1980, en raison de dissensions internes.
Actuellement, plus de 100 pays des cinq continents y participent, les
élèves doivent avoir moins de 20 ans et ne pas avoir commencé leurs
études supérieures, mais aucune limite n'est imposée quant au nombre de
participations. L'épreuve consiste à résoudre sur deux jours, en deux
séances de 4 heures et demie, deux séries de trois problèmes issus de la
géométrie plane, de l'arithmétique, des inégalités ou de la
combinatoire. Leur résolution fait appel plus au raisonnement qu'à des
connaissances sophistiquées : les solutions sont souvent courtes et
élégantes.
Après avoir boudé pendant une dizaine d’années ces olympiades du fait de
résultats catastrophiques, l’Algérie a renoué depuis quelques années
avec les concours. Ainsi elle participe aux Olympiades internationales
de mathématiques qui se déroulent cette année à Rio de Janeiro (Brésil),
du 12 au 23 juillet, et est représentée à cette prestigieuse compétition
intellectuelle et didactique par un groupe des meilleurs élèves, composé
de six lycéens, dont une fille.
On se souvient que le Premier ministre Abdelmalek Sellal avait honoré à
Alger les meilleurs élèves algériens ayant participé à l'Olympiade
internationale de mathématiques qui s'est déroulée en Thaïlande du 8 au
16 juillet 2015. Les élèves algériens ont occupé des places honorables à
ce concours international auquel ont pris part 104 pays. L'Algérie a été
classée pour la première fois à la 62e place à l'échelle mondiale grâce
à la performance des élèves Hamdi Yacine (médaille d'argent) et Saadi
Fayçal (médaille de bronze). Ilyès Hamdi et Souheïb Abdeldjalil Alout
ont obtenu des mentions honorables à cette manifestation qui a propulsé
l'Algérie à la tête du classement au niveau maghrébin, à la deuxième
place sur le continent africain et à la troisième place au niveau arabe.
Et en Algérie ?
L’année de la médaille Fields de Maryam Mirzakhani avait correspondu en
Algérie à un événement attristant, celui d’un mimétisme ravageur d’un
Occident qui met en œuvre une macdonalisation des cultures. Il fallait
singer l’Occident non pas dans ses prouesses technologiques mais dans ce
qu’il a de plus débilisant. Ainsi dans une de mes contributions, j’avais
étalé mon désespoir suite à l’élection de Miss Algérie 2014 au moment ou
Maryam Mirzakhani recevait la médaille Fields, l’équivalent du prix
Nobel de mathématiques : «(…) Dans l'Algérie de 2014, plus que jamais,
le peuple est ‘’accompagné’’ dans ce qu'il y a de plus stérile en termes
d'intelligence, de créativité. Ainsi, rituellement, comme au temps de
l'Empire romain décadent, on distrait la plèbe, la canaille, les
‘’sans-dents’’, dirait le président Hollande, avec du pain et des jeux
de cirque : ‘‘Panem et circenses’’. On flatte toutes les pulsions
débilisantes avec les émissions de type ‘‘Star'ac’’, encore un autre
mimétisme, avec des chanteurs payés à prix d'or, sans compter
naturellement l'opium du peuple qui nous coûte les yeux de la tête, le
football et le marécage de sa gestion avec, en prime, un comportement de
hooligans dans les stades. La faute ne vient pas des organisateurs
lampistes lambda qui n’ont fait que mettre en musique une ‘‘demande
sociale’’. Elle vient plus globalement de l’errance, de l'état d'esprit
qui fait le manque de cap culturel, le désarmement moral, le
laisser-aller sans stratégie d'ensemble qui font fait que chacun se
croit autorisé à faire ce que bon lui semble, à être dans l'air du
temps, à singer ce que l’Occident a de plus pervers, alors que le pays
risque de s'effriter identitairement et est en passe de rater le train
du progrès.»(3)
Avec une lucidité remarquable l’universitaire Aissa Hirèche fait avec
humour, mais aussi avec une rage contenue, le procès de cette déchéance
et de ce désarmement culturel : «A force de regarder les concours des
miss ailleurs, les nôtres ont d'abord cru que c'est une obligation que
d'en avoir chez nous. On fait appel à quelqu'un de célèbre et on lui
donne l'image du pays entre les mains. On l'a déjà fait avec Maradona,
vous souvenez-vous ? C'était pour lancer la 3G. Ah ! la fameuse 3G. Or,
qui pourrait rehausser le concours national de Miss Algérie 2014, ce
concours sans lequel nos universités resteraient les dernières au monde
et nos hôpitaux continueront à être des mouroirs ? (...) (..) Nous
sommes classés derniers partout, dans tous les domaines et, au lieu
d'organiser des concours du meilleur innovateur, de la meilleure
entreprise, et toutes ces choses qui font motiver les gens au travail,
tout heureux, nous organisons des concours de miss que nous veillons
bien, ensuite, à gâcher.» (4) De ce fait, pendant que les Algériens
s'occupent à se divertir en empruntant la pente dangereuse de la
facilité — pour se changer les idées —, le monde avance. Les Algériennes
et les Algériens seraient bien inspirés de suivre des personnes
admirables qui sont des exemples à suivre. Justement, une information
passée inaperçue, celle de l'octroi de la médaille Fields, l’équivalent
du prix Nobel de mathématiques, en août 2014, pour la première fois, à
une femme, une musulmane de 37 ans ! Maryam Mirzakhani. Coup double !
L’Iran n’est pas synonyme de goulag, comme le martèle l’Occident !
En Iran : un système éducatif élitiste et républicain
Maryam Mirzakhani fut élève au lycée Farzanegan de Téhéran, qui dépend
de l'Organisation pour le développement des talents brillants, dont le
but est de repérer les élèves surdoués ou en tout cas les meilleurs, à
travers des concours nationaux, au collège et au lycée. Les lauréats
font alors leurs études dans des établissements spécifiques avec un
programme beaucoup plus poussé que dans la filière classique. «(...)
Contrairement aux idées reçues, en Iran, les femmes sont bien plus
présentes que les hommes à l'université. (...) Par ailleurs, en Iran,
l'enseignement secondaire a été libéralisé à outrance, les
établissements publics ont aujourd'hui un niveau très médiocre comparé à
ceux du secteur privé qui coûtent très cher. Et la concurrence est rude
entre les écoles privées qui vantent leur nombre d'admis aux concours
d'entrée aux universités, un concours ultrasélectif. Pour étudier à
l'université Sharif de Téhéran, il faut ainsi finir parmi les cent
premiers sur environ un million de participants. Le système éducatif
iranien est donc devenu au fil du temps ultraélitiste, basé sur une
compétition incessante, organisée depuis le collège et jusqu'à
l'université. Selon le quotidien Shargh, 76% des Iraniens médaillés dans
les olympiades internationales en mathématiques, entre 1993 et 2013, se
trouvent actuellement dans les plus grandes universités américaines
(...) Après avoir passé les premières années universitaires à Sharif,
elle choisit de partir pour obtenir un doctorat à Harvard, avant de
traverser les Etats-Unis pour enseigner à Stanford, en Californie.»(5)
Il a fallu donc attendre 78 ans avant que la médaille Fields ne soit
décernée à une femme. L'annonce a été faite lors du Congrès
international des mathématiques qui s'est tenu à Séoul, en Corée du Sud.
Le président iranien, Hassan Rohani, a posté un tweet félicitant Maryam
Mirzakhani, lauréate de la médaille Fields de
mathématiques. «Félicitations à celle qui devient la première femme à
remporter la médaille Fields et rend les Iraniens très fiers», écrit le
dirigeant de la République islamique sur son fil Twitter.
Les femmes de la République islamique
Une contribution intéressante nous permet de situer la place de la femme
iranienne dans la société. On remarque que cette place est de loin plus
enviable que dans les autres sociétés musulmanes, en tout cas dans la
dimension éducation et conditions de travail. : «Derrière chaque grand
homme se trouve une femme plus grande, comme le dit le célèbre dicton.
Si je peux ajouter humblement, derrière chaque grande nation se trouve
une grande montagne d'hommes et de femmes innovantes, résilientes et la
porte-parole de Mahan Business School, Mme Ayda Mir-Elmasi, déclare que,
dans le domaine éducatif, plus de la moitié du personnel sont des
femmes.
L'un des engagements les plus importants de la Révolution islamique
était de fournir une éducation universelle aux Iraniens, indépendamment
du genre et de la classe sociale. Aujourd’hui plus de 60% des
universitaires sont des femmes. Selon la Banque mondiale, les femmes
iraniennes se répartissent uniformément dans les secteurs économiques de
l'éducation, de l'agriculture, de l'administration et des finances.»(5)
Les femmes iraniennes ont occupé des postes influents dans diverses
disciplines, allant des arts aux sciences humaines et des sciences, et
ont reçu des éloges et des reconnaissements à l'échelle nationale et
internationale. Dans les arts, Mme Rakhshan Bani-E'temad est une célèbre
réalisatrice et scénariste iranienne internationalement connue. Elle est
souvent décrite comme la «Première Dame du cinéma iranien», après avoir
reçu le meilleur prix du scénario au 71e Festival international du film
de Venise.
De plus, en sciences, tout en rompant les frontières liées au genre, la
première femme musulmane et le premier Iranien à se rendre à la station
spatiale internationale était
Mme Anousheh Ansari en 2006. De même,
Mme Maryam Mirzakhani a fait de l'histoire en 2014 en tant que première
femme et la première Iranienne à être honorée du prix le plus
prestigieux en mathématiques, la médaille Fields. Elle est actuellement
professeur de mathématiques à l'Université de Stanford.(6)
Est-ce étonnant de la part des héritiers de l’empire perse de Darius ?
Du point de vue contribution au patrimoine de l´humanité, on doit aux
Perses la diffusion de l’alphabet et l’écriture, la Route de la soie,
les contes des Mille et Une Nuits. Pour l'histoire, la Perse (Iran
actuel) était le berceau de la civilisation.
Elle a toujours eu une grande contribution aux progrès mathématiques et
scientifiques grâce aux grands hommes comme al-Khawarizmi (l'inventeur
de l'algèbre), Omar Khayyam (résolution des équations du 3e degré par la
méthode graphique...), Al Birouni, Avicenne, Kashani, Nasserdine
Attoussi Razi,dit Al Razes (médecin et chimiste) et beaucoup
d'autres.(7) (8)
Tous ces scientifiques étaient persans et musulmans ! Ils n'étaient pas,
il faut le souligner, arabes ! Plus près de nous, Ebay est une création
de M. Omidyar, le vice-président de Google est M. Omid Kordestani, le
maire de Beverly Hills est Jamshid Delshad... Shirin Ebadi est la seule
femme musulmane à avoir reçu le prix Nobel. Au niveau scientifique, ces
dernières années, on pourra retenir le nom du Pr Ali Javan, l’inventeur
du laser à gaz (1960). En médecine, le cœur artificiel a été inventé par
le Dr Toffy Musivand. La première greffe de rein est iranienne (1967 à
Chiraz) et de même la première greffe de foie (1995).(7) (8)
De nos jours, l’Iran est une puissance technologique performante. Elle
est à des années-lumière des autres pays musulmans. Elle fabrique ses
chars, ses avions et ses drones. Selon le Global Security (organe du
Pentagone), l’armée de l’air iranienne est, quant à elle, capable de
construire des avions de chasse type F4, des F5 et des F-17. Sa marine
compte six sous-marins type SSK Kilo et serait en train d’en terminer
quatre autres. Ses missiles sont très divers, de courte, moyenne et
longue portée. Par ailleurs, l'Iran a créé et mis sur orbite son premier
satellite.(8)
Dans un article élogieux, publié le 18 août 2008, le journal américain
Newsweek, que l’on ne peut pas soupçonner pourtant d’empathie avec
l’Iran, décrit le miracle : «On y relève quelques éléments aussi
intéressants que... surprenants ! En 2003, surprise des responsables du
département d'Electronical Engineering de l'Université de Stanford, qui
constatent que les meilleurs étudiants aux difficiles épreuves
d'admission à leur cycle Ph.D. proviennent d'un même pays et d'un même
établissement : la Sharif University of Science and Technology en Iran.
Sharif dispense, selon de nombreux spécialistes, l'un des meilleurs
programmes ‘’undergraduate’’ (niveau licence) du monde en electronical
engineering en compétition avec le MIT, Caltech, Stanford, Tsinghua et
Cambridge. Les parents privilégient, s'agissant de l'orientation
scolaire de leurs enfants, les formations d'ingénieurs et la médecine
aux autres disciplines. Une sélection rigoureuse : chaque année 1 500
000 lycéens passent un examen d'entrée à l'université, 10% d'entre eux
s'orientent vers les universités publiques les plus prestigieuses et 1%
parmi les plus brillants, telles que Sharif. Un excellent corps
enseignant scientifique. Priorité est donnée aux sciences dans les
programmes scientifiques des lycées. Un succès certes surprenant, mais
qui — c'est certain — ne doit rien au hasard.(9)
Enfin on sait qu’il y a plusieurs commandants de bord femmes dans la
compagnie Iran Air. Cerise sur le gâteau, c’est une femme qui vient
d’être nommée P-DG de la société ; en effet : «Riche d’un parcours sans
faute qui parle pour elle et de compétences remarquables qui l’ont
imposée dans un secteur industriel dominé par la gent masculine,
Farzaneh Sharafbafi est la première femme iranienne à se voir confier
les commandes de Iran Air, la compagnie aérienne nationale, installée
dans un prestigieux bureau dont elle fera son cockpit pour bien la
piloter et lui assurer un nouvel envol. A 44 ans, cette experte connue
et reconnue de tous, titulaire d’un doctorat en aérospatiale, qui
enseigna à l’Université technologique Amir-Kebir, puis à l’Université
d’ingénierie aéronautique Shahid Sattari, avant d’être promue directrice
du département de recherche d’Iran Air, entre dans l’histoire de son
pays en pulvérisant l’un des plafonds de verre les plus imbrisables qui
soient. Nommée P-DG du fleuron de l’aviation de la République islamique
d’Iran, créé en 1944, par le ministère iranien du Logement et du
Développement urbain, Farzaneh Sharafbafi est propulsée tout en haut
d’une pyramide qui, loin de lui donner le vertige, lui donne plutôt des
ailes.»(10)
Grigori Perelman : les mathématiques pures
Dans le même ordre de l'effort, il existe des personnes non obnubilées
par l'appât du gain ou la célébrité à tout prix, même si la morale est
piétinée. Ainsi, le mathématicien russe Grigori Perelman a refusé la
médaille Fields, considérée comme le «Nobel des mathématiques», octroyée
en août 2006 pour ses recherches sur la «conjecture de Poincaré», un
casse-tête vieux de plus de cent ans. Mieux encore, l'Institut de
mathématiques Clay lui a décerné le prix du Millénaire le 18 mars 2010
doté de 1 million de dollars. Perelman refuse le prix comme il refuse
toutes les distinctions. Il vit reclus avec sa vieille mère dans un
logement dénué de tout confort au quartier populaire de
Saint-Pétersbourg. On comprend alors le mépris qu’il eut quand on lui
demanda pourquoi il refusait 1 million de dollars : «Je sais comment
gouverner l'Univers. Pourquoi devrais-je courir après un million ?!»
Ce que je crois
Les vrais défis du pays sont d'avoir une vision, non pas celle de suivre
cette jeunesse dans l'air du temps, mais de lui indiquer le devoir
envers le pays, par la contribution de chacun. A quoi rime tout ce
cirque qui consiste à singer les autres, pas dans le travail, la sueur,
l'effort, la créativité et les nuits blanches, mais dans celui de
l'amusement, de la drogue, de la Star’ ac, des «acteurs» que l'on fait
venir à coup de centaines de milliers de dollars ou de chanteurs (es)
qui ramassent en une nuit ce que de besogneux gagnent en une vie, ou
encore des footballeurs offshore qui nous donnent l’illusion du bonheur
alors que le vrai bonheur est dans la conviction d’avoir été utile et
d’avoir contribué à l’édification du vivre-ensemble et à la protection
du bien commun.
Imaginons pour rêver qu'il y ait en Algérien des concours de performance
en tout, en sport, aux jeux d'échecs, en mathématiques... Imaginons qu’à
la place des troubadours invités à prix d’or, on invite Maryam
Mirzakhani ou encore Grigori Perelman, je suis sûr qu’ils apporteront
par leur présence, leur aura, une dimension formidable à la quête de la
science dans ce pays. Imaginons que l'on fasse des Olympiades de la
performance et qu'on récompense les meilleurs.
Imaginons cette jeunesse en panne de cap fascinée par l'avenir et prête
à se défoncer pour le pays, c'est aux hommes politiques de leur donner
du grain à moudre au lieu de les habituer à la pente dangereuse de la
facilité, porteuse de tous les dangers. De sursis en sursis, la crise
morale est toujours là. La brillante performance de la jeune Iranienne
ne doit rien au hasard, elle est issue d'un creuset de l'élite, mot
encore tabou en Algérie. Jusqu'à quand nous ne comprendrons pas qu'il
faut faire la place aux légitimités du neurone ? Mettons en place comme
en Iran, pour commencer, une organisation pour le développement des
talents brillants. C’est un chantier difficile, mais les générations
futures seront reconnaissantes de leur avoir indiqué la seul vraie voie
qui permet de projeter l’Algérie dans la modernité. La mort prématurée
de Maryam Mirzakani est une grande perte pour la science, pour la
condition de la femme. Puisse son parcours susciter des vocations chez
nos jeunes en Algérie et enfin faire émerger dans le pays des vocations
mathématiques qui ont disparu dans le pays (à peine 2% d’élèves en
classe maths contre 25 % en Iran) . La science est la seule défense
immunitaire du pays dans un monde qui ne fait pas de place aux faibles
et aux incompétents. Amen.
C. -E. C.
1.http://www.tehrantimes.com/news/415087/Iranian-math-genius-Fields-Medal-winner-Mirzakhani-passes-away
2. Maryam Mirzakhani Encyclopédie Wikipédia
3.Chems Eddine Chitour
http://www.mondialisation.ca/misere-morale-en-algerie-le-mimetisme-ravageur-dun-occident-pervers/5402123
4. Aissa Hirèche : Concours de l'élection de miss Algérie L'Expression
du 8- 9-2014
5. http://libeteheran.blogs.liberation.fr/lettres_de_/2014/08/fields.html
6..http://www.tehrantimes.com/news/246969/The-women-of-Islamic-Republic
7. Chems Eddine Chitour septembre 7, 2011
http://www.mondialisation.ca/le-d-veloppement-technologique-de-l-iran-un-r-sistant-contre-le-nouvel-ordre-mondial/26435
8. Farsnews - Le 1er vol de l´avion de combat, «la foudre», «made in
Iran». 5 août 2007
9. Daniel Laurent. Et si l'Iran nous donnait des leçons en matière
d'enseignement supérieur ? Education/Recherche, jeudi 28 août 2008.
10. https://oumma.com/liran-nomme-premiere-femme-pdg-de-iran-air-compagnie-aerienne-nationale/?
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