Chronique du jour : LES CHOSES DE LA VIE
La performance ne passe pas par les «gonfleurs de pneus»


Par Maâmar Farah
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Le PPP a beaucoup fait parler de lui. Et, parmi les réactions à notre avant-dernière chronique dénonçant ce plan de liquidation — par étapes — du secteur public au profit des mêmes milieux, il y a eu des sorties parmi les principaux animateurs de ce mouvement, pour rectifier le tir : «Il ne s'agit pas de prédation et ils n'ont aucune leçon de patriotisme à recevoir de quiconque.» Notre objectif n'était nullement de leur donner ce genre de leçons mais de défendre ce que nous défendions il y a plus de quarante années. Simplement. Ceci étant, nous ne sommes pas, non plus, des bolcheviques nostalgiques, ni des opposants acharnés à l'économie de marché. Le temps où nous étions heureux et fiers de prendre des gâteaux à la «pâtisserie socialiste» de la rue Abane-Ramdane est bel et bien révolu ! Notre enthousiasme révolutionnaire nous aveuglait au point où nous ne remarquions pas qu'il y avait, dans cet établissement «nationalisé », une armée de serveurs et aucun vrai chef... Non, nous ne sommes plus partisans du tout-Etat et nous avons toujours salué le patriotisme, jamais démenti, des vrais investisseurs, ceux qui avancent souvent sur un terrain miné, ceux qui paient leurs impôts, ceux qui n'exploitent pas les travailleurs, ceux qui produisent de la richesse et participent à l'effort national de développement. Oui à un secteur privé qui investit et rembourse l'argent public qui lui a permis de monter son affaire. Non à un secteur privé qui prend de l'argent sur injonction, ne l'utilise pas souvent pour l'investissement productif, rafle les meilleurs terrains dans les zones industrielles pour les revendre, etc. Non à ces parasites qui s'instaurent hommes d'affaires et dont la finalité n'est autre qu'amasser une fortune pour la changer en devises et investir ailleurs. Cet ailleurs où leur incompétence chronique les empêche d'utiliser leur argent pour investir dans les vraies affaires ou dans l'industrie. Ils achètent de l'immobilier. Spéculateurs nés, ils sont les plus grands prédateurs et nous continuerons à les appeler par ce nom, et encore nous sommes gentils. De quel droit le citoyen «F'len» se voit attribuer un bien public édifié par des cadres et des travailleurs qui ont parfois consenti de grands sacrifices pour l'installer et le faire fonctionner ? Ce citoyen F'len est généralement un analphabète qui est rentré dans les affaires par la grâce du système qui enrichit les plus minables afin de les utiliser à sa guise. Oui, ces messieurs vont acquérir des biens qui appartiennent au peuple et ils vont les payer avec l'argent du peuple. Qu'apportent-ils en dehors de cet argent des banques publiques ? Sont-ils experts dans leur domaine ? Qu'ont-ils à offrir à ces entreprises qu'on nous dit malades ? Les vrais industriels ne courent pas les rues chez nous. Tout le monde le sait. N'est pas industriel qui veut ! Prenons l'exemple de ces usines d'assemblage de voitures. Peut-on considérer ce manège newlook comme une industrie mécanique ? Je dis souvent à mes amis qui s'empressent de mettre tout le monde dans le même sac, de demander une autorisation pour visiter les usines de l'ex-Sonacome de Rouiba ou de Constantine. Nous avons, là, des exemples de ce que devrait être de vraies industries mécaniques : l'acier qui vient, ou viendra, des usines sidérurgiques nationales qui transforment le fer local, passe par une forge, par le façonnage des formes qui serviront à la structure du véhicule; l'unité mitoyenne fabrique localement les moteurs; une autre la sellerie; de nombreuses pièces sont également usinées sur place. Nous arrivons parfois à des taux d'intégration de 80 pour cent ! Que va apporter à ces usines un «gonfleur de pneus» qui reçoit ses voitures dans des cartons? Il aurait mieux valu laisser l'importation sous son ancienne forme car la nouvelle, c'est de la supercherie qui profite aux enfants gâtés du système et jamais aux consommateurs ! «OK, ça c'est pour la SNVI... Mais les hôtels ?» Oui, absolument, l'Etat n'a pas à gérer des chambres d'hôtel ou des restaurants. Le problème n'est pas là. Si l'Etat ne peut plus gérer des établissements touristiques, cela veut dire qu'il faut les confier à qui de droit, à des gens dont le métier est de bien gérer ce genre d'activité. Vous en connaissez beaucoup, vous, parmi nos hommes d'affaires qui ont la réputation d'être des managers de biens touristiques qualifiés et reconnus ? Mehri ? Oui, mais il a fini par se mettre sous l'étendard de Marriot et Ibis ! Oui, la réalité du tourisme mondial fait que l'on ne peut évoluer en dehors des géants mondiaux si l'on veut édifier un secteur touristique performant. Parole de socialiste convaincu ! Alors, puisqu'on finira par confier ces trésors à des sociétés internationales qui les feront fructifier, pourquoi en changer la propriété ? Pourquoi les donner à un privé qui les donnera à Ibis, Hilton, Hollyday In ou Marriot ? N'estce pas à l'Etat, actuel propriétaire, d'en assurer d'abord la réhabilitation, disons la restauration pour garder l'empreinte de Pouillon, avant de les livrer, sous forme de contrats de gestion garantis, à ces sociétés ? Nous ne suivrons pas M. Sidi Saïd qui nous sort : «Il vaut mieux accepter Ali et Mohamed que Jean ou Paul !» Non, quand on veut la performance, quand on veut attirer des touristes en grand nombre et n'ayant plus les capacités et les moyens humains de Sonatour, on ne fait pas dans les demi-solutions ! On fait comme tous les pays de la planète. Ceci étant, il n'y a aucun intérêt à changer la propriété de ces biens. Sauf, si l'on veut privilégier les «prédateurs» ! Je demande fraternellement à M. Sidi Saïd et ses amis de visiter les hôtels privatisés. Des bijoux de l'ancienne Sonatour, à l'architecture authentiquement algérienne, œuvre du génie Pouillon, ont été livrés à des analphabètes et le résultat est affligeant ! Et cet hôtel Ryad, bradé avec ses hectares à des étrangers, sans appel d'offres, n'aurait-il pas gagné à rester propriété de l'Etat qui l'aurait confié à des spécialistes mondiaux ? M. Temmar est passé par là ! Je vous en conjure, ne faites pas comme M. Temmar ! Oui, donnons au secteur privé qui crée la richesse tous les moyens, qu'il soit leader dans la fabrication de nombreux produits, qu'il occupe le terrain de l'importation et participe même à l'effort d'exportation ! Tout cela, c'est tout bénef pour notre pays. Le FCE, qui regroupe aussi de vrais investisseurs de tout le pays, est une force qui ne doit pas devenir exterminatrice. Elle a les moyens d'être une force de développement et de proposition ! Qu'elle s'occupe d'abord de ses affaires et Dieu seul sait que les vrais investisseurs ne sont pas les bienvenus partout. Même ses 34% ne sont pas les bienvenus dans les sociétés publiques ! Il y a des sociétés internationales qualifiées qui attendent de rentrer dans le capital de nos entreprises défaillantes. Contrairement aux «gonfleurs de pneus», ces sociétés apporteront l'argent et le savoir-faire. Quant à la loi 51/49, elle reste un moyen d'éviter les décisions majoritaires des prédateurs extérieurs, décisions qui iront, comme dans un passé récent, jusqu'à la fermeture des usines et l'inévitable importation ! Mais, franchement, si une confiserie ferme parce que ses nouveaux propriétaires étrangers l'auront décidé, qu'est-ce que cela va changer ? Par conséquent, la loi des 51/49 reste utile pour les secteurs stratégiques qu'il faut bien définir en veillant à la sécurité du pays dans de nombreux domaines. Mais on peut lâcher du lest pour le reste ; les investisseurs seront légion ! Le FLN a recadré le débat sur le Partenariat public-privé mais il reste beaucoup à faire pour empêcher les prédateurs de porter l'estocade à un secteur public qui ne mérite pas de finir entre les mains de certains affairistes qui n'ont rien apporté au pays et qui n'apporteront rien !
M. F.





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