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Rubrique A fonds perdus

Le nationalisme économique

J. W. Mason, maître-assistant en économie au John Jay College de New York et collaborateur au Roosevelt Institute, recommande beaucoup de prudence dans le traitement du nationalisme économique de nos jours.(*)
Revenant sur l’ambiguïté du concept de «capitalisme mondial», il relève que si «la souveraineté, la démocratie et la réglementation économique sont nationales (…), l'économie est globale».
Il conviendrait alors de concilier «la magie du marché» s’agissant du commerce international et de l'investissement étranger, d’une part, et «le contrôle politique de l’économie» par des gouvernements nationaux perçus par les élites transnationales comme étant démodés et obsolètes.
La méfiance vis-à-vis de «l'ajustement automatique par les marchés» et la quête d’une «réglementation consciente de l'économie» sont légitimes dans la construction d’une gouvernance internationale véritablement démocratique, la préservation d’un espace pour la régulation de la vie économique, la promotion «des intérêts de la sphère électorale particulière dont nous sommes responsables et, enfin, la réponse aux besoins mondiaux pressants en matière de changement climatique et d'inégalité.
L’équation idoine repose sur la conciliation des attentes, pas toujours complémentaires, des Etats-nations, des marchés et des personnes.
J. W. Mason revient sur «le trilemme» de Dani Rodrik. Rodrik, cher à la plupart des libéraux depuis les années quatre-vingt-dix et soutenant que parmi les trois paramètres que sont la souveraineté nationale, le gouvernement démocratique et l'intégration économique internationale, «vous pouvez en avoir deux, mais pas tous les trois» à la fois.
Des trois composantes du «trilemme», Rodrik croyait que, la mondialisation étant inévitable, c'était la nation qui devait être sacrifiée. Il assurait, par ailleurs, que si la mondialisation empêche les gouvernements nationaux de fournir ce qui est nécessaire pour la démocratie, l'autorité politique doit passer à un niveau supranational.
Rodrik semble avoir mis beaucoup d’eau dans le vin de sa mondialisation en reconnaissant (récemment, dans le New York Times, que cette dernière ayant été poussée trop loin, il fallait désormais «réévaluer l'équilibre entre l'autonomie nationale et la mondialisation économique» et «mettre la démocratie au service de l'économie mondiale, et non l'inverse».
Les économistes de droite cultivent cependant, et toujours, le mythe du libre-échange à partir d’une double conviction : primo, que les déficits sont auto-corrigés (c'est-à-dire que les paiements entre pays seront toujours compensés par un ajustement automatique des prix assuré par des taux de change flottants); secundo, que le commerce international permet aux pays de se spécialiser en fonction de leurs avantages comparatifs (capacités ou dotations propres).
Les choses ne sont pas aussi simples, rappelle l’auteur de l’étude, qui s’en remet aux «réalités du commerce international et de la finance (qui) présentent un certain nombre de défis à l'égard de du libre-échange».
Le premier mythe est sujet à caution parce que la «confiance dans les propriétés auto-ajustées des taux de change flexibles n'est pas confirmée historiquement», d’autant qu’il existe d'innombrables exemples de monnaies qui ne répondent pas correctement aux flux commerciaux. Ensuite, le commerce des marchandises ne représente qu’une petite partie de la balance globale des paiements, qui est dominée par les grands flux financiers – comme les prêts et emprunts étrangers, ainsi que les ventes et achats d'actifs financiers étrangers.
«Ces flux financiers, principalement liés au commerce ou à la production, peuvent éloigner les taux de change des niveaux que les flux commerciaux devraient anticiper et soulever des problèmes de paiement, même pour les pays qui n'ont pas de déficits commerciaux importants».
Le second mythe de l'orthodoxie du libre-échange (une division internationale du travail reposant sur les avantages comparatifs) est lui aussi sujet à caution : «L'avantage comparatif s'avère contraire à l'industrialisation et au développement» car «l'industrialisation est, par définition, de développer des secteurs dans lesquels un pays n'est actuellement pas compétitif».
Faisant sienne une idée de l’ancien ministre grec des Finances, le frondeur Yanis Varoufakis, l’auteur plaide alors pour la mise en place d’un «mécanisme de recyclage excédentaire», autrement appelé «mécanisme actif pour ‘’recycler’’ l'argent des pays excédentaires vers les pays déficitaires». A ce titre, des contrôles de capitaux limitant les flux financiers permettent de maintenir la balance des paiements dans une fourchette acceptable.
En l'absence de tels contrôles, la plupart des pays doivent «envoyer un flux régulier de biens et de services aux Etats-Unis et ailleurs dans le Nord afin de s'auto-assurer contre les renversements de flux de capitaux, ainsi que de payer les biens que leurs élites acquièrent dans les pays riches et, bien sûr, desservir la dette extérieure publique et privée».
L’Afrique offre un bel exemple du procédé : «Un gouvernement emprunte de l'argent à l'étranger, généralement pour un projet de développement ; les soldes en devises créés par le prêt sont affectés par l'élite riche du pays, ils sont transformés en comptes bancaires personnels à New York ou à Londres ; le pays est alors obligé de générer un excédent d'exportation pour le service de la dette.»
Ainsi, «le pétrole, les diamants et le chocolat africains sont transformés en richesses privées aux Etats-Unis et en Europe».
Préserver la souveraineté devient alors vital : «L'Etat-nation n'est pas seulement un véhicule pour les aspirations des travailleurs, mais fournit également un cadre juridique et une légitimité politique sans lesquels le capital ne peut pas exister. Les marchés véritablement déréglementés déchirent le substrat social dans lequel ils se développent.»
«Je sympathise avec ceux qui réduiraient au minimum, plutôt qu'avec ceux qui maximiseraient l'enchevêtrement économique entre les nations. Les idées, la connaissance, la science, l'hospitalité, les voyages, ce sont des choses qui devraient être de nature internationale. Mais laissez les biens être accueillis à la maison chaque fois que cela est raisonnablement possible et, surtout, que les finances soient principalement nationales.»
A. B.

(*) J. W. Mason, A Cautious Case for Economic Nationalism, Dissent, printemps 2017.

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