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Rubrique A fonds perdus

Gagner la guerre sans combattre

«La Chine a de grands projets pour gagner la prochaine guerre», titre The National Interest, sous la plume de Jeffrey Engstrom, dans son édition du 9 février 2018(*). Le magazine soupçonne l’armée chinoise de recourir à une stratégie vieille de 2 500 ans pour l’utiliser contre les Etats-Unis. Pour rappel, l’Armée populaire de libération est le nom officiel de l'Armée nationale de la République populaire de Chine.
Avec plus de deux millions de soldats actifs, l'APL est depuis la disparition de l'Armée rouge (soviétique) la plus grande du monde en termes d'effectifs. L'APL compte depuis le 1er janvier 2016 cinq services — l'armée de terre, la marine, la force aérienne, la force de soutien stratégique (créée en 2016), la Police armée du peuple et la milice.
La Chine est actuellement l'un des plus gros importateurs d'armements de la planète et son industrie d’armement est (par le nombre d'employés) le premier complexe militaro-industriel du monde.
Le budget de la défense officiel chinois — en constante augmentation depuis les années 1990 — la classe désormais au deuxième rang mondial derrière celui des Etats-Unis avec (en 2008) 5,8% des dépenses de défense mondiale, soit 84,9 milliards de dollars, soit une augmentation de 194% entre 1999 et 2008. On reste, tout de même, loin des 600 milliards de dollars votés par le Congrès américain à l’armée US en 2018.
Le propos du jour porte sur la Force du soutien stratégique, la cinquième armée créée le 1er janvier 2016, en charge de nombreux domaines comme le renseignement et l'analyse, la guerre électronique, la cyberguerre ainsi que la guerre psychologique. Le magazine se base sur des études récentes de l’Institut de recherche Rand Corporation pour dévoiler la nouvelle doctrine militaire de la Chine. Celle-ci repose sur le principe de «gagner la guerre sans participer aux combats», écrit le National Interest. Ainsi, dans l’éventualité d’une guerre avec les Etats-Unis, Pékin empêchera Washington d'utiliser ses armes de précision qu'elles soient terrestres, maritimes ou aériennes, et mettra hors service les systèmes américains d'analyse de données et ceux de transmission d'ordres, neutralisant ainsi les Forces aériennes, terrestres et navales des Etats-Unis.
La doctrine chinoise ainsi diabolisée s’inspire des guerres du Golfe de 1991 et du Kosovo de 1999 : «Les victoires éclatantes des coalitions américaines sur l'Irak et la Yougoslavie étaient uniques non seulement parce qu'elles mettaient l'accent sur les armes furtives et guidées par la précision, mais surtout parce que la victoire n'exigeait pas l'anéantissement des forces ennemies sur le champ de bataille.»
Les deux exemples attestent d’une situation inédite où «l’extermination n'était pas nécessaire pour obtenir un succès opérationnel».
Sur la façon dont l'armée chinoise conceptualise les conflits au XXIe siècle selon le magazine, il y a lieu de relever qu’elle «considère la guerre comme n'étant plus un combat entre des unités adverses, des armes, des services ou même des plates-formes d'armement spécifiques, mais plutôt une compétition entre de nombreux systèmes opérationnels contradictoires». Cette confrontation des systèmes est considérée comme «le mode opérationnel de base des campagnes conjointes dans des conditions informatisées», de traitement des «données en temps réel». Elle couvre aussi bien «les domaines physiques traditionnels de la terre, de la mer et de l'air, mais aussi dans l'espace extra-atmosphérique, le cyberespace immatériel, les domaines électromagnétiques et même psychologiques». Cette particularité lui assigne un objectif de «domination globale» dans tous les domaines ou champs de bataille.
De plus, dans les différents champs de bataille où la confrontation des systèmes a lieu, les formes d'opérations et les méthodes de combat ont évolué. En conséquence, les systèmes opérationnels, tels que conçus par l'armée chinoise se veulent «suffisamment multidimensionnels et multifonctionnels pour mener une guerre dans tous ces domaines».
A ce titre, tout système opérationnel particulier comprend cinq systèmes principaux: le système de commandement, le système de frappe (la puissance de feu), le système de confrontation de l'information, le système de renseignement (de reconnaissance) et le système de soutien.
La configuration d'un système opérationnel commence par la combinaison d'un «large éventail de forces opérationnelles, de modules et d'éléments» grâce à des réseaux d'information intégrés «parfaitement reliés».
La conduite de cette «guerre de destruction du système» vise à «paralyser et même à détruire les fonctions critiques du système opérationnel de l'ennemi». Ce dernier «perd la volonté et la capacité de résister» une fois que son système opérationnel ne peut pas fonctionner efficacement. «La paralysie peut se produire par des attaques cinétiques (relatives au mouvement) et non-cinétiques, car chaque type d'attaque peut être capable de détruire ou de dégrader des aspects clés du système opérationnel de l'ennemi, le rendant ainsi inefficace. De même, la paralysie peut également se produire en détruisant le moral de l'ennemi et la volonté de se battre.»
La dernière version du livre blanc sur la défense de la Chine énonce que les «forces de combat intégrées (…) (doivent être) utilisées pour prévaloir dans les opérations système contre système, avec dominance de l'information, frappes de précision et opérations conjointes».
Par ailleurs, les approches ne sont pas figées et obéissent à un besoin d’adaptabilité : «Bon nombre des systèmes opérationnels envisagés par l'armée chinoise n'existent pas en temps de paix, mais sont conçus spécialement lorsque le besoin d'opérations imminentes devient évident. En conséquence, chaque système opérationnel sera conçu sur mesure pour le conflit ou l'opération qu'il est censé mener, en tenant compte d'aspects tels que la portée, l'échelle et les capacités du (des) système(s) opérationnel(s) de l'adversaire, ainsi que des domaines de bataille et des dispositions requises par le conflit imminent.» «A ce titre, de nombreux systèmes opérationnels pourraient être activés et engagés dans des opérations à tout moment pendant un conflit. Au fur et à mesure que les exigences du champ de bataille et les phases de guerre changent, ces systèmes seront reconfigurés, activés et/ou désactivés pour optimiser le mélange de force à tout moment.»
A. B.

(*) Jeffrey Engstrom, China Has Big Plans to Win the Next War It Fights, National Interest, 9 février 2018.
http://nationalinterest.org/blog/the-buzz/china-has-big-plans-win-the-next-war-it-fights-24449
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