Chronique du jour : SOIT DIT EN PASSANT
Et le prestige alors ? (1)
Par Malika Boussouf
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Tout le monde analyse. Tout le monde commente. Tout le monde donne
son avis. Non pas qu’il soit inconcevable que les gens puissent dire ce
qu’ils pensent des choses qui font la vie, mais de là à s’improviser
expert en tout, politologue émérite et surtout défenseur invétéré du
pays et du mérite qu’il y a à le conduire de la façon dont on le fait,
il y a des limites allègrement franchies qui font perdre toute
crédibilité aux gens dont c’est le métier de décrypter l’actualité dans
le bon ou le mauvais sens.
Dans les taxis plus qu’ailleurs, les échanges entre les gens qui s’y
rencontrent sont une occasion rêvée de débattre de ce qui se passe chez
nous et aussi de se familiariser avec ce qui court dans la tête de ceux
qui rêvent de rouler en Mercedes, mais qui, parce qu’ils n’en n’ont pas
les moyens, se trouvent d’autres sujets d’intérêt. Comme le fait de
trouver anormal qu’une femme exerce le métier d’agent de la circulation
ou indécent qu’une autre mange un sandwich en marchant. Ce sont des
exemples que j’ai pris comme ça. Juste parce que je trouve stupide que
nous en soyons encore là.
A laisser entendre que seuls les hommes sont autorisés à mâcher
publiquement. Mais là n’est pas l’objet de ce billet. Il y a quelques
jours, tandis que je rentrais chez moi, en taxi, sous une pluie
battante, le chauffeur, un jeune tout à fait décontracté et fort
sympathique, m’a, sur un ton docte, demandé si j’étais au courant de la
dernière.
Comme je me taisais, il s’est empressé de m’informer que le président
français avait la ferme intention de rentrer en Algérie par Sidi Fredj,
comme ses ancêtres l’avaient fait avant lui ! Comme je répondais que
c’était une plaisanterie, il m’a regardé en pensant sans doute au fond
de lui qu’une femme ne pouvait pas comprendre ces choses-là. Mais il a
quand même pris sur lui de m’expliquer la dépendance dans laquelle se
trouvait le pays.
J’avoue avoir trouvé très intéressants les moyens pédagogiques qu’il a
utilisés pour me dire les bobos quotidiens dont on se doute très peu de
l’impact qu’ils ont sur tous nos équilibres. Après, il m’a parlé de
prestige. C’est là que les esprits se sont échauffés.
M. B.
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