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Rubrique A fonds perdus

L’Afrique innove

Pour les GAFAM (Google, Facebook, Amazon, Microsoft), l’Afrique est « un continent qui a beaucoup à offrir et qui, pour le moment, n’impose que peu de contraintes ». Le potentiel est énorme : alors qu’en 2050, le quart de la population mondiale vivra sur le continent africain, seuls 15% de sa population bénéficie aujourd’hui d’un accès à internet à domicile, rappelle le magazine en ligne PwC.(*)
« L'Afrique serait-elle donc en train de récupérer, petit à petit, son retard dans l'innovation high-tech ? Certainement. Mais à sa manière. Et à son rythme», promet ce dernier.
Le handicap majeur du continent est sa faible connectivité : moins de 30% des Africains ont accès au haut débit mobile (contre 43% en Asie pacifique, avant-dernier du classement, et 79% en Amérique, en tête de liste) et seulement 15% bénéficient d'un accès à internet à domicile (contre 46% en Asie pacifique et 84% en Europe), selon une étude de l’Union internationale des télécommunications de 2017.
L’ambition d’accroître le taux de pénétration d’internet à l’échelle continentale se heurte à un problème de financement. Les fonds créés localement qui se développent souvent sous forme de taxe sur les opérateurs téléphoniques ne parviennent pas encore à couvrir tous les besoins.
Par ailleurs, ces derniers œuvrent à élargir les infrastructures permettant de relier au réseau des régions déconnectées pour leur offrir leurs services.
Cela ne semble pas suffire à répondre aux demandes colossales de zones entières dont les besoins de connectivité ne concordent pas avec la rentabilité à court terme recherchée par ces opérateurs.
« Imaginez à présent que vous êtes l’habitant d’un village de l’Est marocain, que vous souhaitez commander un produit depuis l’écran de votre salon, alimenté par l'énergie solaire, régler la facture depuis votre téléphone mobile et récupérer votre livraison déposée devant votre porte sous 24h... Un rêve ? Non, grâce aux nouvelles technologies – et plus particulièrement à l’intelligence artificielle (IA) – cela sera bientôt possible. L'Afrique serait-elle donc en train de récupérer, petit à petit, son retard dans l'innovation high-tech ? Certainement. Mais à sa manière. Et à son rythme. »
Une telle perspective, heureuse, est adossée à une bonne (ou mauvaise) nouvelle : persuadés du fort potentiel que représente le marché africain dans le secteur du digital, depuis plusieurs mois, des investisseurs étrangers de taille ont déclaré vouloir miser gros sur l’Afrique : les GAFAM.
En quête d’environnements dépourvus de réglementation et misant sur l’avenir, ces derniers ont pris pour débouchés les pays émergents d’Afrique, devenus pour ces entreprises des marchés cibles, car moins matures.
Si, à ce jour, Amazon, le numéro un mondial des ventes en ligne, en est encore au stade de l’observation, et qu’Apple reste un peu en retrait, « Microsoft est, d’ores et déjà, incontournable sur le terrain institutionnel: il fournit sa technologie, notamment bureautique, à la quasi-totalité des gouvernements. Simultanément, Facebook et Alphabet – la maison-mère de Google – rivalisent d’incroyables initiatives pour convaincre les décideurs locaux de collaborer avec eux. »
Facebook a annoncé vouloir offrir à vingt-trois pays africains un accès gratuit à internet via son service baptisé Free Basics. A entendre un représentant de la firme, la décision ne manque pas d’altruisme – fournir un service météo aux agriculteurs ou une encyclopédie numérique aux écoliers — mais il n’est pas perdu de vue ce que ces bénéficiaires pourraient apporter au monde quand ils associeront leurs voix à celles des plus de deux milliards d’utilisateurs que comptabilise déjà l’opérateur.
Google « accompagne déjà en Afrique quelque cent mille développeurs, collabore avec une soixantaine de start-up Tech, propose des bourses doctorales pour former les talents locaux aux métiers du numérique, mène des campagnes de sensibilisation auprès des entrepreneurs concernant les enjeux du digital, œuvre à réduire les coûts d’accès à internet pour les populations défavorisées ».
Accra est la onzième ville au monde à accueillir un centre de recherche en IA de Google, après Paris, Zurich, Tokyo, Beijing, Montréal, Toronto, Seattle, Boston, Tel-Aviv et New York.
« Le message envoyé par l’entreprise américaine est fort : conjointement avec les Etats, institutions et entreprises publiques et privées du continent, Google s’engage à accélérer la transformation numérique de l’Afrique. Ses principaux atouts : son expérience, sa trésorerie et son ambition. Son objectif : créer de l’IA là où les contraintes de tout type sont presque inexistantes. »
Plusieurs initiatives favorisent déjà l’IA. « L’une d’elles provient de l’Unicef, qui a récemment décidé d’investir dans l’apprentissage profond – plus communément appelé le « deep learning » – pour tenter de diagnostiquer l’éventuelle malnutrition des enfants à partir de photos ou de vidéos, alors que les mesures, jusqu’à maintenant, se basaient sur la circonférence de leurs bras et souffraient d’imprécisions. Autre initiative : des chercheurs travaillent actuellement à la création d’algorithmes destinés à définir précisément le niveau de richesse de villages africains en combinant des images satellite prises de nuit et de jour. Le Nigeria, la Tanzanie, l’Ouganda, le Malawi et le Rwanda ont été l’objet d’une première étude pilote de ce système a priori bien plus efficace que les méthodes antérieures. »
De plus en plus sensibilisée aux grands enjeux que représente cette technologie, la jeunesse africaine met sa créativité au service de l’IA.
Qu’il s’agisse de la collecte et du contrôle des données personnelles, du financement des start-up ou de la formation des développeurs, « il y a une forme de colonisation numérique dont on ne parle que très peu », estime un développeur ouest-africain passé par un incubateur de Google.
Pour l’Afrique, c’est quitte ou double. Ou bien l’IA sera « le levier qui permettra au continent de se hisser au rang des meilleures économies mondiales », une sorte d’accélérateur de développement qui fera oublier que ce continent a fait l’impasse sur les deux premières révolutions, l’industrielle et la postindustrielle, ou bien les GAFAM et d’autres entreprises Tech mettront la main sur les données produites par le continent et créeront des solutions intelligentes qui ne bénéficieront pas à l’emploi et à l’économie africaine.
« En 2019, rien n’est encore décidé. Les dés ne sont pas lancés. Mais le temps presse. Et au jeu de la « maîtrise de l’IA », pour l’instant, les sociétés étrangères ont une énorme longueur d’avance sur l’Afrique ».
A. B.

(*) Les GAFAM en Afrique : aide au développement ou prédation, https://www.pwc.fr/fr/decryptages/transformation/gafam-en-afrique-aide-au-developpement-ou-predation.html
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